Financement de la Sécu : l'industrie pharmaceutique déçue par Macron

Par Jean-Yves Paillé  |   |  820  mots
Le Leem espèrait "une régulation économique inscrite dans le temps de long" pour le PLFSS 2018.
Le Leem déplore les efforts demandés aux laboratoires pharmaceutiques dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, efforts qu'il juge comparables à ceux demandés sous la présidence de François Hollande.

Un jour après la présentation du projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS 2018), le Leem (qui représente le lobby pharmaceutique) est monté au créneau, dénonçant le nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2018) et les efforts demandés à l'industrie du médicament.

"Si on prend les blocs de régulation sur les prix, c'est-à-dire la baisse de prix, les sommes dégagées avec les radiations sur les listes en sus [dispositif de financement hors budget hospitalier, Ndlr], les économies sur les Autorisations temporaires d'utilisation, les biosimilaires [copies de biomédicaments permettant de faire des économies par rapport au traitement original, Ndlr], on obtient un PLFSS avec une charge record pesant sur l'industrie pharmaceutique", précise à La Tribune Patrick Errard, président de l'organisation professionnelle des entreprises du médicament

Le Leem chiffre les économies directes (baisse de prix, remises,..) à 1 milliard d'euros "un montant supérieur à celui de l'année précédente", et les économies indirectes (baisses de prescriptions, maîtrise des volumes,...) à 500 millions d'euros.

Selon le lobby pharmaceutique, ce chiffre de 1,5 milliard d'euros pourrait être plus élevé, car l'organisation a comparé ce qu'elle jugeait "comparable" au projet de finance précédent.

"La lisibilité du projet 2018 est complexe. Il y a plusieurs lignes cachées sur les économies concernant le médicament", avance Patrick Errard. "Les baisses de prix de génériques et les volumes de génériques sont sur la même ligne. il est difficile d'analyser cela, par exemple. J'ai demandé au rapporteur général du PLFSS que le Parlement se saisisse de la lisibilité des efforts demandés."

Mêmes critiques que sous Hollande

Les critiques de l'organisation restent identiques à celles formulées quasiment chaque année sous l'ère François Hollande.

"On représente 15% à 16% de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie,, et on contribue depuis la sixième année consécutive à hauteur de plus de 1 milliard d'économies. Cela pose un problème pour la compétitivité du secteur", lance Patrick Errard.

La fédération des industries du médicament déplore depuis plusieurs années une  croissance faible et parfois négative sur les ventes de médicaments en France, dont elle juge le PLFSS largement responsable. Selon son bilan économique annuel, son chiffre d'affaires total a crû de 2,2% dans l'Hexagone, contre 1% l'année précédente. Entre 2011 et 2013, son chiffre d'affaires avait légèrement décru.

Des promesses de Macron non tenues, selon le Leem

Au-delà des mesures en elles-mêmes, le lobby pharmaceutique espérait un PLFSS 2018 radicalement différent du précédent. Un espoir nourrit par les propos enthousiastes d'Emmanuel Macron sur le soutien aux industries innovantes.

"C'est le pari qui avait été fait dans le programme d'Emmannuel Macron. Il avait inscrit la relance économique à partir de l'industrie de l'innovation, et donc celle du médicament notamment, comme pivot de la dynamique retrouvée de la croissance, de l'excellence française, de l'emploi. On s'y était inscrit de façon optimiste", rappelle Patrick Errard.

Le président du Leem estime que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale visant des économies record de 4,165 milliards d'euros, s'explique par le choix du président de la République de maintenir son objectif de ne pas dépasser les 3% de déficit annuel, pour se conformer aux critères de Maastricht.

Le lobby pharmaceutique y croit encore

Le lobby pharmaceutique garde espoir, et croit encore en Emmanuel Macron. Le Leem espère que ce "PLFSS ne soit qu'un PLFSS de transition", et attend "la mise en œuvre de réformes structurelles".

Si les objectifs du  PLFSS 2018 sont tenus, le déficit de la branche maladie de la sécurité sociale passera à 800 millions d'euros, a annoncé Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé. Pour le Leem, cela doit être l'occasion la prochaine fois de passer à "une régulation inscrite dans le temps de long" et en finir "avec "les coups de rabot", espère Patrick Errard. "On ne permet pas aux structures de l'impact positif de l'innovation actuellement", ajoute-t-il. En clair, la fédération du médicament veut que les système de santé français prenne mieux en compte ce que les traitements innovants peuvent faire économiser à la société. Par exemple, un patient guéri de l'hépatite C n'engendre plus les coûts réguliers de suivi par les établissements de soin lorsqu'il était malade, et ce dernier ne prend plus de traitement à vie.

Cette volonté du Leem de changer de système de santé est également soutenue par certains fabricants de dispositifs médicaux. Medtronic, géant mondial du secteur, a cofondé un think tank pour porter cette revendication. Appelé "Cercle valeur santé", il entend réfléchir à une réorganisation des modes de financement.