Cancer : les trop belles promesses de certains traitements

L'âge des patients choisis lors des essais cliniques, leur état de santé...autant de critères qui peuvent expliquer des différences de durée de survie des patients entre les résultats des essais cliniques et l'utilisation des molécules lors de la mise sur le marché, rapporte la revue médicale JAMA oncology. Sans non plus remettre en cause l'efficacité de certains nouveaux anticancéreux.
Jean-Yves Paillé
Les nouveaux anticancéreux promettent des mois, voire des années de vie supplémentaires.

De grandes promesses et quelques déceptions ? Les nouveaux anticancéreux promettent des mois, voire des années de vie supplémentaires. Mais des études soulignent que les résultats avancés dans les essais cliniques ne correspondant pas toujours à l'efficacité réelle du traitement utilisé après son lancement sur le marché.

Lors des tests cliniques, les anticancéreux sont administrés à des populations non représentatives, ce qui conduit à surestimer leurs résultats sur la population globale prenant le traitement, rapportait fin novembre JAMA oncology, revue de l'Association médicale américaine, qui fait autorité en oncologie. La revue ne remet toutefois pas en cause l'efficacité de ces traitements: "Bien sûr des anticancéreux montrent de grands bénéfices."

Pourquoi de telles différences ? A cause du choix des patients dans les essais cliniques, notamment. La publication rappelle qu'aux Etats-Unis, les personnes atteintes d"un cancer sont 60% à avoir plus de 65 ans, 46% de plus de 70 ans, et 31% à dépasser les 75 ans. Or dans les essais cliniques menés dans le cancer entre 2007 et 2010, 33% seulement avaient plus de 65 ans, et 10% plus de 75 ans.

Et plus un patient est âgé, plus il est susceptible de faire face à des effets indésirables grave, lorsqu'il reçoit des anticancéreux. Il est donc plus susceptible de recevoir des doses différentes, et un traitement pris différemment est moins efficace. Cela peut même aller jusqu'à l'arrêt de la prise du traitement, même si le produit est efficace contre le cancer.

Trois mois contre plus de dix dans une étude clinique

En 2008, l'oncologiste Hanna K. Sanoff citait l'exemple du Sorafenib (contre le cancer du rein, entre autres): 10,7 mois de durée de vie supplémentaire médiane, tel était le résultat mis en avant par les essais cliniques.  Mais en s'intéressant aux performances de la molécule à travers des données du National Institutes of Health, la médiane tombait à trois mois. Les patients concernés étant souvent plus vieux et aussi plus malades que ceux de l'étude.

Egalement, un rapport publié à l'occasion du Gastrointestinal Cancers Symposium 2016 évoquait des différences profondes entre les études cliniques sur l'adénocarcinome pancréatique (cancer du pancréas) et les résultats des molécules suite à l'autorisation de leur utilisation sur le marché. Et ce à cause notamment de troubles associés à la maladie que l'on ne retrouvait pas forcément chez les patients lors des essais cliniques.

Des essais cliniques trop courts ?

En 2008, des scientifiques italiens du Mario Negri Institute for Pharmacological Research  (Milan) pointaient un autre problème. Ils considéraient que les bénéfices des anticancéreux étaient potentiellement exagérés car les essais cliniques étaient stoppés trop tôt. Et ce, avant qu'un possible impact sur le long terme des médicaments ne soit connu, en termes d'effets secondaires ou d'efficacité.

Pour cette étude, ils se sont penchés sur 25 essais cliniques. Parmi les molécules étudiées figurent des blockbusters comme le Herceptin et le Avastin, deux traitements phares de Roche, générant plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires. Selon eux, une étude clinique durait 30 mois en moyenne, alors qu'il faudrait des années pour connaître les impacts réels. Pas forcément simple, lorsqu'il s'agit de malades dont l'espérance de vie est souvent faible. Et peu rentable quand un brevet dure 20 ans, mais est déposé à partir de la découverte de la molécule. Le médicament est protégé une dizaine d'années en moyenne, selon le Leem (la Fédération des industires du médicament).

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 4
à écrit le 10/12/2016 à 8:16
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Il y a une imbécilité primaire à la base de tout cela : un brevet industriel ou pharmaceutique qui a demandé des mois d'étude est protégé 20 ans alors qu'on accord des droits d'auteur pour 70 ans et plus sur des billevesées

à écrit le 09/12/2016 à 18:42
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La plupart des essais sont arrangés pour assurer la rentabilité des recherches. On présente des produits miracles qui ne le sont pas ou alors leur nocivité est telle qu'elle est cachée. Ainsi, lorsque par le passé des animaux faisaient les frais des ...

à écrit le 09/12/2016 à 17:55
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Il faut se souvenir que "vivre est une maladie mortelle". J'admets que c'est plus facile à écrire quand on n'est pas malade, mais tout bien portant n'est-il pas "un malade qui s'ignore?"et il y a tellement d'autres possibilités de mourir que le cance...

à écrit le 09/12/2016 à 15:25
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La recherche doit être publique, lier la santé des gens aux intérêts des actionnaires est tout simplement lamentable.

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