Manitou lance sa première usine en Amérique latine

Le français Manitou Group, leader mondial des chariots de manutention tout-terrain finalise sa première filiale en Amérique du Sud avec la création d'une unité de production de 7.000 m² au Brésil. Un moyen d'être plus compétitif sur un marché malmené par la conjoncture économique et politique.
Michel Denis, CEO Manitou Group, vient de finaliser la construction d'une unité de production chariots élévateurs de 7.000 m², à Vinhedo, dans l'Etat de São Paolo. La première en Amérique du Sud.

« Ça fait six trimestres d'affilée que le Brésil enregistre une baisse de son PIB... Alors il faudra bien attendre 2018 pour que l'économie brésilienne retrouve les points qu'elle a perdus et le niveau d'avant-crise. Cela prendra sans doute plus longtemps que ça, même si certains sont plus optimistes, je suis extrêmement prudent. Quand la destitution [de Dilma Roussef, Ndlr] sera effective, elle devrait donner un petit peu de souffle économique sur 2017. Ensuite, tout dépendra des clients et du rythme de la reprise », observe Michel Denis, CEO de Manitou Group.

Le groupe vient de finaliser la construction d'une unité de production chariots élévateurs de 7.000 m², à Vinhedo, dans l'Etat de São Paolo. La première en Amérique du Sud. Voulue pour être la tête de pont sur l'Uruguay, le Paraguay, le Chili, le Mexique, l'Argentine, le Venezuela et le Brésil où le groupe français réalise un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros.

Une misère au regard des 299 millions d'euros affichés pour l'ensemble des Amériques (Nord et centrale), troisième des quatre piliers du leader mondial des chariots de manutention tout-terrain. Pour mémoire, les trois autres piliers sont l'Europe du Nord avec 489 millions d'euros de chiffre d'affaires, l'Europe du Sud avec 370 millions d'euros, et l'Asie Pacifique Afrique Moyen-Orient (APAM), avec 130 millions d'euros (voir chiffres d'affaires 2015). En 2015, son chiffre d'affaires global s'établissait à 1,287 milliards d'euros, contre 1,246 milliards en 2014.

La mécanisation est en route

« L'Amérique du Sud était jusqu'à présent un marché assez limité », reconnaît Michel Denis, qui met en avant deux raisons principales.

« La pénétration des matériels que nous fabriquons est très dépendante du niveau de maturité de la mécanisation. Or, en Amérique du Sud, plutôt considérée comme une zone émergente, la mécanisation n'a pas encore conquis tous les secteurs où nous travaillons. Le marché est bien plus faible qu'ailleurs. L'autre raison, c'est que, historiquement, pour des questions d'organisation, Manitou était sous-représenté par rapport à ce qu'on pouvait attendre d'un leader mondial sur les chariots télescopiques », dit-il.

Le côté positif, c'est que la mécanisation ne peut que croître dans les années à venir.

« Sur le marché de l'élévation des personnes, les réglementations évoluent. Au Brésil, par exemple, le marché de la nacelle est devenu un marché presque mature. Les gens travaillent en sécurité. Dans le secteur agricole, on assiste à une pénétration du chariot télescopique pour spécialiser des équipements et accroître la productivité des fermiers », constate Michel Denis.

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Photo: Au premier semestre 2016, le chiffre d'affaires du groupe atteignait 689 millions d'euros (+1%). Le résultat opérationnel s'établissait à 39 millions d'euros (5,6% des ventes) contre 31 millions d'euros) (4,5% des ventes) en 2015. Les perspectives de croissance du chiffre d'affaires sont estimées à +2%.

Manitou certifié « made in Brazil »

Sur ce marché estimé à très fort potentiel, la création de la filiale Amérique du Sud, lancée il y a quatre à cinq ans, s'est accélérée il y a un an et demi avec l'acheminement de pièces détachées pour constituer un stock, la création d'un centre de formation et de services, le recrutement et la formation des équipes (30 personnes), la recherche de partenaires et de sous-traitants, jusqu'à la création de l'usine de Vinhedo dimensionnée pour produire deux modèles de chariots télescopiques (soit 200 à 300 unités par an) dotés de flèche de 14 ou 18 mètres. La direction générale de la filiale Amérique du Sud a été confiée l'an dernier au Brésilien Marcelo Bracco, fin connaisseur des marchés agricoles et de la construction.

Cette dynamique aurait permis de générer 300 emplois directs et indirects. Surtout, en sourçant l'ensemble de ses composants au Brésil et en sélectionnant une quarantaine de partenaires locaux, Manitou Group a décroché une labellisation brésilienne lui donnant accès au programme de financement Finame. Celui-ci permet aux utilisateurs de bénéficier de crédits à taux bonifiés octroyés par la Banque centrale.

« Ces conditions de crédit sont des éléments clés dans la décision d'achat. Cette certification nous offre donc un avantage compétitif majeur et va nous permettre d'élargir le marché », explique le CEO de Manitou Group.

Pas de rachat d'entreprise locale en vue

D'autant que l'obtention de ce label, valable pour l'ensemble des pays du Mercosur, ramène les taxes d'importations à zéro pour les Pays d'Amérique du Sud pour les machines produites sur place.

« Nous avons bien regardé, ailleurs, en Argentine ou au Chili, où nous réalisons de belles croissances, mais les fabricants de moteurs, de vérins, de pompes et de cabines... sont essentiellement brésiliens », indique Michel Denis.

L'idée du rachat d'une entreprise locale a, elle aussi, été abandonnée.

« Nous n'avons pas trouvé le fabricant qui pouvait nous donner le tremplin nécessaire ou la manière d'aller plus vite. D'autre part, les entreprises sont souvent des filiales de groupes internationaux qui ne sont pas à vendre. »

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Photo: Les modèles avec fourche sont fabriqués au Brésil.

Raccourcissement des délais et doublement du CA prévu

Outre des gains financiers pour le groupe et les utilisateurs, cette tête de pont sur l'Amérique du Sud va permettre de raccourcir les délais pour l'Argentine, le Chili, le Paraguay...

« Le temps de transport en bateau a été réduit de quelques semaines », ajoute-t-il.

La base de services va aussi améliorer les délais d'assistance, la formation des équipes techniques et commerciales, renforcer la relation avec les 80 concessionnaires déployés sur la zone. Manitou Group, qui commercialise l'ensemble de sa gamme et de ses marques (Gehl, Mustang...)  à destination de tous les secteurs (agriculture, manutention et levage, travaux publics et BTP...) espère ainsi multiplier par deux son chiffre d'affaires pour atteindre rapidement les 50 millions d'euros.

« À moyen terme, compte tenu du potentiel , notre volonté est d'avoir une présence au niveau de ce que l'on a ailleurs », souligne Michel Denis, préférant réserver le montant des investissements réalisés à l'AMF (Autorité des Marchés Financiers).

"Nous délivrons la performance que nous avions avancée"

Si l'impact de la création de la branche Amérique du Sud n'est pas flagrant sur le cours de Bourse, le CEO de Manitou Group estime que la construction de cette usine et de cette filiale participe de la quête de performance lancée par la feuille de route 2014-2016.

« Nous sommes dedans, et le cours de Bourse suit cette progression. Nous délivrons la performance que nous avions avancée », plaide-t-il, reconnaissant que le "driver" principal, c'est le Brésil.

« Les autres marchés [Argentine, Chili, Mexique), Ndlr] se portent plutôt bien. Nous avons fait 7% à 8% de croissance alors que le marché brésilien s'est écroulé. En 2013, par exemple, le Brésil était le second marché mondial de nacelles, ce qui est pour nous une part importante  de notre activité. Or, il a depuis chuté de 85% !  C'est un arrêt plus que brutal. C'est sidérant. Le potentiel du Brésil était extrêmement important. Ce n'est donc pas l'usine, mais ce driver qui fera la différence. »

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