Faut-il couper dans les aides au logement ?

Dans un cadre budgétaire contraint, les candidats à l'élection présidentielle cherchent des économies budgétaires. Ils ciblent les aides au logement. Mais est-il concevable de les couper ?
Mathias Thépot
Comme le rappelle l'économiste de l'OFCE, Pierre Madec, l'efficacité des aides, « bien qu'en diminution, n'est plus à prouver puisque, selon l'Igas, elles permettent à elles seules de diminuer le taux d'effort des allocataires de 36% à 20%, et de faire baisser leur taux de pauvreté de 3 points ».
Comme le rappelle l'économiste de l'OFCE, Pierre Madec, l'efficacité des aides, « bien qu'en diminution, n'est plus à prouver puisque, selon l'Igas, elles permettent à elles seules de diminuer le taux d'effort des allocataires de 36% à 20%, et de faire baisser leur taux de pauvreté de 3 points ». (Crédits : Reuters)

Près de 41 milliards d'euros. Voilà le montant colossal débloqué chaque année par l'État français pour le logement. En 2014, cela représentait 1,9 % du PIB français, selon les Comptes du logement. Ce niveau de dépenses est régulièrement remis en cause par les tenants de la rigueur budgétaire. D'autant que ces 41 milliards d'euros n'ont pas résolu la crise du logement en France. Pire, elle perdure, voire s'amplifie. Comme le montre le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre, le mal-logement s'enracine. Et alors que le quinquennat Hollande arrive à son terme, il y aurait, au bas mot, près de 15 millions de personnes qui sont victimes de la crise du logement ! On estime aussi à 1 million le manque de logements en France et les prix de l'immobilier sont trop élevés par rapport aux revenus des ménages. Dès lors, le système très coûteux d'aides au logement est logiquement questionné, tout particulièrement en cette période où les traités européens demandent à la France des efforts budgétaires.

Un public d'allocataires trop large

Doit-on couper dans ces dépenses ? Et si oui, lesquelles pourraient être visées ? En réalité, la situation est très complexe... Les aides les plus souvent attaquées sont les fameuses aides personnelles au logement, qui représentaient un montant total de 17,7 milliards d'euros en 2014. Sous conditions de ressources, elles se divisent en trois parties : l'aide personnalisée au logement (APL), réservée aux locataires de logements conventionnés, principalement les logements sociaux, l'allocation de logement familiale (ALF) et l'allocation de logement sociale (ALS) destinée aux ménages du secteur privé qui n'ont ni accès à l'APL, ni à l'ALF. On trouve notamment dans les bénéficiaires de l'ALS les étudiants qui se logent dans le secteur privé (ils sont environ 700.000). Au total, 6,3 millions de ménages sont allocataires des 17,7 milliards d'euros, selon la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Ces aides s'adressent donc à un public large, trop large selon certains, qui souhaitent les recentrer vers les ménages les plus démunis. C'est notamment le cas du candidat de la droite François Fillon qui s'inscrit dans un cadre plus global de réduction des dépenses publiques de 100 milliards d'euros. Il propose concrètement d'intégrer les aides au logement (APL, ALS, ALF) dans une prestation unique.

Dans une moindre mesure, Emmanuel Macron veut également recentrer les aides vers les plus démunis dans un cadre de baisse de 60milliards d'euros des dépenses publiques. Ce dernier souhaite en fait poursuivre sur la ligne du gouvernement actuel qui a engagé un mouvement de baisse en excluant les allocataires ayant un patrimoine trop élevé (les aides personnelles au logement baissent désormais lorsque le patrimoine de l'allocataire dépasse 30.000 euros). Cette mesure permet des économies en vitesse de croisière de 300 millions à 400 millions d'euros par an pour l'État. C'est, certes, peu au regard du montant global des aides. Mais cela permet au moins d'en limiter la hausse. Reste qu'il est compliqué de couper davantage sans générer, au moins à court terme, des dégâts sociaux importants. En effet, comme le rappelle l'économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Pierre Madec, l'efficacité des aides, « bien qu'en diminution, n'est plus à prouver puisque, selon l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), elles permettent à elles seules de diminuer le taux d'effort des allocataires de 36 % à 20 % et de faire baisser leur taux de pauvreté de 3 points ». Ainsi « les aides au logement constituent de fait l'un des principaux instruments de lutte contre la pauvreté », ajoute-t-il. Par ailleurs, il faut savoir qu'en réalité, au sein des 41 milliards d'aides au logement, ce ne sont pas les aides personnelles au logement qui ont augmenté ces dernières années.

Une réduction des aides complexe à mettre en oeuvre

Comme le rappelle Pierre Madec, « en 2014, la France a consacré 1 % de son PIB aux allocations logement, soit une part similaire à celle consacrée depuis 1996 ». C'est en fait davantage du côté des aides aux producteurs de logement (bailleurs sociaux et privés principalement) que les dépenses ont augmenté, et qu'il faudrait peut-être chercher des économies. La période 2004-2011, notamment, a été marquée « d'une part par la forte hausse de l'investissement des bailleurs sociaux et privés jusqu'à un niveau historiquement élevé (construction neuve, rénovation urbaine, investissement locatif), et d'autre part par la montée en charge des dispositifs de prêt à taux zéro », indiquent les Comptes du logement.

Ainsi, à moins de casser complètement le système de production de logements sociaux, et de revenir sur les objectifs ambitieux en matière de transition énergétique, il sera compliqué de baisser significativement une grande part des aides. Restent enfin les avantages fiscaux qui perdurent pour les producteurs de logements privés. Ils représentaient près de 3 milliards d'euros pour les caisses de l'État en 2014. Au sein de ces 3 milliards, il y a notamment 1,8 milliard d'euros lié aux différents dispositifs d'aide fiscale à l'investissement locatif qui prospèrent depuis les années 1980. Instauré fin 2014, le dernier en date, le Pinel, a d'ailleurs pris son envol, faisant revenir des investisseurs particuliers sur le marché du logement neuf. Mais ce n'est pas pour autant que les candidats à la présidentielle le trouvent vertueux. Jean-Luc Mélenchon a notamment indiqué lors d'une conférence organisée par la fondation Abbé Pierre qu'il redéploierait « les

2 milliards inutiles d'aides fiscales aux logements privés » vers la construction de logements sociaux énergétiquement performants. Mais il n'est pas le seul à interroger le bien-fondé de ces dispositifs : Emmanuel Macron et Benoît Hamon proposent tous les deux une évaluation approfondie. De son côté, François Fillon qualifie ce type de mesures de « budgétivores et difficilement évaluables en l'état ».

Une loi Pinel qui pose question

Autrement dit, même si le Pinel a participé à relancer le marché de l'immobilier en 2015 et en 2016, les candidats questionnent clairement son efficacité. Mais au-delà du coût budgétaire, dont on peut considérer qu'il est compensé plus tard par les rentrées fiscales lorsque le Pinel génère de l'activité, c'est le sens de ce dispositif qui pose réellement question : en donnant la possibilité aux acheteurs d'un logement neuf de louer à un ascendant ou à un descendant, le Pinel encourage l'immobilité sociale. Il risque de maintenir, voire de renforcer, les inégalités, ce qui ne résoudra pas la crise du logement. Par ailleurs, comme ces prédécesseurs, le Pinel peut parfois favoriser la construction de logements là où les besoins sont faibles. Ce dispositif est notamment peu rentable pour les investisseurs dans les zones très tendues, là où les prix sont les plus élevés.

Plus globalement, il faut dire que la création d'un cadre fiscal très favorable à l'immobilier a souvent comme effets pervers de tirer artificiellement les prix vers le haut dans les zones tendues, alors que les revenus des ménages, eux, augmentent peu. Le mirage des taux d'intérêt bas qui améliore la solvabilité d'un champ large de ménages ne doit pas faire oublier que des effets d'aubaine qui découlent de ce type de dispositif sont nombreux - c'est le cas aussi pour le prêt à taux zéro élargi depuis le 1er janvier 2016. Mais les politiques prendront-ils le risque de gripper le marché pour créer des dispositifs plus justes ? C'est peu probable...

Mathias Thépot

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Commentaires 26
à écrit le 11/03/2017 à 19:24
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Le R.U. peut etre la solution meme s'il reste a paufiner. En versant un revenu aux jeunes et aux plus bas revenus en priorite on repond a plusieurs objectifs. En contrepartie on supprime l'aide au logement. Les logeurs qui profitent de l'effet d'auba...

à écrit le 11/03/2017 à 18:28
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Je pense qu'il faut complètement changer de système. Du côté des impôts sur l'immobilier il faut probablement à la fois supprimer la taxe d'habitation et l'application de l'impôt sur le revenu aux loyers, mais par contre en augmentant de manière impo...

à écrit le 11/03/2017 à 15:06
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Ce domaine du secteur locatif privé doit être entièrement repensé. Lorsqu’on vous propose un loyer sur évalué, en vous disant que vous aurez droit à l’APL, c’est le propriétaire qui bénéficie de l’argent public via le locataire. Pour peu que celui-ci...

à écrit le 11/03/2017 à 9:39
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si on coupe dans les aides ,c'est l'effondrement de l'immobilier,sauf si on instaure le loyer fictif qui remplacera les aides,mais qui permettra au gouvernement de dépenser moins

le 11/03/2017 à 15:46
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@ elu ps: il est hors de question d'accepter un loyer fictif, spoliation et vol d'argent économisé par un particulier pour se loger, après qu'il ait payé tous ses impôts et taxes. C'est une prime aux cigales qui claquent souvent tout en futilités au ...

à écrit le 11/03/2017 à 8:55
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ASSISTANAT , fraudes , guerroyages de prestige et gaspillages d'état : voila les secteurs d'économie prioritaires !!!

à écrit le 11/03/2017 à 5:34
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Je trouves honteux ce qu ils disent, ils devraient faire eux même une coupe dans leur budget à eux même nous français on fait que payer on en a marre

le 11/03/2017 à 15:09
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Le budget de l'Etat, à part les intérêts de la dette à payer, c'est pas mal de redistribution. Il coupe dans le budget en réduisant ce qu'il verse aux départements, régions, en faisant donc ce que vous préconisez. :-) Moins d'allocs, moins d'aides...

à écrit le 10/03/2017 à 22:20
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En pratique, la majorité de cet argent est perdu, s'il n'éxistait pas les loyers seraient moins chers, regardez en Allemagne. Les loueurs y compris les sociétés d'hlm surfacturent, pourquoi se gèner! Pour résoudre le mal logement, il faut revenir a...

à écrit le 10/03/2017 à 19:54
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Il faut réserver l'APL aux jeunes de moins de 25 ans , étudiants ou qui démarrent dans la vie.

à écrit le 10/03/2017 à 19:31
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Evidemment ...! Elle ne servent qu'à faire monter les loyers . Et bien sur aussi , les loyers des HLM ...

à écrit le 10/03/2017 à 18:22
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les aides au logement, c'est comme quand vous achetez un bien ' avec un avantage fiscal'; celui qui touche l'avantage n'est pas celui qu'on croit exemple type de mesure populiste couteuse ' payee par pesronne' ce genre de mesure, on les mets en pla...

à écrit le 10/03/2017 à 18:02
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Solution, créer un million d'emplois et transformer les milliers de bureaux et rez de chaussés vides en logements, favoriser les emplois en provinces dans les zones non tendus par la baisse du coût sur le travail !!

le 10/03/2017 à 19:35
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Si vous voulez trouver des Dixaines de milliers de m2 ...supprimez donc quelques fonctionnaires , avec leur moyenne ( réelle ) de 38 m2 alors que toutes les normes devrait etre de 16 m2 ...! je vous laisse faire le calcul ...

à écrit le 10/03/2017 à 15:35
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Tant de personnes qui reçoivent plus d'alloc log que de loyer, ou à qui il reste 50eur à payer, qu'ils ne paient pas. Les couples non mariés se logent à bon compte. Des personnes favorisées par millions en HLM, comme Chevènement en HLM à Paris Centre...

le 10/03/2017 à 17:58
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Le loyer de Chevènement, c'est moins de 900 eur, Monsieur.

à écrit le 10/03/2017 à 15:13
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Oui , affirmatif, positif d'accord, bien sûr, il le faut, couper dans les aides.

à écrit le 10/03/2017 à 11:04
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On peut rappeler que dans la loi de finance 2017 ,les conditions d’attribution des APL ont être modifiées, sauf pour les étudiants.Trois aspects sont concernés. Tout d’abord, le patrimoine des allocataires (livret A, résidence secondaire…), hors reve...

à écrit le 10/03/2017 à 10:19
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Distribuer des allocations crée une demande de logements supplémentaire qui n'existerait pas sans ces allocations et pousse donc les prix à la hausse. C'est un cercle vicieux. Il convient également d'ajouter au montant des aides au logement les dif...

le 10/03/2017 à 13:32
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Exactement (ou presque). Les aides au logement ne font que nourrir la bulle immobilière en solvabilisant artificiellement des ménages. Mais en faisant cela ils ne font que tirer les prix à la hausse, et les aides finissent dans les poches des propr...

le 10/03/2017 à 14:59
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@Citoen: très bonne analyse. Beaucoup trop de gens vivent des allocations, c'est-à-dire de l'argent du contribuable. Il ne faut certes pas tout arrêter en la matière, mais revoir sérieusement le système :-)

le 11/03/2017 à 12:42
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Oui bonne théorie mais c'est une théorie... Rien ne dit, rien ne prouve que les loyers baisseront, du moins dans le privé. Cela s'appelle la gourmandise des propriétaires, qui trouveront des locataires prêts à sacrifier la moitié de leur salaire car ...

à écrit le 10/03/2017 à 9:53
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Vu le resultat (de plus en plus de gens ayant du mal a se loger) le moins qu on puisse faire est se poser des questions. al politique actuelle coute cher et a des resultats disons mediocre. Mais comme le dit l article, notre prochain president aura t...

à écrit le 10/03/2017 à 9:16
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le budget logement est de 2% PIB chez nous alors que la moyenne européenne est autour de 1% (CEPII). on construit 375 000 logements pour 240 000 nouveaux ménages (au UK, ils ne construisent que 185 000 logements pour une croissance démographique sup...

à écrit le 10/03/2017 à 8:54
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Il faut couper tous les APL et réduire d autant les loyers => les APL sont des subventions déguisées pour les propriétaires Il faut taxer les rentes immobilières jusqu'a ce que le prix immobilier revienne sur sa moyenne historique en terme de coût ...

à écrit le 10/03/2017 à 8:34
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"Mais les politiques prendront-ils le risque de gripper le marché pour créer des dispositifs plus justes ? C'est peu probable... " Ben non puisque les politiciens ne veulent pas de politique juste ils veulent juste une politique pour faire passer...

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