Pourquoi l'économie circulaire ne tourne pas rond

Très attendu, l'avant-projet de loi préparé par Brune Poirson tirant les leçons de la feuille de route sur l'économie circulaire est sous le feu des critiques tant des écologistes que des entreprises du secteur.
Giulietta Gamberini
La secrétaire d'État Brune Poirson devait présenter fin janvier un avant-projet de loi en Conseil national de la transition énergétique. Mais, après avoir fuité dans la presse, ce texte suscite l'inquiétude d'associations, réseaux et entreprises du secteur.
La secrétaire d'État Brune Poirson devait présenter fin janvier un avant-projet de loi en Conseil national de la transition énergétique. Mais, après avoir fuité dans la presse, ce texte suscite l'inquiétude d'associations, réseaux et entreprises du secteur. (Crédits : Reuters)

Six mois de travaux, plusieurs dizaines de parties prenantes, une consultation en ligne, 50 mesures couvrant l'ensemble du cycle de vie des produits de consommation... Censée « décliner de manière opérationnelle » l'abandon, appelé de ses vœux par Emmanuel Macron, d'une vision purement linéaire de l'économie, la « feuille de route sur l'économie circulaire », présentée en avril 2018 par le gouvernement, avait suscité beaucoup d'espoirs. Neuf mois plus tard, le sentiment est plutôt celui d'un gâchis.

Un avant-projet de loi sur l'économie circulaire devait être présenté par la secrétaire d'État Brune Poirson en Conseil national de la transition énergétique, fin janvier. Mais il ne l'a finalement pas été après avoir fuité dans la presse, suscitant les inquiétudes d'une vingtaine d'associations, réseaux et entreprises du secteur, qui ont fini par écrire au Premier ministre le 4 février.

Qu'est-ce qui ne tourne pas rond ? La méthode d'abord. Alors que ces acteurs attendaient « une grande loi économie circulaire » de l'envergure de celle relative à la transition énergétique de 2015, précédée par un « grand débat » devant le Parlement, le gouvernement a choisi de réserver - dans l'article 6 - une grande partie de la législation à adopter aux ordonnances, notamment la réforme du dispositif de « responsabilité élargie du producteur » (REP), visant à rendre les metteurs sur le marché responsables du moins financièrement de la fin de vie de leurs produits. Les signataires de la lettre craignent que les ordonnances ne laissent la place qu'à « de mesures technocratiques ne répondant pas aux grands enjeux évoqués », explique Samuel Sauvage, président de l'association Halte à l'obsolescence programmée (Hop), qui aurait souhaité plutôt pouvoir mener une « action de lobbying transparente » auprès des parlementaires.

Le plastique négligé

Quant au fond du texte, les cinq autres articles de l'avant-projet de loi - ceux qui ne renvoient à aucune ordonnance -, sont aussi considérés bien en deçà des ambitions de la feuille de route. En matière d'obsolescence programmée, les avancées sont minimes, souligne Samuel Sauvage. Les critères et le champ d'application d'un « indice de réparabilité », dont l'affichage sur certains équipements électriques et électroniques doit être rendu obligatoire à partir du 1er janvier 2020, restent suspendus aux conclusions d'un groupe de travail où les industriels sont plus nombreux que la société civile, regrette-t-il. Malgré quelques progrès timides en matière de transparence sur la disponibilité des pièces détachées, « aucune mesure forte favorisant la réparation et le réemploi » n'est explicitement prévue, ajoute-t-il.

Et alors que « la France aurait pu être l'un des premiers pays à transposer la directive sur le plastique à usage unique » en phase de négociation finale à Bruxelles, le texte du projet de loi ne contient rien en matière de réduction de la consommation de plastique, souligne Laura Châtel, chargée du plaidoyer pour l'association Zero Waste France. Un enjeu d'autant plus sensible que le Sénat, dans le cadre de l'examen de la loi Pacte, est en train de revenir en arrière sur une disposition de la loi Egalim interdisant justement à partir de 2020 un grand nombre de plastiques jetables.

« Le Sénat, soutenu par le gouvernement, semble aller dans le sens d'une transposition a minima de la directive européenne, qui pourtant laisse aux États membres la possibilité d'une interprétation plus large », explique Laura Châtel, craignant qu'il n'y ait plus d'occasion pour revenir dessus.

Fiscalité circulaire

Finalement, le gouvernement a décidé de suspendre la présentation de l'avant-projet de loi, pour l'enrichir des conclusions du grand débat, qui doit ainsi être élargi au sujet de l'économie circulaire, a-t-on appris la semaine dernière.

« C'est l'occasion d'ouvrir la discussion à tous les aspects de la profonde transformation de nos modes de consommation exigée par l'économie circulaire », se réjouit Emile Meunier, avocat signataire de la lettre, tout en rappelant qu'un « grand débat a néanmoins déjà eu lieu lors de l'élaboration de la feuille de route ».

« Sur les ronds-points, on parle d'ailleurs déjà beaucoup d'obsolescence programmée », ajoute-t-il, en insistant sur la nécessité de réfléchir à « une vraie fiscalité circulaire récompensant les comportements vertueux et renchérissant les pratiques moins durables », via des modulations de la TVA ou de l'éco-contribution.

Si fléchée au profit de la transition écologique et accompagnée de la pédagogie qui a manqué à la taxe carbone, une telle fiscalité à toutes les chances d'être acceptée, estime-t-il. Face à un calendrier et à une méthode complètement bouleversés et encore obscurs, il insiste toutefois : « À un moment donné, il faudra trancher politiquement et passer aux actes. »

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 19/02/2019 à 16:25
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Rien ne peux fonctionner, car la politique d'austérité de Burxelles, est en contradiction avec la politique de la Banque Centrale, qui rachète à tout va, toutes les créances douteuses de toutes les banques (PÑour éviter les faillites en masse de tout...

à écrit le 19/02/2019 à 10:36
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C'est comme pour l'UE de Bruxelles! Cela ne tourne pas rond parce que l'on commence par une fin dogmatique en pensant que l'on y arrivera mieux a coup de "réforme", qui ne peut être qu'imposée, que d'une libre adaptation!

à écrit le 19/02/2019 à 8:55
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Comment voulez vous que nos LREM, gamins gâtés ayant grandi une cuillère en or dans la bouche puisse appréhender le phénomène d'économie circulaire ? Comment être heureux sans acheter pour eux !? Inimaginable... Par ailleurs nos LREM sont là seul...

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