L’inquiétant blocage de la mobilité résidentielle

Le #ForumSmartCity, organisé par La Tribune le 20 novembre prochain, est l'occasion de revenir sur les problématiques et les perspectives de la ville de demain. Au cœur de la ville intelligente, le logement des habitants. La mobilité résidentielle est un facteur indispensable pour son dynamisme économique et social. Problème en Île-de-France : cette mobilité des ménages est bloquée dans les zones où les prix de l’immobilier sont les plus élevés. Explications.
Dans Paris et l'Ile-de-France, la mobilité des ménages est bloquée dans les zones où les prix de l’immobilier sont les plus élevés.

La mobilité résidentielle dans les métropoles est un sujet peu abordé mais extrêmement préoccupant pour les ménages français. Beaucoup considèrent en effet l'accession à une habitation plus spacieuse et confortable comme un aboutissement. Dans les zones où les prix de l'immobilier sont très élevés, le rêve des Français s'envole face au coût prohibitif des logements, amplifiant le malaise vis-à-vis de l'immobilier résidentiel.

« Ne pouvant intégrer un parc social trop étroit, ni accéder à une propriété trop coûteuse, une partie importante de la population se retrouve "piégée" dans des logements qui ne correspondent pas toujours à leurs attentes, et dont les loyers augmentent trop vite », constate une étude du Crédoc sur « les difficultés de logement des classes moyennes et les besoins de mobilité résidentielle ».

Ce constat est particulièrement marqué dans l'agglomération parisienne, où l'écart de coût entre le parc privé et le parc social est tel que les habitations à loyer modéré endossent le rôle de « refuges » financiers alors qu'elles devraient être une étape dans le parcours résidentiel des ménages. À Paris, le marché du logement social a d'ailleurs atteint un tel état de blocage que le délai d'attente moyen pour obtenir un logement social est de... 7 ans ! Il faut dire que l'offre locative entre 12 et 20 euros du mètre carré est quasi inexistante dans la capitale, et l'accession à la propriété impossible pour l'immense majorité des ménages : le primo-­accédant moyen à Paris est un couple de 40 ans environ qui gagne 8.000 euros par mois. Même au niveau de l'agglomération, une grande part de la population ne peut que difficilement accéder à la propriété et vit dans un parc locatif privé au coût très élevé. Ceux qui ont subi des hausses de loyers plus importantes que leurs revenus ont vu leur niveau 
de vie se dégrader.

De nouveaux besoins de logements

Ainsi, les freins à la mobilité résidentielle portent-ils un préjudice capital à la société française. Cet immobilisme entraîne une réduction de l'offre disponible de logements anciens qui n'est pas compensée par un marché du neuf, à l'arrêt. Malheureusement, en parallèle, le nombre de ménages à loger progresse et la structure des besoins en logements se modifie du fait de l'augmentation des divorces, des séparations, des périodes plus importantes de célibat, ou du vieillissement de la population. De même, l'évolution de la structure de l'emploi, depuis une vingtaine d'années, est à l'origine de nouveaux besoins : la précarité qui s'accroît et la crise économique et financière de 2008-2009, qui a détruit des milliers d'emplois, ont mécaniquement induit une nouvelle mobilité résidentielle, vécue comme régressive. Clairement, « nous ne sommes plus dans la configuration des trente glorieuses où l'on démarrait sa vie dans un studio locatif pour finir dans une grande maison », explique l'urbaniste Jean-Claude Driant.

Les blocages dans le parcours résidentiel des ménages sont aussi préjudiciables d'un point de vue économique. C'est ici la dégradation du lien entre emplois et logements qui est en cause. Une autre enquête Crédoc réalisée pour le Medef en 2012 expliquait que les problèmes de logement des salariés affectent 40 % des grandes entreprises. En plus de compliquer le recrutement, les difficultés des salariés à se loger près de leur travail à cause des prix exorbitants des logements les poussent à s'éloigner, nuisent à leur productivité, dégradent le climat social dans l'entreprise et compliquent les négociations salariales, indique l'étude du Crédoc.

En effet, dans la réalité, « on peut être conduit à ne pas accepter une offre d'emploi à tel ou tel endroit à cause du coût du logement trop élevé », explique Jean-Claude Driant.

Par exemple, certains établissements de Santé situées en première couronne de Paris éprouvent les pires difficultés à attirer du personnel hospitalier - dont les salaires sont souvent bas et les amplitudes horaires au travail élevées - du fait du niveau des loyers d'habitations trop importants à proximité des hôpitaux.

Direction la province

La perte d'attractivité pourrait à l'avenir être un vrai sujet d'inquiétude pour l'agglomération parisienne qui perd davantage de ménages qu'elle n'en accueille, principalement du fait du prix élevé du logement. Même les cadres ont tendance à quitter Paris. En fait, « les seuls flux migratoires positifs en Île-de-France concernent la tranche d'âge des 18-25 ans, attirés par les nombreux centres universitaires de la région et les perspectives d'emploi », indique le Crédoc. Pour séduire davantage, les communes de l'agglomération parisienne devront s'attaquer à « la diversification des "solutions-­logements" », explique Claire Julliard, responsable de la chaire Ville et Immobilier à l'université Paris-Dauphine.

« Elle permettrait aux ménages d'emprunter d'autres canaux de mobilité résidentielle. Elle permettrait aussi d'amortir les chocs qui marquent les parcours. Bref, pour répondre à la demande de logement, il s'agit de concevoir l'offre comme un système à l'échelle de l'ensemble du territoire d'usage des ménages. »

À plus petite échelle, c'est ce que dit avoir réalisé Gérard Collomb, président du Grand Lyon :

« Nous avons essayé de développer toutes les gammes de produits, c'est-à‑dire à la fois du locatif social, très social, intermédiaire, de l'acces­sion sociale à la propriété et de l'accession libre. Ici, on s'aperçoit que contrairement à ce qu'il peut se passer en Île-de-France, toutes ces gammes de logement sont présentes », se réjouit-il.

« Tous les niveaux de loyers sont proposés. Et concernant l'accession à la propriété, on peut trouver à Lyon des logements aux prix de 2 700 euros le mètre carré (ce qui, comparé à l'agglomération parisienne est remarquable) jusqu'à 5 500 euros, voire 6 000 euros du mètre carré pour des biens extraordinaires », ajoute-t-il.

Dissocier le foncier du bâti

Les élus franciliens tentent, de leur côté, d'innover pour proposer, comme à Lyon, toutes les gammes de logements à leurs administrés. La plus grande difficulté pour eux : résoudre l'équation économique quasi insoluble de la production de logements à prix abordables dans l'agglomération parisienne. Certains maires à Saint-Ouen ou à Nanterre ont, pour ce faire, passé des pactes avec les promoteurs immobiliers. Ils supposent que les collectivités vendent leurs terrains aux promoteurs à des prix réduits sous condition que les logements construits soient commercialisés ou loués à des prix abordables pour les habitants. En bons termes avec les professionnels de l'immobilier, la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, compte également développer ce type de dispositif. Des mécanismes dissociant le foncier du bâti sont également à l'étude dans la capitale et dans plusieurs communes aux alentours.

« Ce concept reste très intéressant et permet de faire baisser les prix pour l'acquéreur du logement », explique Ian Brossat, adjoint au maire de Paris en charge du logement.

En parallèle, « des communes de l'agglomération parisienne remettent aussi au goût du jour le PSLA [prêt social ­location-accession] », détaille Jean-Claude Driant. Un mécanisme oublié qui permet à des ménages sans apport personnel d'acquérir le logement qu'ils louent.

Enfin, au niveau national, un vaste plan de construction de logements intermédiaires a été annoncé par le président de la République pour fluidifier le parcours résidentiel des ménages. Pour l'instant, seule la filiale de la Caisse des dépôts, la SNI, a lancé par le biais d'un plan nommé « Argos » une collecte auprès d'investisseurs institutionnels pour construire 10.000 logements à loyers intermédiaires, et dont une part significative devrait se faire dans l'agglomération parisienne. Le Grand Paris permettra-t-il de reconquérir cette mobilité ou sera-t-il un facteur aggravant de tension ? 

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Commentaires 38
à écrit le 23/11/2014 à 21:51
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" nous ne sommes plus dans la configuration des trente glorieuses où l'on démarrait sa vie dans un studio locatif pour finir dans une grande maison », explique l'urbaniste Jean-Claude Driant. Il est vraiment mal informé l'urbaniste. On a démarré dan...

à écrit le 17/11/2014 à 8:35
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IL vaut mieux s attaquer aux causes qu aux symptômes. Tant qu on aura une politique du logement cher avec subvention de l etat (APL, PTZ et Scellier) les gens auront du mal a se loger ! Il faut arreter de subventionner le logement, taxer fortement l...

le 17/11/2014 à 18:18
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@cdg : il vous arrive de vous informer? la fiscalité immobilière française est la plus lourde d europe et de loin, cela est indiscutable ...Une fois cela admis pouvez vous un milliardième de seconde faire la corrélation entre cette fiscalité et l a...

le 18/11/2014 à 8:04
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Si nous diminuons la fiscalité sur les loyers nous allons encore attirer davantage les investisseurs sur le marché et les loyers ne baisseront pas non plus, pire, ils augmenteront encore.Et cela d'autant plus que les apl sont derrière pour engraisser...

le 18/11/2014 à 12:33
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@tsstss : Vous faites " fort" ! S il y a davantage d investisseurs , sans avantage fiscaux , les prix baisseront forcément ..Essayez par ex de louer un studio plus cher que le marché ( je ne parle de paris ,paris on s en fou ) oui c est possible mais...

le 18/11/2014 à 19:09
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"S il y a davantage d investisseurs , sans avantage fiscaux , les prix baisseront forcément .": Si la demande augmente, les prix baissent... C'est bien connu : Plus il y a de participants aux enchères, plus les prix sont bas...

le 19/11/2014 à 8:34
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@malcomprenant : z êtes déjà fatigué @zola? je parle des loyers ! Les prix eux ne baisseront pas ou peu tant que coût de la construction continue à monter et que la fiscalité immobilière est totalement délirante .. ( Mr Valls tient d ailleurs ce di...

le 20/11/2014 à 18:40
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"Les prix eux ne baisseront pas ou peu tant que coût de la construction continue à monter" : Le prix de l'ancien dépend peut-être du prix de la construction...Allez, allez un peu d'honnêteté intellectuelle les pauvres victimes de la fiscalité. Commen...

le 21/11/2014 à 7:15
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attirer trop d'investisseurs fait monter la demande et les prix dans le même temps et ça tu le sais parfaitement bien

à écrit le 16/11/2014 à 20:42
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Combien de bureaux inoccupés en région parisienne ? Les investissements de l’État doivent se faire la dessus, en finançant les transformations du bureau vers le logement, financées grâce aux pénalités sur ceux qui ne louent pas, de quoi faire aussi t...

le 17/11/2014 à 1:04
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Avec quel argent l'état va investir ? L'état est déjà ruiné et endetté et vous voulez augmenter les impots ou quoi ? C'est vous qui allez payer pour ces choses ?

à écrit le 16/11/2014 à 10:52
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Le problème est avant tout les logements sociaux et les assistés sous éduqués qui y résident, et qui sont souvent sur le territoire depuis peu! En détruisant ces taudis, on laisse place aux vrai travailleurs Français qui payent leur impôts!

le 16/11/2014 à 19:29
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y a pas que des assistés et des étrangers dans les hlm, ya aussi des retraités, des travailleurs, etc...arrêtez avec votre haine des pauvres et des étrangers. vous avez typiquement le profil du bourgeois xénophobe et haineux des pauvres .

le 16/11/2014 à 19:30
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vrai mais seulement pour partie soit 10 à 15 %. Pour au moins 85 % élus de tous bords, financiers, escrocs en costumes, avides de fric en enfonçant voisins et autres sont les responsables. Ras le bol de salaires et retraites de précarités, de mutuell...

le 16/11/2014 à 20:43
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Quand un préfet d'un département francais demande à une agence hlm de loger des illégaux, la on sait que l'on a atteint le summun. Oui, c'est en France que cela se passe, un des plus hauts représentants de l'Etat qui force des agences HLM à prendre d...

le 17/11/2014 à 9:34
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A Paris, les principaux occupants des logements sociaux sont des fonctionnaires, donc Français, et a priori sur le territoire depuis un moment. Après, savoir s'ils sont "assistés et sous-éduqués", je vous laisse le soin d'en débattre.

le 17/11/2014 à 9:44
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@JP : il existe de plus en plus de travailleurs français qui avec seulement un SMIC pour faire vivre leur famille, ne payent pas d'impots. Laisser la place à ceux qui payent des impots serait donc contre-productif...

le 17/11/2014 à 11:25
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Un chiffre :quartier HLM de mes parents , plus de 60% des locataire ne paient pas leur loyer .

à écrit le 16/11/2014 à 9:55
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vous parlez de l ile de France? et voila, le probleme decrit n est qu un symptome (un de plus) du centralisme sur Paris. Faites eclater ce monstre autour la tour eifel. A quand la situation ou il y aura autant de boulots et de plaisire a vivre a Nan...

le 16/11/2014 à 20:32
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+1 Pourquoi vouloir encore et encore tout construire sur l'Ile-de-France ? Quelle bêtise !

le 20/11/2014 à 18:41
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Autant laisser les détenteurs d'immeuble en ruine spéculer sur le foncier! On devrait même les aider fiscalement à murer les fenêtres!

à écrit le 16/11/2014 à 7:13
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pays de vieux ...vous l'avez voulu, vous l'avez : un pays de vieux, ce pays est foutu, il va finir en maison de retraite puis dans la tombe...pays sans avenir.

le 16/11/2014 à 13:21
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@lol: tout le monde compte sur toi pour renouveller les générations ...d'autant plus que si on a bien compris ton commentaire, tu ne deviendras jamais vieux :-)

à écrit le 15/11/2014 à 19:39
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On parle de dissocier le foncier du bâti (l'acheteur du logement n'étant pas propriétaire du terrain). Est-ce utilisé ailleurs, est-ce applicable en France, cela a-t-il été essayé ?,

à écrit le 15/11/2014 à 19:19
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Avoir un logement social à Paris est une garantie pour la vie. Il y a mème des retraités qui vivent sur la cote et qui gardent leur HLM ILN comme résidence secondaire. Le logement social fausse totalement le marché puisqu'il réduit fortement l'offre...

à écrit le 15/11/2014 à 19:03
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Oui les prix de l'immobilier sont élevés et à qui la faute ? On veut tout centraliser a Paris , on vire les maires qui construisent a chaque élections.

le 15/11/2014 à 19:14
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Le syndrome français , il faut faire des économies mais qu'elles ne me touchent pas. Il faut construire mais pas à coté de chez moi. Donc on ne construit pas. Quand les français seront très majoritairement dans la merde cela changera peut être un p...

à écrit le 15/11/2014 à 18:42
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Bravo la cinquième puissance économique mondiale ! incapable d'anticiper la construction de logement pour une population dont la croissance est prévisible. N'importe comment, il n'est plus envisageable d'acheter son logement aujourd'hui devant la cro...

à écrit le 15/11/2014 à 18:32
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vive la rente, vivent les niches fiscales, vivent les subventions, vivent les baby boomers et autres enrichis sans cause de la pierre

à écrit le 15/11/2014 à 18:15
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7 ans pour avoir un logement social? il serait interessant de savoir combien de temps met ' un public prioritaire', surtout quand il n'a rien a faire la...

le 16/11/2014 à 10:54
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Pour es familles kurdes, c'est mois d'un mois, pour le malien avec deux femmes et 25 enfants, c'est quelques semaines. Quand au gitans, ils squattent sans rien demander à personne.

à écrit le 15/11/2014 à 15:33
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Rendons malgré tout hommage à un gouvernement qui pour améliorer la situation a augmenté les droits de mutation.

à écrit le 15/11/2014 à 14:00
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la solution proposer des logements dans les enceintes des grands groupes, cela prmet d'avoir une main d'oeuvre proche et réactif pour le besoin de l'entreprise. Mais en France on préfère les 35h et les loisirs

le 15/11/2014 à 14:05
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Comme en Corée du Nord ?

le 15/11/2014 à 18:16
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si vous aimez les phalansteres de proudhon, visitez new lanarck ... bon, ca a fait faillite assez rapidement...

à écrit le 15/11/2014 à 13:42
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les prix immos délirants sont un énorme facteur de blocage de l'économie (immobilisation de capital improductif, frein à la mobilité professionnelle) et la responsabilité en incombe à la mentalité française le "pauvre" s'il avait un logement à vend...

le 25/01/2015 à 11:23
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ai vendue en 2010 avec plue value x3,5 et je parts vivre au portugal.....

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