Mediator : l'Igas flingue l'administration et Servier

Selon le rapport de l'Inspection des Affaires sociales, le système de notification des cas par les professionnels de santé aurait dû permettre le retrait du médicament "si le principe de précaution avait été appliqué correctement". Le labo est accusé d'avoir commercialisé ce médicament sous une indication thérapeutique ne correspondant pas à la réalité.
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Le Mediator aurait pu être retiré du marché dès 1999, soit dix ans avant son retrait réel, a déclaré samedi Aquilino Morelle, qui a piloté l'enquête de l'Inspection générale des Affaires sociales (Igas) sur cet antidiabétique soupçonné d'avoir provoqué la mort de 500 à 2.000 personnes en France. Les inspecteurs de l'Igas ont remis samedi leur rapport au ministre de la Santé, Xavier Bertrand.
Les enquêteurs ont commencé par dénoncer l'«incompréhensible tolérance» dont a bénéficié dès le départ le Mediator, autrement dit dès 1974 lorsque son autorisation de mise sur le marché lui a été accordée, avant d'être mis en vente en 1976. Selon eux, les laboratoires Servier ont commercialisé ce médicament sous une indication thérapeutique qui ne correspondait pas à la réalité.
Les inspecteurs ont ensuite ont tenu "à souligner que le système de notification des cas par les professionnels de santé aurait pu permettre le retrait du Mediator au moins depuis 1999 si le principe de précaution avait été appliqué correctement", a estimé Aquilino Morelle lors d'une conférence de presse. Le système de pharmacovigilance qui a montré son « inertie » s'est révélé « incapable d'analyser les graves risques apparus en termes de toxicité » de ce médicament.
Dans la foulée de cette conférence, Xavier Bertrand a estimé que ce rapport réunissait un «faisceau d'indice» pouvant montrer «une responsabilité première et directe» des laboratoires Servier qui ont commercialisé le Mediator pendant plus de 30 ans.
«Mon devoir, a affirmé le ministre de la Santé lors d'une conférence de presse, est de rebâtir un nouveau système de sécurité sanitaire avec l'objectif que, demain, il n'y ait pas un nouveau Mediator».
Selon Xavier Bertrand qui a annoncé la création d'un fonds d'indemnisation des victimes, le rapport de l'Igas montre en effet "clairement que la police du médicament a failli à sa mission". De fait l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), qui décide des autorisations de mises sur le marché et de retrait des médicaments, est plus que jamais sur la sellette.
Après sept ans à la tête de l'Afssaps, son président Jean Marimbert a annoncé son départ cette semaine, parlant de sa "fierté ternie" par l'affaire du Mediator. Il a présenté dans Libération les grandes lignes d'une réforme de l'instance, prônant notamment le renforcement des contrôles des experts pour éviter les conflits d'intérêts.
Le Mediator, un antidiabétique fabriqué par les laboratoires Servier également utilisé comme coupe-faim, a été prescrit à au moins cinq millions de personnes en France entre 1976 et 2009, année de son interdiction, alors que sa dangerosité a été signalée dès la fin des années 1990. Selon plusieurs études, le Mediator est à l'origine directe de maladies cardiaques graves, les valvulopathies, un lien contesté par Servier.
L'Inspection générale des Affaires sociales, qui a compétence pour enquêter sur l'administration, n'a pu auditionner les responsables du laboratoire. Selon son fondateur, Jacques Servier, le Mediator n'aurait fait "que trois morts".
Plus de 100 plaintes, pour homicides ou blessures involontaires, sont aujourd'hui aux mains du parquet de Paris qui a ouvert une enquête préliminaire et procédé à ses premières auditions cette semaine.
Selon Le Figaro, certains des membres de l'Afssaps ont reçu des menaces de mort "pour laisser un médicament sur le marché ou maquiller les résultats d'études défavorables à un produit".

 

 

 

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Commentaires 3
à écrit le 22/01/2011 à 20:27
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des menaces de mort? Bigre! Pourquoi n'en parle-t-on que maintenant? Et quel est le rôle de contrôle de l'Administration si ce n'est celui de réagir a bon escient, ce que manifestement elle n'a pas fait. De surcroît, les AMM semblent être accordées ...

à écrit le 17/01/2011 à 12:43
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La « fierté ternie » de monsieur Marimbert, ah la belle affaire! Pourtant, cette fierté, il l?avait mise dans sa poche lorsque son frère Jean-François Matthéi alors ministre de la santé l?avait plus qu?épaulé pour occuper le poste de directeur de l?A...

à écrit le 17/01/2011 à 11:01
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Faisons le total de ce chaque laboratoire paie pour influencer dans son sens (financement des experts, des agences, lobbying divers) et mettons à sa charge un impôt équivalent qui permettra de financer lesdits experts et agences pour assurer leur ne...

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