Coup dur pour la réindustrialisation bretonne après l’abandon du projet Bridor

Quel avenir pour l’industrie bretonne ? L’abandon du projet d’usine Bridor à Liffré, en raison du blocage juridique des défenseurs de l'environnement a suscité un choc et des réactions à la chaîne dans les milieux économiques et politiques bretons. L’écosystème craint de voir le territoire rester à l’écart du mouvement de réindustrialisation.
Grillant au passage la création de 500 emplois directs, l'abandon du projet de construction, à Liffré (Ille-et-Vilaine) d'un site « ultra-moderne » de production de viennoiserie et de pain surgelés pour l'exportation par le groupe Le Duff alerte sur le devenir industriel de la Bretagne à heure de la reconquête de la qualité environnementale.
Grillant au passage la création de 500 emplois directs, l'abandon du projet de construction, à Liffré (Ille-et-Vilaine) d'un site « ultra-moderne » de production de viennoiserie et de pain surgelés pour l'exportation par le groupe Le Duff alerte sur le devenir industriel de la Bretagne à heure de la reconquête de la qualité environnementale. (Crédits : Bridor / Charlotte Strömwall)

Annoncé mardi 30 mai, l'abandon du projet de construction, à Liffré (Ille-et-Vilaine) d'un site « ultra-moderne » de production de viennoiserie et de pain surgelés pour l'exportation par le groupe Le Duff fait grand bruit en Bretagne. Grillant au passage la création de 500 emplois directs, ce retrait apparaît d'autant plus choquant pour l'écosystème breton qu'au même moment était inaugurée dans le Nord la première Gigafactory de batteries. Cet épisode met en lumière les limites que pose l'enjeu de la réindustrialisation des territoires à l'heure du changement climatique.

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Artificialisation

La construction de l'usine Le Duff était particulièrement contestée par les associations et une partie des habitants de Liffré car elle conduisait à l'artificialisation d'une parcelle de 12 hectares, à une consommation d'eau de près de 190.000 mètres cubes sur le site et à 75.000 mètres cubes de rejets par an.

Toute la semaine, les réactions des pouvoirs publics comme des instances économiques régionales se sont enchaînées sur le devenir de l'industrie en Bretagne. Une motion a même été votée à l'unanimité mardi 30 mai lors de l'assemblée générale de la CCI Bretagne, par solidarité avec le groupe Bridor.

Pas que les services et le commerce

 « La situation créée par cet abandon interpelle. C'est une alerte pour le devenir de l'industrie bretonne car les entreprises locales doivent pouvoir s'y développer. L'activité économique ne peut reposer exclusivement sur les services et le commerce » s'est ému Jean-Pierre Rivery, président de la CCI régionale. Reprenant l'argumentaire du groupe Le Duff, La CCI régionale a dénoncé la longueur des procédures requises en vue de l'autorisation d'un projet industriel (10 ans pour le projet de Liffré), quand les concurrents européens mettent un à deux ans maximum à obtenir les leurs.

En novembre dernier, Louis Le Duff n'avait pas encore jeté l'éponge mais savait quand même que son projet d'usine Bridor à Liffré près de Rennes ne verrait le jour, au mieux, qu'en 2028.

Aujourd'hui, le président fondateur du groupe breton Le Duff (Bridor, Del Arte, Brioche Dorée), qui pèse près de 3 milliards de chiffre d'affaires et emploie 30.000 salariés dans le monde, se sent roulé dans la farine.

Son « chantage » pour mettre la pression sur les élus, en annonçant un investissement dans trois projets aux États-Unis, au Portugal et en Allemagne, avec à la clé 1.800 emplois directs, n'a pas fonctionné. Bloquée par les recours engagés en justice par des associations environnementales, l'affaire débouche sur un échec.

L'objectif ZAN en question

« Pourtant, le projet avait obtenu toutes les autorisations administratives et réglementaires, jusqu'aux conclusions favorables de la Commission Nationale du Débat Public. Aucun motif juridique ou légal ne s'oppose donc à la création de cette usine, que ce soit du domaine social, urbanistique ou environnemental » rappelle Jean-Pierre Rivery.

Alors que le bilan 2022 de l'instance consulaire met en avant l'accompagnement de 530 entreprises dans leur transition écologique et 70 de l'agroalimentaire dans un programme de sobriété dans l'usage de l'eau, la CCI Bretagne refuse d'opposer reconquête des compétences industrielles et écologie.

Mais craint, comme d'autres soutiens au projet, que cette décision n'envoie un mauvais signal aux investisseurs et industriels, y compris étrangers.

« Si les usines ne se font pas ici, elles se feront ailleurs » estime pour sa part Marie Kieffer, déléguée générale de l'Association bretonne des entreprises de l'agroalimentaire (ABEA). Et pas forcément dans de meilleures conditions sociales ou environnementales.

Jugeant que l'industrie doit être respectueuse de l'environnement mais ne peut pas avoir un impact zéro, le Medef Bretagne en profite pour réitérer sa demande de sortir l'industrie de l'objectif de « zéro artificialisation nette » en 2050 qui prévoit de réduire de moitié l'artificialisation des terres dès 2031.

Des emplois et moins de carbone, l'équation difficile ?

Le retrait du projet Le Duff jette aussi une pierre dans le jardin du président du Conseil régional Loïg Chesnais-Girard, adepte du mantra « plus d'emploi et moins de de carbone » et soutien affirmé, en tant qu'ancien maire de Liffré, de l'industriel.

A l'exception des écologistes, les oppositions régionales de droite et d'extrême-droite ont fustigé à la fois le « en même temps » du président de région et « les anti-tout » ou autres « talibans de la nature », qui demain s'appuieront sur ce précédent pour bloquer tout projet industriel.

« Je ne me résignerai pas car il est indispensable de bâtir la société écologique avec l'industrie et ses salariés » leur a répondu Loïg Chesnais-Girard. L'élu cite d'autres combats récemment gagnés en Bretagne pour l'emploi et liés à « celui pour le climat et la biodiversité » tels que les investissements d'Ardo France à Gourin (légumes), des Menuiseries de l'Atlantique à Landivisiau ou d'Alphatech à Plaintel (solutions innovantes de santé animale).

Une chose est sûre : en pleine offensive sur la réindustrialisation, les collectivités et les milieux économiques bretons attendent que le projet de loi Industrie verte, porté par le gouvernement, soit en capacité de réduire concrètement les délais d'implantation industrielle.

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Commentaires 9
à écrit le 05/06/2023 à 11:57
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Rennais d’origine ,quand je vois les retraités de LIFFRE s.opposer au projet Bridor je m.interroge ,que seraient ils devenus en 1975 quand CANON est venu s.implanter si quelques idiots a l.époque s.y étaient opposés. Manifestement peut importe le tr...

à écrit le 04/06/2023 à 8:18
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"Rennes. La baguette congelée de Bridor fait polémique au Royaume-Uni " C'est mieux pour l'image de la gastronomie française également.

à écrit le 03/06/2023 à 14:07
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Au moins on a affaire à une entreprise intelligente qui comprenant que son projet n'aboutira pas décide de réaliser celui ci dans une région plus accueillante, saluons cette preuve de sagesse pour éviter une procédure longue coûteuse et fastidieuse v...

à écrit le 03/06/2023 à 10:48
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C'est peut-être dommage pour les 500 emplois envisagés. D'un autre côté dans un pays qui a perdu 15 points de PIB industriel en 30 ans, ne trouve-t-on pas suffisamment de friches industrielles à ré-activer au lieu de continuer à faire disparaître de ...

à écrit le 03/06/2023 à 10:44
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Les BRETONS ce sont des gebns à part, car dès 1970 ils ne voulaient pas de la Centrale Nucléaire de PLOGOFF, trouvant très bien que l'INDUSTRIE en général et l'industrie polluante en particulier se trouvaient cantonnées sur La Voie-Atlantique (Chevir...

le 05/06/2023 à 16:59
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L'industrie du futur pour la Bretagne, c'est l'agroalimentaire. La nourriture viendra à manquer, et les prix vont exploser. Il est préférable pour le pays tout entier que la pollution industrielle ne vienne pas détruire le capital agronomique de la B...

le 06/06/2023 à 6:19
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A Pafo. C'est vrai, en ete les plages bretonnes sont tres accueillantes. Ca sent bon la maree.

à écrit le 03/06/2023 à 10:41
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"viennoiserie et de pain surgelés pour l'exportation" c'est le 'meilleur' endroit, géographiquement, si tout doit être exporté ? Y a des lignes de train (réfrigérés si c'est surgelé) pour transporter toute la production ? Ça ne doit pas toujours êtr...

à écrit le 03/06/2023 à 9:11
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Toute réindustrialisation qui demande de la publicité pour se developer n'a rien de résiliente ! Mais les dégâts sont fait !

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