Hépatite C : pourquoi Gilead ne s'inquiète pas des attaques contre le brevet du Sovaldi

L'Office européen des brevets a retoqué le brevet d'origine du sofosbuvir, molécule permettant à Gilead de générer près 19 milliards de dollars de revenus annuels, pouvant la faire tomber dans le domaine public plus rapidement. Mais le laboratoire américain avait préparé la parade en lançant des traitements améliorés contre l'hépatite C. Il vise aussi d'autres relais de croissance à l'avenir.
Jean-Yves Paillé
Gilead s'est dit "satisfait que (son) brevet n'ait pas été révoqué", et n'a pas exposé d'éventuelles conséquences à la décision de l'Office européen des brevets.

Médecins sans frontière a failli crier victoire. L'ONG a contesté le brevet accordé au laboratoire Gilead pour son sofosbuvir, une molécule capable de guérir l'hépatite C. Elle a obtenu en partie gain de cause puisque l'Office européen des brevets (OEB) a retoqué le brevet de Gilead, mercredi 5 octobre. "Le brevet d'origine du sofosbuvir n'a pas été maintenu, mais ses composants restent "brevetés", a annoncé l'OEB. Selon le site spécialisé StatNews, le brevet de Gilead pourrait ainsi tomber dans le domaine public quatre ans plus tôt que prévu en Europe, c'est-à-dire vers 2025.

Pourtant, cette décision n'a pas ému les investisseurs de la biotech américaine. L'action en Bourse de Gilead grimpait même de 0,43% à la clôture du Nasdaq le 5 octobre. Gilead lui-même a réagi sobrement, se disant "satisfait que (son) brevet n'ait pas été révoqué", et n'a pas exposé d'éventuelles conséquences.

Des traitements utilisant des molécules dont le brevet n'est pas menacé

Plusieurs explications à cela. Tout d'abord, les traitements de Gilead lancés sur le marché après le Sovaldi contre l'hépatite C n'utilisent pas seulement le sofosbuvir. Le Harvoni associe le sofosbuvir au lédipasvir, une molécule du laboratoire américain. Censé être plus efficace en réduisant la durée du traitement, le médicament génère désormais la majorité des revenus de Gilead dans cette aire thérapeutique. Si le brevet du sofosbuvir est potentiellement menacé en Europe, ce n'est pas le cas de l'autre molécule.

En outre, le groupe espère lancer un nouveau traitement plus efficace, associant le sofosbuvir au velpatasvir, actuellement en phase III, et bénéficiant d'une procédure accélérée lancée par la FDA, l'Agence sanitaire américaine.

"Notre stratégie est de rendre nos médicaments obsolètes avant que nos concurrents le fassent à notre place", avançait ainsi à La Tribune Michel Joly, président de la filiale française du laboratoire Gilead.

Il faut dire que Gilead s'est déjà habitué à la concurrence sur ce domaine thérapeutique. Plusieurs laboratoires pharmaceutiques, dont Abbvie, ont lancé des produits capables de guérir l'hépatite C. Ce dernier a mis sur le marché le Viekirax et le Exviera. Profitant de cette concurrence, le gouvernement français prévoyait déjà au printemps de renégocier le prix du Sovaldi à la baisse avec le laboratoire Gilead. "Cette renégociation en cours, elle est plus que jamais d'actualité", a simplement réagi la ministre de la Santé. Elle n'a pas évoqué de baisse de prix drastique pour le Sovaldi, dont le traitement a été fixé à plus de 42.000 euros au départ. Le président de Gilead France assurait en outre à La Tribune que le coût des traitements ont "été divisés par 2 en France, et bientôt ce sera par 3".

Des pics de ventes déjà atteints pour les traitements contre l'hépatite C

Par ailleurs, Gilead semble déjà avoir atteint son pic de revenus dans les traitements contre l'hépatite C. Le Harvoni et le Sovaldi ont généré 19 milliards de dollars de revenus en 2015, dont environ 80% rien qu'aux Etats-Unis, où le brevet n'a pas été retoqué. Au premier semestre 2016, ses ventes étaient en recul de près d'environ 20% dans ce domaine.

Ainsi, Gilead cherche un nouveau relais de croissance après l'hépatite C. Il mise entre autres sur le Truvada, dont les ventes ont grimpé de 11% au deuxième trimestre à 942 millions de dollars. Le traitement est amené à générer un chiffre d'affaires plus important encore car il a obtenu un feu vert de l'Union européenne au titre d'une utilisation préventive contre le sida, alors que ce médicament est déjà utilisé pour traiter la maladie.

Enfin, la biotech américaine dispose de plusieurs molécules en phase III (dernière phase d'essais cliniques avant un éventuel lancement sur le marché) en oncologie. Gilead travaille également sur des molécules contre l'hépatite B, espérant développer un traitement curatif et contre le VIH.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 2
à écrit le 06/04/2019 à 13:52
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Quand j'ai découvert que j'avais l'hépatite C, un génotype et une cirrhose du foie, j'étais engourdi. Je ne savais pas quoi faire ni où aller parce que le traitement était coûteux, mon médecin m'a demandé 700 $ pour une bouteille de sofosbuvir sovald...

à écrit le 06/10/2016 à 22:22
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"Il mise entre autres sur le Truvada, dont les ventes ont grimpé de 11% au deuxième trimestre à 942 milliards de dollars." 942 milliards de dollars cela me parait beaucoup !

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