Comment la Californie est devenue le berceau de la voiture à hydrogène

Technologie encore très onéreuse, offre restreinte de trois modèles (tous asiatiques), infrastructures coûteuses... la voiture à pile à combustible résout pourtant tous les inconvénients de la voiture électrique (autonomie, temps de recharge...). La Californie poursuit ainsi sa politique très active en faveur du développement durable.
Nabil Bourassi
La Toyota Mirai a été vendue à 210 exemplaires en Californie en 2015.

L'Histoire retiendra-t-elle aussi de George W. Bush qu'il fut l'instigateur de la voiture à hydrogène aux États-Unis ? L'ancien président américain, plus connu pour ses envolées « va-t-en-guerre » et le peu de cas qu'il faisait de la cause environnementale, avait pourtant défié les ingénieurs de s'approprier cette technologie.

"Nos scientifiques et nos ingénieurs surmonteront les obstacles qui empêchent les voitures à hydrogène de passer du laboratoire à la rue", avait lancé George W. Bush en 2003.

Dès l'année suivante, la Californie, alors dirigée par Arnold Schwarzenegger, répondait favorablement à cet appel en se donnant d'ambitieux objectifs : 1,5 million de voitures à hydrogène en circulation en 2025. Elle investit ensuite près de 1,5 milliard de dollars sur dix ans pour développer la recherche sur la pile à combustible. Ces efforts ont payé : le prix de la pile à combustible a chuté de 50%, son autonomie a doublé, et la quantité de platine nécessaire a été divisée par cinq.

Des progrès salutaires

Ces progrès ont été salutaires pour cette technologie boudée par les constructeurs qui préféraient alors se concentrer sur le tout-électrique. Pour les uns, la pile à combustible était vue comme un véritable gouffre à investissements. Pour les autres, en revanche, la voiture à hydrogène présente tous les avantages de la voiture électrique (zéro émission, silencieuse) sans les inconvénients (autonomie, temps de recharge...). D'ailleurs, Toyota a choisi de ne pas s'attarder sur une gamme 100% électrique, considérant l'hydrogène comme l'étape suivante.

Aujourd'hui, les premières voitures sont en circulation aux États-Unis. Ironie de l'histoire, aucune d'entre elles ne bat pavillon américain. Le Tucson Fuel-Cell a été lancé par le sud-coréen Hyundai, la Mirai par le japonais Toyota et la Clarity Fuel Cell par un autre constructeur japonais, Honda. Les "Big Three" (Ford, General Motors et Chrysler) ont préféré miser sur la voiture électrique qui bénéficie également de bonnes infrastructures dans pays qui, il est vrai, a vu naître Tesla.

200 millions de dollars pour créer une infrastructure

La Californie continue cependant à croire à l'énergie à hydrogène et a mis en place des incitations à l'achat, dont un bonus deux fois plus élevé que celui prévu pour la voiture électrique. L'État le plus riche des États-Unis investit également dans les infrastructures permettant de réapprovisionner les voitures à hydrogène. Elle a ainsi dégagé de ses caisses une enveloppe de près de 200 millions de dollars pour équiper ses routes de 100 stations de recharge, dont 50 avant la fin 2016. La Californie vient d'accorder un financement de 28 millions de dollars à FirstElements pour qu'il bâtisse son réseau de recharge à hydrogène.

Le patron de FirstElements a toutefois dû reconnaitre que ses objectifs d'ouvertures de stations ont été fortement ralentis. En 2015, il n'a ainsi inauguré que 13 stations hydrogène sur les 19 qu'il espérait.

"J'aurais rencontré les mêmes problèmes si j'avais voulu ouvrir un Starbucks", assure-t-il néanmoins au site spécialisé Automotive News.

De la poule ou de l'oeuf

C'est le grand paradoxe de la poule ou de l'oeuf qui gèle le développement de ces nouvelles technologies : les voitures ne se vendent pas par manque d'infrastructures, et les infrastructures ne se développent pas par manque de voitures en circulation. Dans ces conditions, pour les constructeurs et les économistes, c'était tout vu : il appartient aux pouvoirs publics de prendre en charge l'investissement. Sauf que les municipalités ont préféré se concentrer sur le déploiement des bornes de recharge électrique. Elles considèrent que la technologie électrique est beaucoup plus mature que celle des voitures à hydrogène, avec une offre plus large et des prix plus accessibles.

La Californie, elle, a tranché différemment ! Elle soutient activement le développement de l'hydrogène tout en poursuivant son œuvre en faveur des voitures électriques. Elle a jugé impossible de se fier aux seuls acteurs privés. Toyota s'est allié avec Nissan et Honda pour fonder une coentreprise de réseau de stations à hydrogène. À 4 millions d'euros l'unité, le projet est colossal mais, pour la Californie, l'enveloppe est rikiki : 14 millions de dollars.

Un État écolo engagé

Fidèle à son engagement en faveur de l'environnement, la Californie a décidé de mettre la main à la poche. L'État de la côte ouest a pris conscience de la nécessité d'un développement durable suite à des épisodes fréquents de sécheresse depuis les années 1970, désormais devenus chroniques. L'État a commencé par apprendre à rationaliser la distribution et la consommation d'eau, avant de se pencher sur d'autres sujets comme les carburants. L'État américain a ainsi été le premier à imposer l'essence sans plomb et le pot catalytique. Le département californien de la justice a été jusqu'à intenter un procès aux constructeurs automobiles contre les émissions de CO2 qu'ils provoquent.

En réalité, le "Golden State" peut difficilement lutter contre l'existence même de la voiture. Avec un parc de 32 millions de voitures pour 35 millions d'habitants (à titre de comparaison, la France compte 38 millions de voitures en circulation pour 65 millions d'habitants), la Californie est une des régions les plus densément équipées au monde. Davantage que le port d'armes, la voiture a une valeur quasi cardinale dans la société américaine. Voilà pourquoi l'État a décidé de convertir petit à petit cet immense parc automobile plutôt que tenter de le restreindre. D'ailleurs, rouler en voiture zéro émission est très à la mode en Californie.

Mais les Californiens ne veulent pas se contenter de cautionner le déploiement de l'énergie à hydrogène, ils veulent également neutraliser l'impact carbone de sa production. Composé en partie d'hydrocarbures comme le méthane, l'élaboration de l'hydrogène est encore très gourmande en énergie et en CO2. En résumé, le chantier de la voiture à hydrogène est encore immense, et à plusieurs points de vue, cette technologie est encore au début de son histoire. La Californie a montré qu'elle voulait écrire une page de cette histoire même si les constructeurs nationaux sont encore en retrait...

Nabil Bourassi

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Commentaires 6
à écrit le 14/03/2018 à 13:49
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On peut rêver sur l'H2 carburant ou l'H2 pour PAC. C'est le vecteur d'énergie idéal et probablement d'avenir. Actuellement la production par vaporeformage des hydrocarbures est dominante car moins chère , mais on le produit couramment par électrol...

à écrit le 18/06/2016 à 10:53
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Encore une fois, arrêtez de parler de voiture à hydrogène, car vous semez la confusion. L'H2 peut être utilisé comme carburant direct comme cela existe déjà sur des bus, et voitures expérimentales, ou peut-être utilisé comme "carburant" de piles à co...

à écrit le 03/06/2016 à 9:17
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reprises et collectivités.

à écrit le 03/06/2016 à 9:13
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Et les vélos ? Etonnant que dans cet article, vous ne fassiez aucune allusion au vélo électrique à hydrogène, sur lequel la France est pionnière, avec la société Pragma Industrie implantée à Biarritz, et qui fournit La Poste, des entreprises et coll...

à écrit le 02/06/2016 à 20:57
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La solution de production d'un hydrogène décarboné à partir d'une source d'energie renouvelable s'appelle l'électrolyse. Plusieurs stations en Californie vont en être équipée in situ en 2016, notamment avec de la technologie française. Les solution...

le 18/06/2016 à 10:47
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Non, pas nécessairement par électrolyse de l'eau. On peut produire de l'H2 "décarboné" à partir de méthanol, éthanol, etc... par craquage de la molécule d'alcool en H2 et CO2, si bien sûr ces molécules d'alcool (ou d'hydrocarbures, car ça marche auss...

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