Distribution : le point de retrait, un délicat passage du virtuel au réel

Leclerc leur accorde une partie de son enveloppe de 1 milliard d’euros, Carrefour en a déjà 600, Monoprix les appellent "drive piétons"... Ces sortes de bureaux de poste "maison" chargés d’assurer le lien entre virtuel et physique poussent comme des champignons en petites et grandes surfaces.
Leclerc compte investir un milliard d'euros en trois ans, notamment pour le déploiement de nouveaux points relais.

Des linéaires, des stands de produits frais, des caisses (parfois automatiques)... et désormais un comptoir de retrait et de dépôt des colis. Pas un mois sans qu'un distributeur n'évoque le déploiement à grande échelle de points de retraits de colis en magasin. Dernier en date : le groupement E.Leclerc. Son dirigeant, Michel Edouard Leclerc, y a fait allusion le 15 avril au micro de RMC au cours d'une interview qui a fait grand bruit. L'évocation du milliard d'euros d'investissements prévu en trois ans trouvant un écho plus large que lors de précédentes communications sur ce thème.

Un pont du clic au physique

Cette somme ne sera évidemment pas dévolue à la seule installation de ces lieux de retraits des colis commandés en ligne. Mais par leur rôle central dans un circuit de consommation bouleversé par l'essor de la vente en ligne, ce nouvel espace revêt apparemment un caractère capital.

En premier lieu, parce que le point de retrait devient le principal pont entre commerce virtuel et physique. Car, à la différence du drive où le client récupère son panier de course dans son coffre, parfois directement sur le parking, le point retrait attire les flux de visiteurs à l'intérieur des magasins.

Sur l'impact réel de ce nouveau service pour augmenter le chiffre d'affaires des magasins, aucune donnée exhaustive n'est disponible. Mais plusieurs études réalisées par des entreprises convergent. D'après l'opérateur Kiala (filiale d'UPS), qui a réalisé une enquête auprès de 6.000 consommateurs en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne et au Pays-Bas,  un acheteur sur trois ayant opté pour cette solution de livraison achète un autre produit sur place. Même constat pour Neopost, entreprise qui propose des points de retraits automatiques.

Commander sur Amazon, retirer chez Carrefour

Pour profiter du trafic ainsi généré. Certains vont même jusqu'à accepter des retraits de commandes effectuées chez des concurrents. C'est le cas de Super U ou de Carrefour. Une ouverture assumée par ce dernier. Son responsable de l'e-commerce, David Schwartz, invité par son prestataire KIala à témoigner devant des prestataires à Monaco en mars, a justifié ainsi ce choix:

" Je préfère que les clients achètent chez Amazon, chez Cdiscount, chez La Redoute, et viennent retirer leur colis dans mes magasins. (...) La première raison, c'est que cela crée de la notoriété, la deuxième c'est du trafic en magasin".

Un tiers des visiteurs achètent

Lui aussi indique avoir estimé "qu'un bon tiers" des clients venu sur place retirer son colis en profite pour acheter autre chose. "C'est très variable selon les formats de magasin et les périodes de l'année", précise-t-il.

Reste à déterminer combien d'acheteurs avaient prévus des emplettes et en ont profité pour retirer un colis dans la borne du magasin - auquel cas seule la mission de fidélisation est remplie ; et combien de nouveaux acheteurs ont ainsi été attirés dans cette enseigne parce qu'ils souhaitaient y retirer leur colis.

Sans oublier que s'ils permettent de chercher un paquet, ces comptoirs servent aussi de point de retours. Retours, qui dans certains cas, comme l'achat de chaussures par exemple, peut s'avérer fort utile pour le consommateur.

Utile mais coûteux puisque de Zappos à Zalando en passant Sarenza, il est d'usage d'autoriser le retour du produit gratuitement. "Le coût est marginal puisque les opérateurs utilisent souvent les mêmes circuits à l'aller qu'au retour", pointe un observateur du marché. Ce dernier chiffre entre 50 centimes et 1,5 euro le coût moyen au kilo d'un produit retourné, le niveau variant selon les volumes demandés.

Son réseau maison?

Pour réaliser des économies d'échelles, se pose la question de l'intégration au réseau logistique interne à chaque distributeur. "Notre métier c'est de descendre des palettes jusque dans les magasins en les laissant le moins de temps possible. Le colis unitaire, ce n'est pas notre métier", relève cependant David Schwartz, c'est Carrefour. D'où le recours à un prestataire, en l'occurrence Kiala, mais pour une partie seulement des commandes.

Monoprix a fait le même choix pour ses 60 relais opérationnels à la fin 2014. Pour promouvoir la solution comme une boucle totalement intégrer - acheter sur le site de Monoprix puis retirer les commandes dans un magasin, la marque a diffusé  un clip vidéo. Elle y définit le service comme un "drive piéton". " Le gros défi consistait à  séduire le client. Il avait le réflexe magasin, pas forcément le réflexe online", a expliqué Marie Renouard, chargée des opération 'omnicanal' auprès de l'enseigne lors de la conférence e-commerce One to One.

Avec le directeur des opérations e-commerce, elle a en outre témoigné de la nécessité de convaincre des directeurs de magasins de laisser un peu de place entre leurs rayons pour ce nouveau comptoir. "Au début, cela peut être considéré comme une nouvelle charge - il faut du personnel, des espaces de stockage - mais quand les responsables de magasins observent que la clientèle vient et achète, ils en sont plutôt satisfaits", a-t-elle raconté. Il faut dire que la quantité de colis reçu peut vite grimper. Dans ce cas, la file d'attente s'allonge. Et la promesse du "click and collect" de gagner du temps prend alors du plomb dans l'aile.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.