La voiture de demain sera un "smartphone sur roues"

Si les constructeurs et équipementiers continuent de travailler en bonne intelligence sur l'électrification et l'autonomie de la voiture, la connectivité suscite néanmoins la convoitise de nouveaux acteurs bien décidés à s'accaparer ce marché immense. La guerre annoncée sera sans pitié, et bien malin sera celui qui prétendra pronostiquer les vainqueurs...
Nabil Bourassi

« L'automobile va davantage changer dans les cinq prochaines années que dans les quatre-vingt-dix précédentes »... Cette phrase a été tellement prononcée qu'il nous est devenu impossible de l'attribuer à quelqu'un. C'est dire à quel point elle fait l'unanimité. Il faut considérer l'électrification et l'autonomie comme thématiques majeurs de cette révolution, mais le partage de la valeur ne devrait pas être fondamentalement chamboulé entre les constructeurs automobiles et les équipementiers. Il existe néanmoins un troisième volet où les enjeux sont beaucoup plus importants, et où les deux acteurs historiques de l'univers automobile tremblent : la connectivité.

Très prosaïquement, il s'agit d'élaborer une interface servicielle à bord de la voiture. Évidemment, la montée en puissance de cette interface sera corrélée à l'évolution de l'autonomie de conduite puisque celle-ci pourra libérer les mains du conducteur pour interagir avec son écran. Les constructeurs automobiles estiment à plusieurs dizaines de milliers d'heures le temps restitué aux conducteurs grâce à l'autonomie.

Il ne faudra pas attendre 2025 ou 2030 pour l'autonomie totale, car dès 2020, les voitures seront totalement capables et en toute sécurité de se gérer durant les embouteillages : faible vitesse, suivi de la trajectoire, anticipation des obstacles, démarrage, redémarrage et adaptation de la vitesse... Les constructeurs savent déjà faire tout ça.

« Un véritable gestionnaire de nos vie »

Alors une fois qu'on lâche le volant, que fait-on ? Lire ses mails, regarder la météo, écrire un mémo, réserver un billet d'avion... Oui, mais pas que : « La voiture sera un véritable gestionnaire de nos vies », explique-t-on chez Bosch, qui travaille d'arrache-pied pour concevoir les solutions de demain. En fait, toutes les entreprises du monde cherchent l'idée de génie qui va s'imposer à bord des voitures, et rapporter un maximum d'argent. L'échec des constructeurs automobiles, c'est de ne pas être parvenu à préempter ce domaine, en laissant Google et Apple revendiquer une légitimité à proposer des services adaptés. Les équipementiers, eux, peuvent se rattraper en estimant qu'ils gardent la main sur le hardware. Mais tous veulent se partager le gâteau de la voiture smartphone.

De la clé virtuelle...

« Les équipementiers sont très bons dans le hardware. L'enjeu pour eux, c'est de ne pas laisser de nouveaux entrants transformer l'interface embarquée en une simple duplication de leur smartphone, ce qui les priverait de proposer leurs propres solutions... », analyse Guillaume Crunelle, associé chez Deloitte et expert automobile. Ainsi, Valeo a mis en place la clé virtuelle. Celle-ci permet de déverrouiller une voiture. De cette fonction basique, des possibilités infinies sont créées : l'autopartage entre particuliers qui n'ont plus besoin de s'échanger les clés

- ou mieux encore dans les flottes d'entreprises dont la gestion des parcs et des remises de clés sont encore fastidieuses - ouverture d'un coffre pour que le livreur y dépose un colis en toute sécurité... Si la solution est signée Valeo, c'est d'autres sociétés qui risquent d'en tirer profit dans leur business.

Autre exemple, Bosch réfléchit à la possibilité d'autoriser, avec une signature par empreinte digitale, l'ouverture d'un sas d'entrée de domicile pour la livraison d'un colis en son absence. Cette signature ouvre le champ à de nombreuses possibilités de transactions. Mais l'équipementier allemand gardera-t-il la main dessus ?

... À la géolocalisation ciblée

Il faut également être capable de télescoper différentes applications afin d'en tirer des solutions intelligentes et de créer un écosystème vertueux. Ainsi, la géolocalisation combinée à l'agenda et à la gestion des trafics peut permettre d'avertir une personne qu'il est temps de partir s'il veut arriver à son rendez-vous à l'heure. Avec Waze, Google a déjà une longueur d'avance. Il détient une application avancée et populaire de gestion du trafic. On aperçoit déjà quel modèle de monétisation Google est en train de viser. L'application propose des publicités géociblées, c'est-à-dire qu'elles prennent en compte le trajet du conducteur. En substance, cela donne : « tel magasin propose telle promotion, et c'est sur votre route ! » Ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg... La collecte des données est le véritable Graal à décrocher : gestion des parcs, maintenance prédictive, connaissance clientèle, personnalisation des services, calibrage des instruments de conduite... Les startups veulent profiter de leur souplesse organisationnelle pour prendre l'avantage et proposer des innovations de rupture, des disruptions, qui feront florès. Les GAFAN (Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix) veulent mettre en musique toutes les innovations pour créer ce fameux écosystème. Les constructeurs et les équipementiers, eux, se consolent en se disant que rien ne se fera sans leur expertise mécanique de la voiture : les capteurs, les lidars, les motorisations, la gestion des suspensions, des vitesses... C'est leur dada, et les GAFAN devront coopérer avec eux !

Personne ne sait de quoi l'automobile de demain sera faite. D'un ingénieur, on retiendra cette phrase : « La seule chose dont on est sûr, c'est que l'automobile de demain aura quatre roues. » Autrement dit, le champ des possibles est quasiment infini...

Nabil Bourassi

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