Grâce aux communes, l'investissement des collectivités ne baisserait plus

La légère reprise de l'investissement des communes et des intercommunalités en 2016 permettrait de stopper la chute des investissements du secteur public local, après deux années de baisses significatives.
Mathias Thépot
48,3 milliards d'euros, c'est le niveau d'investissement des collectivités locales en 2016, selon les prévisions de la Banque postale.

C'est un moindre mal, notamment pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP)... l'investissement public local, dont elles dépendent beaucoup, ne baisserait plus. Selon les prévisions du service des études de la Banque postale, le niveau d'investissement des collectivités locales devrait se stabiliser à 48,1 milliards d'euros en 2016, contre 48,3 milliards d'euros en 2015, après avoir chuté de 17 % depuis 2013. Certes, il faut remonter à 2003 pour constater un niveau d'investissement aussi bas, mais on peut toutefois avancer que l'hémorragie s'atténue, malgré un contexte financier toujours contraint. L'État a notamment maintenu la baisse globale annuelle de la dotation de fonctionnement (DGF) en 2016 (comme en 2015) à 3,7 milliards d'euros, dont 2,07 milliards d'euros pour les communes, alors que les départements, qui assument le versement des aides sociales, restent durement affectés par l'environnement économique national. Cet arrêt de la baisse des investissements du secteur public local résulterait en fait uniquement de la reprise au niveau des communes et des intercommunalités.

En 2016, « les investissements du bloc communal, en légère hausse, ne seraient pas soutenus par les autres niveaux de collectivités locales », estime ainsi les analystes de la Banque postale.

À elles seules, les communes redressent donc la barre.

L'autofinancement préféré à l'endettement

Il faut dire que le bloc communal représente près de 60% des dépenses d'investissement des collectivités locales françaises. Elles bénéficient d'un effet de cycle. Deux ans sont en effet passés depuis les dernières élections municipales de mars 2014, qui ont donné lieu à beaucoup de changements de majorité. Désormais, les nouvelles équipes municipales s'organisent et commencent à se lancer dans de nouveaux projets, même si l'ampleur de la reprise de la commande publique provenant des communes reste légère, estime la Fédération nationale des travaux publics. Par ailleurs, comme le rappelle la Banque postale, cet « effet de cycle » est moins prononcé que lors de la même période des mandats municipaux précédents. Il serait donc présomptueux de penser à une stabilisation, voire à une reprise pérenne de l'investissement des collectivités locales françaises dès 2017.

Les annonces du président de la République François Hollande, lors du congrès des maires qui se déroule du 31 mai au 2 juin, seront épiées dans ce cadre, notamment en ce qui concerne un aménagement de la baisse de la DGF. Mais, même si le chef de l'État lançait une mesure allant en ce sens, il n'y aurait pas pour autant d'emballement à prévoir du côté du secteur public local. La Banque postale prévoit d'ailleurs un recours très mesuré des collectivités à l'endettement en 2016, malgré des conditions de marché hyper-avantageuses, une offre de liquidité abondante, et des taux d'intérêt nominaux très bas.

Prudentes, les collectivités locales devraient en fait s'appuyer sur l'autofinancement supplémentaire - dégagé de manière inattendue en 2015 - pour maintenir leur niveau d'investissement en 2016. En effet, l'épargne brute des collectivités locales s'est redressée à 38,1 milliards d'euros en 2015, contre 37,5 milliards d'euros en 2014, estime Thomas Rougier, le directeur des études à la Banque postale collectivités locales. Cet effet surprise, dans un contexte financier contraint, découle de la maîtrise des dépenses de fonctionnement (+1,5%), et surtout de la hausse des recettes de fonctionnement des collectivités locales de 5,2% en 2015. Les droits de mutations à titre onéreux (DMTO, +1,5 milliard d'euros) qui vont à 80% aux départements et à 20% aux communes, ont notamment bénéficié de la reprise du marché immobilier résidentiel.

Par ailleurs, les montants perçus grâce aux contributions directes - la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la cotisation foncière des entreprises (CFE), les deux taxes foncières (TF), la taxe d'habitation (TH), l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) - sont en hausse de 3,3 milliards d'euros.

Les effets d'aubaine de 2015 sans équivalent en 2016

Le levier fiscal sur les quatre impôts directs locaux (les TF, TH, CFE) a certes été un peu plus utilisé qu'à l'habitude par les communes (+1,2%) en 2015. Mais concrètement, la hausse des recettes fiscales perçues par le secteur public local en 2015 découle d'effets d'aubaine de court terme, et ne devrait pas se reproduire en 2016... Par exemple, la forte hausse des recettes liées à la taxe d'habitation (+5%) découle de l'intégration dans les bases de la TH des personnes de condition modeste... qui sera compensée en 2016. De même, au regard du mode de calcul de la CVAE, la hausse de 2015 ne devrait pas être réitérée cette année, car elle dépend de l'activité économique d'il y a deux ans. Celle-ci est en effet payée par les entreprises en année n, mais est assise sur la valeur ajoutée créée en n-1 et reversée aux collectivités en n+1. Or, la croissance fut particulièrement faible en 2014... Hormis pour les DMTO, qui devraient encore être en hausse de 6% en 2016 du fait de la progression du marché immobilier, la plupart des bonnes surprises fiscales enregistrées en 2015 sur les recettes ne devraient donc pas se reproduire pour 2016.

Pour maintenir leur capacité à financer leurs investissements, les collectivités locales pourraient donc avoir davantage recours au levier fiscal. Mais, dans un contexte où il est politiquement très compliqué de toucher à la fiscalité des ménages, le bloc communal se dirigerait vers une augmentation moyenne des taux (+0,9%) plus faible que l'année dernière et que lors des troisièmes années des mandats municipaux précédents (+1,6% en 2003 et +1,7% en 2010).

Pour toutes ces raisons, il paraît aujourd'hui difficile d'anticiper une stabilisation du niveau d'investissement des collectivités locales après 2017, voire une hausse. Par ailleurs, le recours à la dette ne devrait donc pas être massivement utilisé.

D'une part parce que la demande de crédits reste faible - « Une suroffre de crédits ne suffit pas à générer des projets », rappelle Serge Bayard, président de la Banque postale collectivités locales.

Et d'autre part, il faut aussi dire que le profil financier de certaines collectivités se dégrade. La Banque postale a par exemple refusé entre 15% et 20% des demandes de crédits émanant de collectivités locales en 2015, une part qui va en grandissant. Certes, de fortes disparités subsistent entre les acteurs publics locaux, et la grande majorité des collectivités reste en très bonne santé financière.

La commande publique locale irrigue l'économie

Mais il n'est pas à exclure que certaines voient leur situation se dégrader dans les prochains mois. Ce climat morose pose des questions sur l'état de l'économie française : plus de 40% du budget des collectivités locales est destiné à des entreprises dans leur ensemble, dont 16% pour les seuls acteurs du BTP, très dépendants de la commande publique. De même le monde associatif (sport, culture, social, formation...), l'un des garants du lien social en France, dépend à 27% des subventions et de la commande publique locale.

Du reste, la baisse du déficit public depuis 2014 découle principalement des efforts budgétaires des administrations publiques locales, qui ont fini l'exercice 2015 avec un excédent de 700 millions d'euros.

Pour sa dernière année de mandat, François Hollande devra donc faire un choix politique : satisfaire les critères de Maastricht ou soutenir le tissu économique et social local. Le chef de l'État a jusqu'ici fait le choix des traités européens. Mais, à un an de l'élection présidentielle, l'exécutif n'aurait-il pas intérêt à lâcher du lest sur la rigueur, afin de dynamiser l'activité dans les économies locales, souvent créatrices d'emplois ?

Mathias Thépot

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