Essais cliniques et Alzheimer : "Nous faisons face à quelques blocages"

Lors des Assises de la recherche contre la maladie d'Alzheimer, des professionnels de santé, dont Michel Clanet, Président du Comité de suivi du plan maladies neurodégénératives 2014-2019, ont évoqué la frilosité des autorités de santé françaises pour accepter des essais cliniques intégrant des personnes susceptibles de développer la pathologie. Le monde scientifique penche vers des diagnostics très précoces pour parvenir un jour à soigner cette maladie.
Jean-Yves Paillé
900.000 personnes souffrent de la maladie d'Alzheimer en en France

Après de multiples échecs, les essais cliniques dans la recherche d'un traitement efficace contre la maladie d'Alzheimer sont de plus en plus nombreux à chercher à s'attaquer la pathologie en amont. "Du côté des pays anglo-saxons, on se lance dans des essais cliniques pour trouver un médicament contre la maladie avec des personnes recrutées ne présentant aucun symptôme. Il y a une forte probabilité que ces dernières développent la maladie d'ici cinq à dix ans", expose Philippe Amouyel, directeur général de la Fondation de coopération scientifique Plan Alzheimer et professeur d'épidémiologie, à l'occasion des Assises de la recherche sur la maladie, organisée par la Fondation Médéric Alzheimer, mardi 7 mars.

Dans ces pays, les laboratoires et les institutions de santé s'intéressent notamment au cas de transmission héréditaire de la maladie d'Alzheimer (il représente 1,5 à 2% des cas). Les mutations génétiques à l'origine de la maladie peuvent être aujourd'hui identifiées, il est donc possible de repérer les personnes ayant le plus de chance de développer la pathologie. Le laboratoire américain Eli Lilly a travaillé avec ce type de patients dans le cadre d'un essai clinique. Ce genre d'initiative pourrait représenter une "opportunité pour prévenir la pathologie", selon le National institutes of health, une institution de santé, rattachée au Département américain de la santé.

En France, ce type d'étude clinique est mal intégré par les autorités de santé.

"Nous faisons face à quelques blocages. Nous n'avons pas le droit de faire ces études-là", déplore Michel Clanet, Président du Comité de suivi du plan maladies neurodégénératives 2014-2019 et professeur de neurologie.

Pour Philippe Amouyel également,"faire des essais cliniques sur des patients qui ne sont pas encore diagnostiqués de la maladie est très compliqué voire irréalisable".

"Les raisons réglementaires qui justifient cela mériteraient plus de transparence, et un effort collectif de réflexion sur ces aspects", fait encore valoir Michel Clanet. Ce dernier remettra bientôt les conclusions du plan maladies neuro-dégénératives à Marisol Touraine, avec une partie dédiée à ce sujet-là.

L'importance d'un diagnostic précoce

Pourtant, si les connaissances sur la maladie d'Alzheimer sont loin d'être complètes, les scientifiques s'accordent sur un point : une des clés pour guérir la pathologie est d'établir un diagnostic précoce, pour traite la maladie le plus tôt possible.

Car si les symptômes sont avancés, il semble trop tard pour revenir en arrière. "Aujourd'hui, les échecs de certains essais s'expliquent par des diagnostics tardifs, avec une maladie à un stage léger ou modéré. L'état du cerveau est tel, que même si on stoppait la maladie, la résilience ou la guérison seraient difficiles, car le cerveau est déjà touché", analyse Philippe Amouyel. Cette maladie, qui touche 900.000 personnes en France, peut s'exprimer 15-20 ans avant l'apparition des symptômes.

Des problèmes éthiques

Intégrer une personne dans des essais cliniques alors qu'elle ne développe pas (encore) la maladie soulève toutefois des problèmes d'éthique. Ainsi, Hervé Chneiweiss, président du Comité d'éthique de l'Inserm expliquait en septembre 2016 dans le numéro 4 de la revue Les cahiers de l'espace éthique: "Les risques sont moins acceptables dans le contexte d'une maladie potentielle que dans celui d'une maladie avérée".

La solution viendra peut-être de la science, et pourrait pousser les autorités à intégrer de nouveaux types d'essais cliniques. Toujours selon Hervé Chneiweiss, "nous avons besoin de marqueurs d'évolutivité du processus biologique dans le but de rendre les essais rationnels". En clair, avoir des éléments permettant d'identifier plus sûrement les prémices de la maladie, avant qu'elle soit irréversible.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 4
à écrit le 08/03/2017 à 9:01
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Continuer de parler d'Une maladie (d'Alzheimer) pour un ensemble de maladies neuro-dégénératives est un non-sens.. On sait très bien qu'il existe de nombreux gènes impliqués dans le devenir des patients, y compris des gènes mitochondiaux..

à écrit le 08/03/2017 à 8:24
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UN des grands problèmes de ce pays : sa frilosité maladive dans tous les domaines aggravé par une étouffante bureaucratie jamais remise en cause !

à écrit le 07/03/2017 à 21:58
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"repérer les personnes ayant le plus de chance de développer la pathologie." voire "le plus de risque de développer" Espérons qu'on trouvera un jour comment ça commence, ça serait plus utile que stabiliser sans pouvoir réparer les dégâts.

à écrit le 07/03/2017 à 16:03
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Disons que tant que l'euthanasie ne sera pas autorisée il est évident que la logique voulant l'autorisation des cobayes est difficile à imposer sémantiquement. Vous n'avez pas le droit de décider de mourir ! Par contre vous avez le droit de "déci...

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