PSA : après le redressement, Tavares impose sa révolution culturelle

Fort du succès de son plan de redressement, Carlos Tavares veut imposer un très ambitieux plan stratégique sur six ans. Le patron de PSA veut à la fois accélérer à l'international, lancer un plan produit "sans précédent", poursuivre les efforts de productivité, anticiper les chamboulements de la numérisation de la société, etc. En réalité, il veut dépoussiérer une entreprise bicentenaire en insufflant une nouvelle culture d'entreprise et ainsi "libérer les énergies" internes.
Nabil Bourassi
Carlos Tavares mise sur le plan Push to Pass pour replacer PSA dans le paysage automobile mondiale.

Indéniablement, une révolution est en cours chez PSA. Il suffisait d'ailleurs, pour s'en convaincre, d'observer la tenue de la direction du constructeur automobile, réunie pour écouter Carlos Tavares annoncer son ambitieux plan stratégique pour les six ans à venir. Pas un d'entre eux ne portait la cravate. On note même, chez un haut cadre, une barbe négligemment naissante. C'est que chez PSA, le climat est à la confiance, et à la décontraction. On se demande bien pourquoi d'ailleurs car Push to Pass, le nom du nouveau plan stratégique qui succède à Back to the Race, promet des chantiers herculéens assortis d'objectifs très ambitieux. Mais, plus encore, Carlos Tavares s'apprête à insuffler une véritable révolution culturelle : donner la primauté absolue à la performance, casser les anciennes baronnies et ouvrir l'entreprise vers de nouveaux métiers. Celui qui a pris les rênes de PSA il y a deux ans à peine veut tirer profit du succès de son plan de redressement qui lui a conféré les lauriers d'un patron visionnaire et emblématique, pour faire émerger un nouveau PSA. Dans cette maison vieille de près de 200 ans, c'est comme abattre l'ancien régime... Angoisse !

Un nouveau nom pour un nouveau départ

Pour marquer le coup, l'entreprise change aussi sa raison sociale pour devenir Groupe PSA (avec un "e" à groupe insiste le nouveau maitre des lieux), au grand dam du laborieux PSA Peugeot Citroën.

Dans un discours plein d'emphase, Carlos Tavares, qui s'est exprimé sans pupitre pour faire plus branché ou plus déterminé (au choix), a promis des lendemains qui chantent aux journalistes, investisseurs et salariés. Que n'a-t-il promis, à la manière d'un tribun, "un avenir radieux et prospère" pour PSA ? En réalité, compte tenu des objectifs très ambitieux du plan Push to Pass, il semblerait que ce soit plutôt du sang et des larmes qui attendent les cadres du groupe.

Car Carlos Tavares ne vise pas moins que la première place mondiale des constructeurs automobiles en terme de performance et de rentabilité, ce qu'il appelle "l'excellence opérationnelle". D'après lui, "la performance importe plus que la taille". Osé dans un secteur où les rendements croissants tiennent lieu de premier commandement de la bonne gestion industrielle.

Faire une force d'une faiblesse

Pour le transfuge de Renault, au contraire, PSA doit faire de cette faiblesse souvent critiqués par les analystes et investisseurs, une force. "Dans un environnement où règne le chaos, nous devons tirer profit de notre agilité" a-t-il plusieurs fois répété. Il fait référence aux chamboulements des comportements de consommateurs qui, de plus en plus, optent pour des solutions alternatives à la propriété d'une voiture (autopartage, covoiturage...). Il juge également que PSA dispose d'un fantastique gisement de contacts clients qui pourraient être mieux monétisés. "Chaque année, PSA vend 3 millions de voitures, mais dans le même temps, le groupe est en affaire avec 15 millions, oui, 15 millions de consommateurs", a-t-il souligné dès le début de son intervention. Sur ces deux fronts, il avoue néanmoins ne pas avoir de réponses concrètes sur ce que sera l'automobile de demain. Il jure néanmoins qu'en stimulant les salariés de l'entreprise, leur créativité, des réponses peuvent émerger.

Mais pour cela, il doit assouplir une culture d'entreprise encore très hiérarchisée et cloisonnée, pour laisser émerger de nouveaux talents. "Il y a des talents formidables chez PSA qui n'ont pas l'occasion de s'exprimer, je veux leur donner cette opportunité, je veux libérer les énergies dans cette entreprise et poser le principe de méritocratie", a-t-il lancé. Une manière de dépoussiérer une maison parfois en proie à des querelles de chapelle...

Mais Carlos Tavares veut également aller chercher les talents à l'extérieur. Il a créé un fond d'investissement doté de 100 millions d'euros, véritable tête-chercheuse de petites startups innovantes, si possible avant-gardiste et disruptive.

En résumé, Carlos Tavares veut transformer PSA en une entreprise en quête perpétuelle d'innovations, capable de se challenger constamment grâce à une meilleure souplesse, mais également en imposant des contraintes très objectives.

Les marques désormais cadrées

Ainsi, il a attribué à chaque marque une identité propre, mettant fin à plusieurs années d'errance. Peugeot : la marque généraliste haut-de-gamme. La marque au lion aura la lourde tâche de monter en qualité de manière à ce que chaque voiture maintienne un état quasi-neuf au bout de trois ans. L'enjeu ? La valeur résiduelle de la voiture, véritable boussole pour le marché du leasing. Citroën doit être "proche de l'humain" et proposer des prestations liées au confort de conduite : "la marque qui rend la vie plus facile", a-t-il résumé. Enfin, DS, dont il doit assumer la décision de l'avoir exfiltré du catalogue Citroën pour en faire une marque à part entière, doit représenter "la sophistication du luxe à la française". Ainsi affectée d'un périmètre bien défini, il n'est désormais plus question que les uns marchent sur les plates-bandes des autres. Chacun se concentrera sur ses produits.

Les marques seront d'ailleurs soumises à un rythme de nouveautés très soutenu : "une voiture par marque, par région et par an" ! Soit 26 nouvelles voitures particulières, mais également 8 VUL dont un pick-up d'une tonne (le plan VUL a été annoncé la semaine dernière à SevelNord) : "une offensive produit sans précédent" n'a-t-il cessé de marteler.

Un plan produit "sans précédent"

Mais, même le plan produit doit répondre aux exigences de l'excellence opérationnelle, élevée au rang d'obsession par Carlos Tavares. Deux leviers seront activés. Le pricing power. Chaque marque se voit attribuer des objectifs de prix de ventes moyens en hausse (via la vente d'options et de finitions haut-de-gamme). Le second levier est un nouvel effort sur les coûts de production. Après avoir baissé le "point mort" de production de 2,6 à 1,6 million de voitures (niveau à partir duquel l'entreprise gagne de l'argent), Carlos Tavares exige que le prix de chaque voiture baisse de 700 euros en moyenne. En Chine, les coûts de production doivent impérativement diminuer de 20%.

Internationalisation dans tous les sens

L'international sera évidemment un réel levier de croissance pour PSA. Là encore, Carlos Tavares a édicté un objectif ambitieux: "pousser l'intégration industrielle au maximum pour éviter les effets de change". En Amérique Latine, il veut multiplier les ventes par deux et les profits par trois. La filiale russe doit retrouver l'équilibre en 2017. La zone Afrique/Moyen-Orient doit vendre 700.000 voitures dans six ans. La Chine/Asie du Sud Est doit atteindre une marge opérationnelle de 10% en 2021... Sans compter les nouvelles implantations : projet de nouvelle usine en Algérie, en Iran, en zone ASEAN (Asie du Sud Est), retour en Inde en 2018, mais également un plan sur dix ans pour revenir aux États-Unis. Pour Carlos Tavares, "il s'agit de s'affranchir de la tyrannie des cycles". Comprenez : ne plus dépendre du seul marché européen.

Au final, PSA veut augmenter son chiffre d'affaires de 10% à 2018, et de 15% supplémentaire à horizon 2021, soit un taux de croissance annuel moyen multiplié par quatre par rapport à la période qui vient de s'achever. L'objectif de taux de marge moyen est fixé à 4% d'ici à 2018, soit quatre fois la performance de ces quinze dernières années, et elle doit atteindre les 6% en 2021.

Un défi fou

Carlos Tavares pose (et impose) un défi fou à PSA. Il place la barre très haute sur plusieurs fronts à la fois tout en bousculant l'establishment. Cet ingénieur réputé forçat du travail ne voit, en fait, pas d'autres moyens de survie pour PSA à long terme que de changer sa façon de travailler, et pour emporter l'enthousiasme de tout le groupe, rien de tel qu'un nouveau projet d'entreprise ambitieux. Un pari immense.

Nabil Bourassi

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Commentaires 5
à écrit le 18/04/2016 à 17:12
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He ! Charlie ! au Mexique y-a du boulot qui t'attend !! Peugeot vegette depuis des années ! Diminution du nombre de concessions, marketing inexistant, tes années glorieuses en WRC sont passées inaperçues alors qu'une manche se déroule chaque année à ...

à écrit le 12/04/2016 à 23:31
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Ouais, alors pour faire simple : la voiture acquise renvoie une certaine image, recherchée ou non par le consommateur (cela reste un produit statutaire), et les 2 mamelles principales du secteur : la fiabilité et le rapport qualité/prix. PSA avait ju...

à écrit le 08/04/2016 à 12:33
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la premiere raison est que les americain refuse de payer des couts de mise au point comme su les 604 et 605 ce que les Français adore idem pour les autre constructeurs regarder qui a valider la vente de vehicule electrique avec une autonomie der...

à écrit le 07/04/2016 à 8:41
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Un plan se doit d'être ambitieux et pour les dirigeants de se projeter dans l'avenir et de savoir fédérer leurs équipes . Nous ne pouvons que souhaiter une pleine réussite de ses objectifs à PSA Groupe .

à écrit le 06/04/2016 à 8:44
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Je dirai sobrement quel homme, quelle entreprise.. ! Je ne lui vois rien d' équivalent dans le monde de l' automobile actuel, sinon peut-être RENAULT avec cet autre Carlos, visionnaire lui aussi ..?

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