Immobilier : les entrepôts de logistique urbaine suscitent l'appétit des investisseurs

Après des mois d'annonces tous azimuts des professionnels de l'immobilier sur la logistique urbaine, les gestionnaires d'actifs Mont Thabor Asset Management et PGIM Real Estate viennent de communiquer sur des fonds dotés de dizaines voire de centaines millions d'euros pour acquérir des actifs existants et les transformer en entrepôts de proximité anti-dark stores. Un marché concurrentiel à l'heure du zéro artificialisation nette des sols (ZAN) et des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m). Décryptage.
César Armand
(Crédits : C.A.)

Alors que le secteur du logement neuf vit une crise de la demande, du fait notamment de l'inflation, et que celui du bureau subit l'attentisme des investisseurs depuis la crise sanitaire, l'entrepôt logistique de proximité est en passe de devenir le nouvel eldorado des professionnels de l'immobilier. En moins d'un an, les déclarations transmises à la presse se sont multipliées dans ce domaine.

A commencer par la Sogaris, groupe spécialisé dans la conception, la réalisation et la gestion de bâtiments et de sites logistiques, dont la ville de Paris est actionnaire à 49,5% aux côtés de la Caisse des Dépôts (17,7%) et des départements 92, 93 et 94, qui, en juin 2022, a communiqué sur une levée de fonds de 150 millions d'euros pour « développer un immobilier logistique adapté à la ville durable ».

Des centaines de millions d'euros sur la table

Suivi en juillet dernier du promoteur Altarea qui lance une nouvelle marque baptisée Altarea Logistique afin de développer une dizaine d'espaces de distribution du dernier kilomètre « à moyen terme ».

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Sans oublier l'annonce de La Poste Immobilier en plein congrès des maires de novembre. D'ici à 2026, la filiale dédiée va réhabiliter, rénover ou acquérir de nouveaux entrepôts, avec « l'intention d'être exemplaire sur l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols » moyennant 200 millions d'euros.

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Une somme également levée par Mont Thabor spécialiste de la restructuration immobilière avec 50 projets « haut de gamme » en France et en Europe de 150.000 m² et d'un milliard d'euros en valeur. De l'argent frais en l'occurrence porté par une co-entreprise associant des compagnies d'assurances internationales, dont Swiss Life, proclamé le 9 mars dernier juste avant le Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim).

Anti-dark stores

La gestionnaire d'actifs Gabrielle Millan, DG de Mont Thabor Asset Management, est déjà en train en train de déployer cinq projets « d'hôtels de logistique urbaine » : 4 à Paris (VIIIè, IXè, XIIè et XIIIè), le 5è à Neuilly-sur-Seine, et en « étudie » d'autres à Bordeaux, Marseille et Lyon. Leur nom est déjà trouvé : « Bright House » - maison lumineuse - à l'opposé des « dark stores » et autres « dark kitchens », ces « magasins sombres » et « cuisines fantômes ».

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Le concept est simple : transformer et réhabiliter des espaces délaissés en y apportant certes des espaces de manutention et de chargement à l'abri des regards en intérieur mais aussi des espaces de colisage - des casiers de retrait - et de stockage - pour les commerçants du quartier. Et ce avec une conciergerie humaine présente en rez-de-chaussée 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, mais aussi des « locaux sociaux » en étage, c'est-à-dire des espaces de repos, des toilettes... pour les livreurs entre deux livraisons.

« En 2021, la structure-mère, Mont Thabor Invest, a acheté un parking de 16.000 m² sur les Champs-Elysées avant d'être approchée par des opérateurs de logistique qui cherchaient des espaces. C'est ce qui nous a donné l'idée. », explique à La Tribune Gabrielle Millan.

« Ce seront des espaces ouverts sur la ville, avec des couleurs claires, de la végétation et de la lumière certes artificielle », insiste la directrice générale de Mont Thabor Asset Management.

Ses critères sont simples : 3.000 mètres carrés en moyenne avec un ticket de 30 millions d'euros, sachant qu'avec l'equity, les 200 millions d'euros levés devraient devenir 400 millions. Au total, elle compte acquérir « plus ou moins » quinze sites : une dizaine en région Île-de-France et cinq dans les métropoles régionales.

Des rendements bienvenus

D'autant que le rendement est « quasiment » celui des loyers de bureaux, poursuit la gestionnaire d'actifs. Elle ne croit pas si bien dire. C'est ce qui a également poussé son homologue PGIM Real Estate (210 milliards de $ d'actifs, dont 13 milliards en Europe), filiale du groupe américain Prudential Financial coté à la Bourse de New York, à lancer sa plateforme Proxilog REIM, a-t-il fait savoir le 27 mars.

« Dans un contexte d'augmentation des taux d'intérêt, l'impact sur l'immobilier étant évident, nous avons la conviction que les meilleures opportunités se feront sur les typologies qui permettent une hausse des revenus locatifs. A cet égard, la logistique urbaine permet de capter une croissance de ces revenus », affirme, à La Tribune, le directeur général France, Espagne et Portugal, Senior Portfolio Manager European Value Partner Funds chez PGIM Real Estate, Nabil Mabed.

« Nous sommes un investisseur immobilier qui accompagne les changements sociétaux, là où la demande pour des m² est portée par des dynamiques fortes », ajoute-t-il.

Depuis fin 2022, il a ainsi déjà « sécurisé » l'acquisition de cinq actifs - trois dans le Grand Paris, deux en région lyonnaise - pour un montant d'investissement de 70 millions d'euros, sans se fixer de plafond à terme. « Je ne peux pas donner beaucoup de détails, n'ayant pas encore signé d'acte de vente, mais ce sont des actifs qui ont déjà une activité de production ou de stockage logistique », enchaîne-t-il.

Un marché de surcroît très concurrentiel en vue de l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols à horizon 2050.

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La contrainte des ZFE-m

« Guidé » par trois thèmes dont la décarbonation, Nabil Mabed pariera donc sur des actifs au plus près des zones de chalandise pour minimiser pour les temps de trajet, tout comme il signera avec ses preneurs des baux verts avec des engagements des locataires sur l'énergie.

« Est-ce qu'on les sélectionnera en fonction de leur démarche environnementale ? Je n'irai pas jusque-là, mais ils n'auront pas le choix », souligne le dirigeant.

A l'heure des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m), les professionnels n'ont en effet plus le choix. Pour entrer dans les centres-villes, leurs moyens de transport doivent être les plus verts possibles, comme les véhicules utilitaires légers roulant à l'électrique ou au biogaz.

Sauf qu'entre la théorie et la pratique, le président des grossistes de France, Philippe Barbier, vient de remettre un rapport au ministre des Transports Clément Beaune sur le sujet. Il en ressort que le calendrier des ZFE-m n'est pas « réaliste » avec la décarbonation des motorisations...

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César Armand

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