Gaspillage alimentaire : les initiatives se multiplient

Chaque année, des millions de tonnes de produits alimentaires sont gâchées en France et en Europe. Une aberration qui pousse néanmoins pouvoirs publics, associations et entreprises à se mobiliser de plus en plus. Et qui justifie la journée de sensibilisation consacrée dimanche à ce sujet de société.
Giulietta Gamberini
Dotée par Carrefour de 15.000 euros afin de concrétiser son projet, la start-up FoPo produit à partir des fruits et légumes collectés dans les fermes et magasins une poudre alimentaire, la Food Powder, pouvant être utilisée en cuisine ou intégrée dans les packs humanitaires. La vie des végétaux proches de leur date limite de consommation est ainsi prolongée de deux semaines à deux ans.

Au moment où le dérèglement climatique et la croissance démographique jettent une ombre sur l'avenir de la sécurité alimentaire, l'enjeu est de poids. Chaque année, en France, dix millions de tonnes de produits alimentaires, d'une valeur commerciale de 16 milliards d'euros, sont gaspillés en France, relevait en mai l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). En 2012, dans l'UE, les déchets alimentaires représentaient 88 millions de tonnes - 20% des aliments produits en Europe -  soit 173 kilos par personne, pour un coût global de 143 milliards d'euros dont plus de 28 milliards dus au gaspillage d'aliments sains, a calculé une autre étude, projet Fusions.

800.000 euros aux associations

Appelés publiquement à encourager et sécuriser les bonnes initiatives, les pouvoirs publics tentent alors de mener la lutte. En février, la France a adopté une série de mesures législatives contre le gaspillage alimentaire, allant d'une sanction pour éviter la destruction volontaire de denrées encore consommables par les commerces de détail à la modification du régime juridique de la responsabilité des producteurs du fait de produits défectueux. Les grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés ont notamment désormais l'obligation de passer des conventions avec des associations pour donner des denrées dont la date de péremption approche.

Une partie de l'action des pouvoirs publics consiste à soutenir la mission de ces associations. L'Ademe, chargée par Ségolène Royal, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de transition énergétique, d'intensifier son action d'accompagnement des acteurs de la chaîne alimentaire dans la lutte contre le gaspillage, vient ainsi d'octroyer une aide de 800.000 euros aux Restos du cœur, à La Croix Rouge et aux banques alimentaires (qui recevront respectivement 250.000, 100.000 et 450.000 euros, en fonction des tonnages collectés et redistribués), censées leur permettre de s'équiper en véhicules réfrigérés, chambres froides et containers pour recevoir davantage de denrées des grandes surfaces.

L'AP-HP se lance

L'agence soutient également -via des actions de sensibilisation, formation et équipement- 1.100 établissements scolaires, obligés depuis le le 1er septembre 2016 à mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire. Dans une étude publiée en septembre, l'Ademe évaluait en effet le gaspillage dans la restauration collective à 540.000 tonnes (soit plus d'un million de repas) et environ 15% du coût des achats.

Les hôpitaux, directement concernés par ce constat, s'y mettent aussi. Épinglée par une pétition ayant recueilli quelque 55.540 signatures, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) s'est ainsi lancée dans une tentative de réduction du gaspillage et de redistribution des surplus alimentaires hospitaliers. Accompagnée par l'entreprise sociale Eqosphere, elle lance une expérimentation à partir de décembre sur deux sites hospitaliers pilotes : Broca-Cochin et La Pitié-Salpêtrière. Il s'agira d'identifier les surplus et leur part redistribuable, de former les personnels, d'organiser les dons aux associations de solidarité partenaires, pour ensuite étendre la démarche.

Carrefour joue le bon élève

Quant aux industriels, accusés d'être responsables d'une partie importante de ce gâchis, se mobiliser devient un enjeu de réputation. Dans la grande distribution, Carrefour s'est ainsi par exemple engagé  à réduire de 50% ses déchets alimentaires d'ici 2025, dans tous les pays où il est présent et en mobilisant l'ensemble de ses collaborateurs et fournisseurs. Le groupe affirme avoir distribué en 2015 plus de 100,5 millions d'équivalents de repas aux associations, et avoir financé via sa fondation 17 camions frigorifiques et neuf chambres froides destinées au transport et au stockage de ces produits.

A l'occasion de la Journée de lutte contre le gaspillage alimentaire de dimanche, il organise par ailleurs des activités de sensibilisation vis-à-vis de ses clients à travers toute la France. L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) vient pour sa part de publier un guide censé aider les hôteliers à éviter toutes formes de gaspillage,

Un foisonnement de startups

La solution passant aussi par l'innovation, les grands groupes s'intéressent par ailleurs aux solutions développées par un florilège de startups s'affairant contre ce fléau. Carrefour vient notamment de clore un concours, Food waste Challenge, destiné aux entreprises porteuses de solutions innovantes pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Doté de 15.000 euros afin de concrétiser son projet, le lauréat, FoPo, produit à partir des fruits et légumes collectés dans fermes et magasins une poudre alimentaire, le Food Powder, pouvant être utilisée en cuisine ou intégrées dans les packs humanitaires. La vie des végétaux proches de leur date limite de consommation est ainsi prolongée de deux semaines à deux ans.

Un deuxième prix de 5.000 euros est remis à Too Good To Go, application mettant en lien magasins prêt à vendre à prix réduits des aliments proches de la date d'expiration et consommateurs. Dans la même veine, d'autres applis existent: Justoclic, aussi dédié centré sur la relation clients/commerçants, mais aussi Fresh me Up, mettant en réseau professionnels de l'alimentation, y compris restaurateurs, et associations. Pour les particuliers, Frigo Magic propose des recettes pour ne pas jeter ses restes, alors que CheckFood propose de suivre les dates de péremption de ses aliments. Pour la restauration collective Love your waste propose la transformation des biodéchets en biogaz et engrais naturels agricoles.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 17/10/2016 à 10:39
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VASTE SUJET? BEAUCOUP DE MAGASINS DESORME JOUE LE JEUX DE DONNEE AUX ASSIOCIATIONS CARITATIVES ET C EST TRES BIEN COMME CELA? MAIS AU NIVEAUX DU RECYCLAGE DES DENREES ALIMENTAIRE VRAIMENT PERIME IL Y A ENCORE DES PROGRES A FAIRE? BEAUCOUP SONT TOUS ...

à écrit le 16/10/2016 à 16:49
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Une initiative louable et qui permet de créer de l'emploi et les circuits de l'économie solidaire de demain. J'espère qu'elle créera des émules.

à écrit le 15/10/2016 à 18:36
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Le gaspillage alimentaire ne profite qu'à l'agro-industrie. La bouffe Sodexo on l'achète on la jette. Dans les collèges et lycée dans laquelle elle est les trois quarts sont jetés. Et vu la qualité de nourriture que c'est on a pas envie d'obliger...

à écrit le 15/10/2016 à 11:41
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Le gaspillage alimentaire le mot est laché !Il faut lutter contre bien sur ......Du producteur en passant par les grossistes et detaillants jusqu'au consommateur, il faut luter contre le gaspillage alimentaire .Les moyens sont connus .Le producteur n...

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