Clap de fin pour une légende de l'industrie automobile allemande ! Ferdinant Piëch a cédé ses dernières parts dans Porsche S.E. (14% du capital estimé entre 1 et 1,2 milliard d'euros), le holding familial qui contrôle le groupe Volkswagen (32% du capital et 52% des droits de vote du groupe). Celui qui a fait de Volkswagen le groupe planétaire qu'il est aujourd'hui s'en va donc par la petite porte. Il quitte la scène industrielle allemande et automobile avec la résignation d'un homme qui a perdu une bataille, aussi dérisoire soit-elle comparée à celles remportées sur les fronts industriels, technologiques et financiers et qui sont autrement plus impressionnants.
Une interview mystérieuse
C'est d'ailleurs probablement parce que le patriarche s'est aventuré sur un terrain où il n'est pas à l'aise qu'il a perdu ses moyens : le terrain médiatique. Et il faut bien avouer que cette bataille a été mal enclenchée. Personne n'a compris, jusqu'à aujourd'hui, pourquoi Ferdinand Piëch a annoncé au printemps 2015 son intention de limoger Martin Winterkorn, le grand patron de Volkswagen AG, qu'il avait pourtant lui-même intronisé comme son successeur.
Ces déclarations avaient provoqué un véritable séisme dans le microcosme industriel allemand. Volkswagen volait de record en record, Audi affichait des marges opérationnelles frôlant les 9% et taillait des croupières aux BMW et Mercedes, en Chine, les ventes ne cessaient de grimper, et le groupe est sorti quasi intact de la crise des subprimes qui a pourtant dévasté l'industrie automobile mondiale.
Les analystes ne parvenaient pas à interpréter la déclaration de Ferdinand Piëch, certains sont même allés jusqu'à s'interroger sur son état de santé intellectuelle.
Les autres actionnaires de Volkswagen n'ont pas davantage compris et ont affiché leur soutien à Martin Winterkorn, notamment l'État région de Basse-Saxe qui détient 20% du capital. Un comité directeur de crise est néanmoins réuni pour tenter de sortir de la polémique. Mais Ferdinand Piëch persiste et signe dans une autre interview où il indique même avoir proposé le poste à Matthias Müller, le patron de Porsche. Alors rapidement, cette crise va se transformer en règlement de compte familial.
Le cousin qui voulait la tête de Piëch
Wolfgang Porsche, le cousin propriétaire de la marque éponyme, petit-fils de Ferdinand Porsche (qui est également le grand-père de Ferdinand Piëch par sa fille) avait tenté à la fin des années 2000 de s'emparer du groupe Volkswagen à travers une OPA inamicale. Il voulait alors fermer la boucle de l'Histoire puisque c'est son grand-père qui avait fondé Volkswagen avant la Deuxième Guerre mondiale avant de fonder la marque sportive après la guerre. Les deux branches de la famille sont réputées pour se faire la guerre. L'une reprochant à l'autre de ne pas porter l'illustre nom, l'autre répondant avoir au moins l'étoffe du grand-père sur les compétences en ingénierie. Ferdinand Piëch est connu pour avoir inventé des moteurs extrêmement performants et pour avoir rationalisé l'appareil industriel du groupe.
L'offensive de Porsche au capital de Volkswagen connait un beau succès puisqu'il parvient à racheter une bonne part du capital. Sauf que la crise des subprimes va gripper ses finances. Ferdinand Piëch en profitera alors pour lancer une contre-OPA et finit par racheter Porsche. Pour cette branche familiale, il s'agit d'une véritable humiliation qu'elle ne digèrera jamais.
La crise managériale autour de Martin Winterkorn va ainsi être le prétexte pour régler une bonne fois pour toutes cette rivalité familiale. En quelques semaines, Ferdinand Piëch, incapable de convaincre, prostré dans une position mystérieuse, est contraint à la démission.
Piëch était-il au courant du scandale des moteurs truqués
L'histoire ne s'arrête pas là, puisque quelques mois plus tard, l'affaire des moteurs truqués de Volkswagen éclate conduisant Martin Winterkorn à la démission. Il sera remplacé par Matthias Müller accomplissant ainsi le vœu de Ferdinand Piëch.
Un an plus tard, celui-ci commence toutefois à parler et laisse entendre que son initiative était notamment motivée par le fait qu'il était au courant qu'une enquête était en cours aux Etats-Unis. On a récemment appris, pour ajouter au côté totalement romanesque de cette histoire qu'il aurait été renseigné par l'ancien ambassadeur israélien en Allemagne qui lui-même tenait cette information du Mossad. Il aurait alors interrogé Martin Winterkorn dans un couloir du salon automobile de Genève. Sauf que celui-ci l'aurait rabroué en affirmant que tout était sous contrôle. Ce qui était évidemment faux, ce qui n'avait pas échappé à Ferdinand Piëch qui voyait poindre la catastrophe. Même défait, le "patriarche" n'a rien perdu de sa puissance intellectuelle, mais son manque de doigté l'a conduit à une chute irrémédiable.
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