Valeo : pourquoi les marchés sont si calmes

L'équipementier automobile français a révisé en cours de route, son plan stratégique à horizon 2020-21. Son objectif de chiffre d'affaires passe de 20 à 27 milliards d'euros, soit une très nette surperformance du marché. Les investisseurs n'ont toutefois pas pris la mesure de cette annonce pourtant impressionnante qu'ils estiment conforme à leurs attentes. La question de la profitabilité a également été posée...
Jacques Aschenbroich, PDG de Valeo, a confessé avoir sous-estimé la croissance du marché.

Ce n'était pas une bonne journée boursière pour Valeo. Le titre de l'équipementier automobile a terminé la séance de mardi sur un retrait de 0,31%. Trois fois rien pour un titre qui a progressé de 11,2% en trois mois, de 38% en un an et de 335% depuis cinq ans... Il n'empêche que la déception était bien présente chez Valeo qui présentait un important relèvement des objectifs de son ambitieux plan stratégique lancé en mars 2015 et à horizon 2020.

Une croissance impressionnante

Deux ans après, le groupe ajoute une année supplémentaire à son plan et vise désormais les 27 milliards d'euros de chiffre d'affaires contre 20 milliards visés initialement. Pour rappel, Valeo a enregistré en 2016 un chiffre d'affaires de 16,5 milliards d'euros (et de 9,6 milliards en 2010). Il s'agit donc d'une croissance moyenne de 10% par an pour les quatre prochaines années.

Pour le PDG, Jacques Aschenbroich, le marché est plus fort que ce qu'il attendait. À La Tribune, Christophe Périllat, numéro deux de la société, explique que Valeo est "très bien placé sur les trois révolutions qui ont actuellement cours dans le monde de l'automobile : les nouvelles mobilités, la voiture autonome et l'électrification". À cela, il faut ajouter les acquisitions qui correspondront à 2 milliards du surplus de croissance.

"La croissance organique du chiffre d'affaires est impressionnante (...), elle superforme le marché, mais également l'ensemble des autres équipementiers", confie un analyste spécialisé dans le secteur automobile.

Cette croissance est si impressionnante que les cadres de Valeo ont tenté de rassurer sur le risque d'emballement. "Il y a un enjeu à maîtriser notre croissance", confie Christophe Périllat.

L'innovation, pilier du modèle Valeo

Pendant sa journée investisseur, Valeo a passé le plus clair de son temps à faire la démonstration, comme il y a deux ans que son obsession restait la croissance rentable. Nouveaux marchés pour les volumes, comme l'Inde qui "sera bientôt la Chine d'hier", mais également la poursuite de l'innovation avec un budget R et D qui va passer à 6% du chiffre d'affaires, pour la rentabilité. Et pour les sceptiques, un showroom très privé (portables et appareils photo interdits) exposait les nouveaux produits imaginés par les ingénieurs de Valeo.

"L'innovation est le fondement de notre modèle de croissance rentable", a rappelé Robert Charvier, le directeur financier de Valeo, devant un parterre d'analystes et de gérants de portefeuille.

Les marchés dans l'expectative

Mais le marché s'est montré assez stoïque. "Il n'y a pas de gros écarts entre les attentes des analystes et les objectifs annoncés par le nouveau plan de Valeo", explique un analyste automobile. D'autres analystes rencontrés sur place ont également fait mine de ne pas être impressionnés par les chiffres publiés. En septembre dernier, Valeo avait déjà donné des indications qui préfiguraient fortement cette mise à jour de ses objectifs. "C'est très positif, mais il n'y a rien de nouveau", nous souffle un analyste. Autrement dit, le marché avait déjà intégré cette donne. Il suffit d'ailleurs de voir la courbe du titre Valeo, elle a suivi un véritable rallye haussier. Entre septembre et décembre, l'action est passée de 45 à 54 euros soit une hausse de 20%.

C'est probablement sur la partie profitabilité que Valeo n'a pas convaincu. "La traduction de cette croissance du chiffre d'affaires sur les résultats financiers parait limitée", explique un analyste.

Après avoir annoncé une hausse spectaculaire de son chiffre d'affaires, celle de son taux de marge parait effectivement moins impressionnante. Valeo table sur une marge autour de 9% à horizon 2021, contre un objectif compris entre 8,5 et 9%. Or, l'équipementier a déjà enregistré une marge de 8,1% en 2016. "Nous serons soumis à des vents contraires comme les prix des matières premières, ce qui explique en partie notre prudence", nous explique Christophe Périllat. Certains analystes s'interrogent sur la capacité de Valeo à répercuter d'éventuelles hausses sur ses prix. "Les équipementiers s'étaient goinfrés pendant la crise en ne répercutant pas la baisse des prix des matières premières, les constructeurs s'en souviendront probablement lorsqu'il faudra renégocier les prix", ironise un analyste marché. Mais pour Christophe Périllat, Valeo a "la capacité de partager l'impact d'une hausse des prix". Tout est dans l'innovation produit !

Une société déjà bien valorisée

L'autre question sous-jacente à la question du titre Valeo c'est sa valorisation. Or, celle-ci est réputée comme étant déjà la mieux valorisée du secteur automobile (équipementiers et constructeurs compris). Xavier de Buhren, gérant de fonds chez Mirabaud AM, expliquait début février à La Tribune que Valeo tutoyait déjà des plus hauts historiques : "le titre est peut-être proche d'un pic historique sur son PER". Avant d'ajouter aussitôt : "mais cette valeur détient encore des sous-jacents très porteurs, notamment sur la voiture autonome et la voiture électrique".

"Valeo est valorisé 12 fois son EBITDA anticipé pour 2018, contre 11 pour le secteur. La prime sur Valeo est justifiée, d'autant que la valeur paye 20% d'impôts de moins, mais cet avantage va bientôt cesser", nous livre un analyste spécialiste du secteur. "Il faudra alors se demander de combien vaut la prime que mérite Valeo", conclut-il.

Un avenir pas très rose

Pour Guillaume Crunelle, expert chez Deloitte, la problématique des équipementiers s'inscrit en réalité à plus long terme dans un environnement complexe:

"L'avenir est plein de challenges pour les équipementiers. La valeur de demain pourrait se transférer en partie du hardware vers le software et l'intelligence artificielle où ces derniers doivent développer leurs offres. Dans un monde de véhicules autonomes, le 'chauffeur digital' risque d'être très cher à développer et peu cher à multiplier".

Autrement dit, les revenus risquent de ne pas être à la hauteur des investissements engagés... Ce qui expliquerait, au moins en partie, la timidité de Valeo sur la progression de sa marge opérationnelle.

Après l'accueil froid du marché au plan stratégique, celui-ci a fini par envoyer un signal d'encouragement. Ce mercredi, le titre Valeo a terminé la séance sur une progression de 2,64%.

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