Qui est Pininfarina, l'icône du design automobile italien cédée à l'indien Mahindra

Fondée en 1930, l'entreprise turinoise a signé une longue liste de voitures "mythiques", de la Nash Healey Spider à la Peugeot 403. Après dix années de crise, elle passera dès 2016 en mains étrangères, a-t-il été annoncé lundi.
Giulietta Gamberini
Les années 50 et 60 sont  celles de l'ascension de Pininfarina, grâce à la collaboration avec nombre de grands producteurs automobiles, parmi lesquels Ferrari, Peugeot et Nash -qui deviendra General Motors.
Les années 50 et 60 sont celles de l'ascension de Pininfarina, grâce à la collaboration avec nombre de grands producteurs automobiles, parmi lesquels Ferrari, Peugeot et Nash -qui deviendra General Motors. (Crédits : Reuters)

Elle est l'un des principaux symboles du design made in Italy, ainsi que l'un des protagonistes de l'histoire mondiale de l'automobile. A 85 ans, la société italienne Pininfarina vient d'être cédée pour 33 millions d'euros environ à un groupe étranger : le conglomérat indien Mahindra. Ce géant multi-sectoriel (tracteurs, véhicules utilitaires, technologies de l'information etc.) peut s'enorgueillir de 200.000 salariés à travers le monde et d'un chiffre d'affaires de presque 17 milliards de dollars (plus de 15 milliards d'euros).

Certes, "Pininfarina reste une marque italienne. L'entreprise reste en Italie", a tenu à souligné son PDG Paolo Pininfarina. "Pininfarina demeurera une compagnie indépendante, cotée à la Bourse de Milan, avec Paolo Pininfarina à sa présidence", a pour sa part précisé Mahindra. Il n'empêche que l'opération, annoncé lundi 14 décembre, représente un tournant décisif pour la société, et pour l'Italie l'énième cession de son savoir-faire à des entrepreneurs étrangers.

>> DIAPORAMA De Rolls Royce à Ferrari, les secrets du design par Pininfarina

Un artisan aux ambitions industrielles

L'histoire de Pinifarina et celle de la péninsule s'entrelacent en effet depuis presque un siècle. Créée à Turin en 1930, l'entreprise doit son nom à son fondateur, Battista Farina, qui en piémontais était appelé "Pinin" (à savoir Giuseppino, à cause de sa ressemblance avec son père Giuseppe). Battista, qui avait alors 37 ans, avait commencé à travailler dès ses 11 ans avec son grand frère Giovanni, qui était carrossier. Seize plus tard, il avait reçu une proposition de travail aux Etats-Unis par Henry Ford, qu'il avait refusée.

A ses départs, le "Carrossier Pinin Farina" -qui compte parmi ses associés le pilote et entrepreneur Vincenzo Lancia- construit de manière artisanale des carrosseries spéciales pour ses clients, mais en l'espace de quelques années il parvient à produire industriellement des voitures en petites séries (7-8 par jour). L'activité doit néanmoins être suspendue pendant la Deuxième Guerre mondiale, l'entreprise étant détruite. Elle reprend en 1946 avec la production de la Cisitalia, aujourd'hui exposée au musée d'Art moderne de New York.

Quand en 1950 l'Italie est exclue -avec l'Allemagne- du salon de l'Auto qui se tient à paris au Grand Palais, Battista part avec son fils Sergio pour la France avec une Alfa Roméo et une Lancia. Ils se garent à l'extérieur de l'exposition et finissent par obtenir malgré tout ce qu'ils voulaient, se faire remarquer. La presse française écrira : "Ce diable de Farina a ouvert son antisalon personnel".

Farina devient Pininfarina

Les années 1950 et 1960 sont celles de l'ascension de Pininfarina, grâce à la collaboration avec nombre de grands producteurs automobiles, parmi lesquels Ferrari, Peugeot et Nash -qui deviendra General Motors. C'est l'époque de l'industrialisation de masse avec la production, à partir de 1955, de 27.000 exemplaires de la Giulietta spider Alfa Romeo (la "bella signorina", aux yeux de Battista Farina) : ce changement d'échelle implique, dès 1958, un agrandissement de l'établissement, qui s'étend désormais sur 75.000 mètres carrés.

En ces années, les voitures du designer italien conquièrent par ailleurs le cinéma américain : la Nash Healey Spider apparaît notamment dans Sabrina de Billy Wilder, avec Audrey Hepburn, William Holden et Humphrey Bogart; une décennie plus tard l'Alfa Romeo 1600 Spider est rendue célèbre par Le lauréat interprété par Dustin Hoffman. Le lieutenant Columbo utilisera aussi dès la fin des années 1960 une voiture dessinée par Pininfarina : la "mythique" Peugeot 403.

En 1961, Battista laisse l'entreprise à son fils Sergio. La même année, le président de la République italienne autorise la famille à modifier son nom, qui de Farina devient Pininfarina. Pinin décédera cinq ans plus tard.

Un processus de cession lancé depuis 2009

Tout au long des années 1980 et 1990 Pininfarina, qui est cotée en Bourse en 1986, continue d'élargir ses activités (autres moyens de transport, services d'ingénierie industrielle, filiale en Allemagne...), ainsi que ses unités de production . En 2006, Sergio transmet l'entreprise à son fils Andrea, qui décédera deux ans plus tard dans un accident de la route et sera remplacé par son frère Paolo.

A partir de 2004, et sans arrêt (sauf pour l'année 2012), les comptes de l'entreprise sont toutefois dans le rouge, les constructeurs automobiles préférant désormais avoir leur propre studio de conception que recourir à un prestataire extérieur : le pic est atteint en 2008, avec 204 millions d'euros de pertes. Les accords avec les banques se succèdent alors, et dès 2009 commence officiellement le processus de vente du groupe. Entre 2010 et 2011, la presse évoque au fur et à mesure plusieurs candidats, parmi lesquels Vincent Bolloré (avec qui Pininfarina collaborait pour la création de la BlueCar d'Autolib'), mais la transaction n'aboutit pas.

En 2011, le groupe -qui intensifie néanmoins ses rapports avec les constructeurs chinois- doit finalement renoncer à l'assemblage pour se concentrer sur le design et l'ingénierie. Sergio Pininfarina décède l'année suivante. Fin septembre 2015, le groupe enregistrait une perte nette de 7,8 millions d'euros et un endettement de 47,4 millions d'euros.

La fin de la "traversée du désert"?

Aux termes de l'accord annoncé enfin lundi, après plusieurs mois de négociations, la société familiale Pincar, détentrice de 76,06% du capital de Pininfarina, cède finalement la totalité de ses parts à deux des sociétés de Mahindra : Tech Mahindra (qui aura 60% de l'investissement) et Mahindra & Mahindra (40%). Les quelque 23 millions d'actions seront acquises au prix de 1,10 euro l'unité.

Ces titres, actuellement hypothéqués auprès des banques créancières de Pininfarina, seront "libérés au moment de la clôture" de la transaction, précisent les parties. L'opération sera suivie d'une offre publique de rachat sur les titres Pininfarina restants, au même prix, puis d'une augmentation de capital de 20 millions d'euros d'ici fin 2016. L'opération apportera par ailleurs aux créanciers de Pininfarina une garantie ne dépassant pas 114,5 millions d'euros.

Après l'annonce de la cession, le titre de l'action a perdu lundi à la Bourse de Milan 68,81% de sa valeur, clôturant à 1,31 euro et se rapprochant ainsi du prix d'achat annoncé. Paolo Pininfarina, pour sa part, s'est voulu rassurant :

"Ces dix années ont été difficiles. Une vrai traversée du désert", a-t-il admis, avant de promettre : "avec cet accord nous regardons vers l'avenir et la croissance. Pininfarina deviendra une marque globale".

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 15/12/2015 à 18:58
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très bon article c est grâce PENINFARINA avec PEUGEOT que les les constructeurs français on commencé a fabriqué des belles autos

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