Immobilier : les six propositions des notaires pour résoudre la crise du logement

Depuis dix-huit mois, le Conseil supérieur du notariat se penche sur le thème du logement. Il réfléchit aux moyens de résoudre la crise actuelle. Les travaux ont été répartis en trois commissions : développer l’offre, favoriser son accès et pérenniser son logement. Le président du 119e congrès, Yves Delecraz, a dévoilé, ce mercredi 7 juin, six premières propositions.
Les Notaires de France ont présenté ce mercredi leurs premières propositions pour résoudre la crise du logement.
Les Notaires de France ont présenté ce mercredi leurs premières propositions pour résoudre la crise du logement. (Crédits : Reuters)

Deux jours après les mesures annoncées par la Première ministre Elisabeth Borne pour mettre fin à la crise du logement, c'est aux notaires de sortir du bois. En complément des mesures proposées par le gouvernement, le président du 119e Congrès du Conseil supérieur du notariat, Yves Delecraz, vient de dévoiler des premières propositions de long terme avec des solutions structurelles.

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Aujourd'hui, la crise du logement est le résultat de la conjonction de quatre facteurs : la fin de l'euphorie post-covid, l'arrêt quasi-total de la construction neuve, la hausse des taux qui rend difficiles l'accès au crédit, ainsi que la crise énergétique et les exigences de la transition écologique. Résultat, 2,4 millions de ménages sont en attente d'un logement social. En outre, nombreux ménages peinent à obtenir un prêt bancaire et les volumes des ventes diminuent. Pour résoudre cette crise, les notaires se sont donné deux axes de travail : pragmatisme et efficacité.

Améliorer le processus de délivrance de permis de construire

La construction de logements est désormais une priorité nationale. C'est la raison pour laquelle leur première proposition vise les permis de construire. Pour en améliorer le processus de délivrance, ils recommandent ainsi d'en réduire les délais ainsi que les contestations qui pourraient survenir.

Le président du 119e Congrès du CSN explique que si les personnes concernées sont mieux informées en amont, si le projet de construction est mieux expliqué et mieux compris, alors les contestations sont moins nombreuses et plus faciles à gérer. Il faut donc améliorer et simplifier le processus de concertation préalable.

Cahier des charges et PLU

Pour développer l'offre de logement, les notaires proposent aussi de rendre aux cahiers des charges des lotissements leur essence première. Ces documents organisent la vie des habitants de ces espaces en donnant la « règle du jeu ».

Toutefois, certains de ces cahiers des charges, du fait de leur ancienneté, ne sont plus adaptés à la situation actuelle. Par conséquent, ils contiennent des réglementations contraignantes qui n'ont plus aujourd'hui de justification. Les officiers publics suggèrent donc de laisser au maire la possibilité de mettre en concordance ce cahier des charges avec le plan local d'urbanisme. Cette mesure donnerait plus de souplesse et simplifierait les projets de construction.

Le choix du statut pour le bailleur

Lorsque le logement est construit, encore faut-il y accéder. Les notaires se sont donc également penchés sur des mesures relatives à l'accession à la propriété. Dans ce cadre, ils suggèrent de laisser au bailleur le choix de son statut. Objectif affiché, redonner à l'investissement locatif son côté attractif.

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A l'heure actuelle, la rentabilité du logement est gommée. Pour y remédier, il faut, selon les notaires, que le bailleur puisse être considéré comme un chef d'entreprise, puisqu'il propose un service de logement à son locataire. Le propriétaire pourrait donc choisir, lors de l'acquisition du bien, d'être considéré comme un particulier ou bien comme un professionnel, et ainsi bénéficier de la fiscalité liée à ce statut. En tant que professionnel par exemple, il pourrait amortir son investissement.

Par ailleurs, la location nue et la location meublée seraient traitées de la même manière, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Actuellement, la différence de statut est automatique : la location nue donne au bailleur un statut de particulier, et la location meublée, un statut de professionnel. Or, cette distinction conduit certains bailleurs à meubler artificiellement leurs logements, afin de bénéficier du statut de professionnel et de sa fiscalité avantageuse.

Les notaires plaident ainsi pour un système uniforme et une nouvelle appréhension de l'investisseur. Cela inciterait les Français à investir dans l'immobilier et permettrait d'améliorer le « parcours résidentiel », c'est-à-dire les étapes qui permettent aux locataires de devenir propriétaire.

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Logement intermédiaire : imposer une décote à la revente

Toujours pour favoriser l'accès à la propriété, les notaires étudient les logements intermédiaires. Pour rappel, il s'agit de logements aux loyers plafonnés, inférieurs aux prix du marché. Ils constituent de véritables opportunités pour ceux dont les revenus sont supérieurs aux minimums sociaux, mais qui ne peuvent pas acheter en zone tendue, c'est-à-dire là où la demande est supérieure à l'offre.

Aujourd'hui, lorsqu'une société propriétaire de ces logements intermédiaires les vend à ses occupants, le prix de revente est décoté, c'est-à-dire en dessous du prix du marché. Cela représente un intérêt de taille pour l'acquéreur. Si ce dernier, a posteriori, souhaite revendre le bien, il doit respecter des clauses anti-spéculatives qui l'empêchent de vendre son logement plus cher qu'il ne l'a acheté, ou alors de reverser la plus-value touchée à la société sociale anciennement propriétaire du logement. Or, ces clauses ont des limites, et notamment des limites temporelles. Ainsi, certains propriétaires attendent l'expiration de la clause anti-spéculative pour vendre leur bien au prix actuel du marché et empocher la plus-value réalisée.

Le Conseil supérieur du notariat estime qu'il est anormal « qu'un effort public tombe dans la poche d'un particulier ». C'est la raison pour laquelle ils demandent d'imposer, lors de la revente d'un logement intermédiaire, une décote dont l'acquéreur a profité au départ.

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Faciliter la vente en viager au sein du cercle familial

Au cours de leurs travaux, les notaires ont également cherché à favoriser la conservation du logement dans le temps. Beaucoup de propriétaires espèrent en effet pouvoir transmettre leur logement à leurs enfants, mais le garder au fur et à mesure des années n'est pas une chose garantie. Certains points de blocages existent, notamment sur l'aspect familial.

En ce qui concerne la vente en viager par exemple, un enfant ne peut acheter en viager le bien de ses parents qu'avec l'accord de toute sa fratrie. Sinon, cette vente est considérée comme une donation à l'enfant. Or, il existe de nombreux cas dans lesquels il est difficile, voire impossible d'établir le contact avec les frères et sœurs du potentiel acquéreur.

Le 119e Congrès des Notaires de France défendra donc la suppression de l'article 918 du Code Civil qui concerne la vente en viager. Objectif, faciliter ainsi ce procédé au sein du cercle familial. La nécessité de démontrer l'opération sera néanmoins maintenue, permettant ainsi de s'assurer que la rente est bien payée et qu'il ne s'agit pas de détournement. À ce titre, le prêt viager hypothécaire est un « schéma de financement très opportun qui doit être remis à l'ordre du jour ».

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Une rénovation énergétique globale

Pour finir, les professionnels du droit constatent les défis de la rénovation énergétique. Selon Yves Delecraz, en ce qui concerne la transition énergétique, « on est passé à la répression ». Aux horizons 2025, 2028 et 2024, les passoires thermiques ne pourront plus être louées. La solution est de rénover les logements concernés. Pour que cette rénovation soit efficace, encore faut-il qu'elle soit globale.

Mais cela soulève deux problèmes : un enjeu financier, puisque de nombreux propriétaires n'ont pas les moyens de réaliser les transformations nécessaires, et un enjeu juridique. Dans une copropriété, il faut obtenir l'accord de la majorité des copropriétaires pour commencer les rénovations, ce qui n'est pas toujours aisé à obtenir.

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Les notaires poussent donc à l'extension du schéma juridique de CPE (contrat de performance énergétique). Il serait alors question de se situer à l'échelle d'un îlot d'immeubles plutôt qu'au niveau d'un immeuble seul, ce qui permettrait une rénovation massive (et donc efficace d'après les notaires). Ces six premières propositions s'inscrivent à long terme et cherchent à répondre à la crise structurelle du logement. Le reste sera exposé lors du 119e Congrès des Notaires de France qui se tiendra les 27, 28 et 29 septembre 2023 à Deauville et qui a pour thème : « Le logement - Le devoir de faire mieux, le droit de faire autrement ». Vaste programme...

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Commentaires 4
à écrit le 08/06/2023 à 18:37
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Trop d obligations rapides pour rendre éligibles pour l isolation des biens anciens

à écrit le 08/06/2023 à 11:42
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Les notaires à honoraires constants ont très bien vécu ces 2 dernières années avec les transactions immobilières en neuf comme en ancien et ne resterint que des "Caisses enregistreuses" des transactions et successions, sans aucun pouvoir d'influence ...

à écrit le 08/06/2023 à 8:19
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c est quand meme tres fort. ca fait des annees que le logement est problematique en france car pour se loger une partie des francais doivent engloutir 40 a 50 % de leurs revenus. mais la pas de probleme. maintenant que les taux montent et que les pri...

à écrit le 08/06/2023 à 6:56
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Bonjour, l'accès au logement social est problématique car les liste d'attentes sont importante , et l,'ons constate souvent des irrégularités sur les designations des locataires. Ensuite, comme l'ons sur protege le locataore au détriment du.baille...

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