Genomic Vision veut devenir un "contrôleur qualité" de l'édition du génome

La société française veut devenir un référent dans le secteur de l'édition du génome, technique consistant à découper un gène défectueux pour le remplacer par un autre. Genomic Vision veut apporter son expertise pour aider les sociétés à mieux utiliser cette technique. Si l'édition génomique suscite beaucoup d'espoir dans le domaine thérapeutique, son application sur l'homme n'est pas encore d'actualité et suscite beaucoup de critiques.
Jean-Yves Paillé
Genomic Vision va également commercialiser des plateformes de peignage moléculaires automatisées à destination de laboratoires, universités et autres biotechs.

Un Français, acteur indispensable dans le secteur de la manipulation du génome dans le futur ? Genomic Vision est connu pour être spécialiste du peignage moléculaire (technique qui permet de déposer de façon linéaire des molécules individuelles d'ADN sur une lame de verre), du développement des tests pour le marché du diagnostic et des outils pour les laboratoires de recherche. Mais la société française va encore se diversifier.

Elle prévoit notamment d'utiliser son expertise pour devenir un contrôleur qualité de l'édition génomique dans les années à venir. Une technique consistant à couper une partie de l'ADN et remplacer le ou les gènes qui font défaut par un autre gène, ou le modifier.

L'édition génomique peut amener de nouvelles approches thérapeutiques, par exemple en apportant de nouvelles solutions contre la dégénérescence maculaire, ou encore la dystrophie musculaire, pour laquelle la technique améliorerait les fonctions musculaires, explique ainsi la revue Science.

"Avec sa technologie, Genomic Vision va mettre sur le marché un outil de contrôle qualité de ce que ces sociétés font dans l'édition du génome. Ces dernières produisent des ciseaux (moléculaires, NDLR) censés couper de façon précise à l'endroit du gène qu''elles vont enlever pour en insérer un nouveau. Elles auront besoin de notre cartographie de l'ADN pour déterminer à quel point elles coupent dans la bonne ou la mauvaise région. Ces sociétés auront ainsi la possibilité d'améliorer leurs ciseaux moléculaires, explique à La Tribune Aaron Bensimon, ancien de l'Institut Pasteur inventeur du peignage moléculaire et patron de Genomic Vision.

Un marché qui se développe aux Etats-Unis

Plusieurs sociétés se sont lancées dans le marché de l'édition génomique, principalement aux Etats-Unis, avec la technique du CRISPR-Cas9. Une méthode  "simple, rapide et bon marché", selon le CNRS. La mutation souhaitée sur une souris peut survenir au bout de deux mois pour quelques milliers d'euros, contre près d'un an pour l'ancienne technique.

"C'est certainement l'innovation majeure du XXIe siècle en biotechnologie", selon Jean-Stéphane Joly, directeur de recherche à l'Institut des neurosciences Paris-Saclay, dont les propos sont rapportés par le journal du CNRS.

Les sociétés spécialisées dans l'édition du génome ont attiré plus d'un milliard de dollars de capital-risque depuis 2013, selon le BCG. Parmi les entreprises phares outre-Atlantique figurent Intellia, Poseida ou encore Editas. Elles espèrent pouvoir effectuer des essais sur les hommes en 2017, rapporte Bloomberg. Editas est cotée à plus de 910 millions de dollars en Bourse au Nasdaq.

"Le domaine est en pleine explosion aux Etats-Unis", s'enthousiasme Aaron Bensimon. A termes, "la FDA (autorité de régulation américaine, NDLR) va devoir se prononcer pour autoriser ou non ces sociétés à éditer le génome humain dans un but thérapeutique, et l'objectif est que l'autorité américaine se fie à notre expertise", précise-t-il.

Des risques faibles mais existants

Mais l'édition du génome, porteur de grands espoirs au niveau thérapeutique, suscite des doutes chez certains investisseurs. Le 9 mars, Editas avait perdu 26% de sa valeur, en raison d'inquiétudes sur  l'utilisation de sa technologie dans le futur.

Par ailleurs, l'édition du génome fait polémique. Une partie du monde scientifique soulève le problème éthique et les risques de cette technique qui touche au patrimoine génétique de l'humanité. A Washington en décembre, lors d'un meeting organisé par l'Académie nationale des sciences, un groupe international de scientifiques avait appelé à un moratoire sur le sujet. Ils estiment qu'il serait "irresponsable de procéder" avant que les risques d'une telle méthode soient mieux évalués et avant qu'"il y ait un consensus social sur l'opportunité de l'édition du génome".

"Il suffirait que le CRISPR-Cas9 modifie une séquence qui ressemble beaucoup à celle que l'on cible pour déclencher une catastrophe. Comme si, par erreur, il découpait un gène suppresseur de tumeur par exemple", prévient Frédéric Causeret chercheur en neurosciences.

Pour l'instant, seule la Chine a osé expérimenter cette technique de correction d'ADN à Canton, sur des embryons humains, à deux reprises, rapporte le magazine scientifique Nature.

   Lire aussi >> Manipulation du génome, vers une humanité 2.0

Jean-Yves Paillé

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