L'échec du meilleur espoir contre Alzheimer va-t-il décourager les labos pharmaceutiques ?

La principale stratégie thérapeutique contre la maladie neurodégénérative est remise en question après l'échec d'Eli Lilly dans une importante étude clinique de phase III. Et peu d'alternatives crédibles existent.
Jean-Yves Paillé
47,5 millions de personnes dans le monde sont atteintes de démence, et la maladie d'Alzheimer est impliquée dans 60% à 70% des cas, d'après l'OMS.

Un sacré revers pour un laboratoire qui a dépensé plus de 3 milliards de dollars dans la recherche contre la maladie d'Alzheimer en près de 30 ans. Un important test clinique de phase III (dernière étape avant un lancement potentiel sur le marché) mené par le Eli Lilly s'est soldé par un échec. Le solanezumab n'a pas ralenti significativement le déclin cognitif de plusieurs malades d'Alzheimer, comparé aux patient ayant reçu un placebo, annonce un communiqué publié mercredi 23 novembre.

Conséquence, le laboratoire "ne poursuivra pas la demande d'approbation auprès des régulateurs en vue d'une mise sur le marché pour le solanezumab", et réfléchit à l'avenir du traitement candidat. Le laboratoire étasunien promet toutefois de continuer à chercher un médicament contre la maladie neurodégénérative avec "d'autres approches" (Eli Lilly dispose d'une molécule en phase II, trois autres en phase I). Il assure en outre avoir "de fortes perspectives de croissance sans le solanezumab". Néanmoins, Eli Lilly a prévu 150 millions d'euros de charges exceptionnelles pour le 4e trimestre. Et les investisseurs n'ont pas été convaincus par ce communiqué lénifiant: l'action du laboratoire américain a plongé de 10,51% au Dow Jones, mercredi23 novembre.

Et par effet de ricochet, Biogen, 22e laboratoire mondial en termes de chiffre d'affaires, a également plongé de 3,83% au Nasdaq. Ce dernier planche sur un traitement, l'aducanumab, également en phase III, suivant la même stratégie thérapeutique que le solanezumab.

Une "déception"

Cet échec sonne comme un choc pour les associations de lutte contre la maladie. L'Alzheimer Association, une organisation américaine instigatrice de la plus importante conférence mondiale annuelle sur la maladie, a fait part de sa "déception" suite à l'échec de l'essai clinique d'Eli Lilly. L'organisation juge que la piste du solanzumab et d'autres agents anti-amyloïde doit continuer à être explorée, estimant qu'à un stade plus précoce de la maladie, ces médicaments peuvent faire leurs preuves. Pour rappel, plus la maladie peut-être diagnostiquée tôt, plus efficaces les traitements peuvent être efficaces.

Selon les spécialistes de la question, les deux laboratoires pharmaceutiques sortaient  du lot. La stratégie thérapeutique de l'anti-Amyloïde promettait de ralentir la progression de la maladie d'Alzheimer -les traitements actuels ne s'attaquent qu'aux symptômes de la maladie- et donc l'évolution des troubles (les déficits cognitifs, tels que les problèmes de mémoire et de concentration). Ce traitement développe des anticorps monoclonaux s'attaquant aux protéines amyloïde, un facteur responsable de la maladie d'Alzheimer, d'après la revue scientifique The Nature.

Des laboratoires de moins en moins investis

L'Association Alzheimer estime en outre qu'il  existe de "nombreuses opportunités pour tenter de trouver des traitements contre la maladie d'Alzheimer". Mais est-ce vraiment le cas ?

D'après les chiffres de clinicaltrial.gov, un site américain recensant les essais cliniques en cours, 24 agents anti-Alzheimer étaient en phase III en août. Mais seuls 17 s'attaquent vraiment à la maladie. Et 76% d'entre eux sont des anti-amyloïdes, comme les médicaments candidats de Biogen et Eli Lilly, ce qui réduit déjà le nombre de traitements alternatifs potentiellement efficaces à un stade avancé.

Quid des essais cliniques à un stade plus précoce ? Si en phase II, 45 agents sont développés, on n'en compte que 24 en phase I. En général, du fait du taux d'échec plus important aux stades d'essais cliniques plus précoces, les molécules en phase I sont  bien plus nombreuses que celles des phases II et III. La tendance semble donc montrer un engagement plus faible des laboratoires pharmaceutiques ces dernières années. "Avec la montée des coûts des essais cliniques, les labos pharmaceutiques se sont mis en recul dans ce domaine thérapeutique", explique à La Tribune Marie Sarazin, professeur de Neurologie à l'Université Paris Descartes et responsable de l'Unité de Neurologie du centre hospitalier de Saint-Anne.

Il faut dire que jusqu'à aujourd'hui, aucun traitement efficace s'attaquant directement à la maladie n'est arrivé sur le marché: 123 développements de molécules ont été arrêtés entre 1998 et 2014, dont des traitements prometteurs développés par Pfizer et Johnson & Johnson en 2012.

Une autre piste

Si la principale piste thérapeutique risque d'être abandonnée, un désengagement total des labos pharmaceutiques n'est pas d'actualité. Le traitement anti-tau est la principale alternative à la stratégie basée sur l'anti-amyloïde. Il est censé empêché l'agrégation de protéines tau dans le cerveau, accusé de provoquer des dégénérescence neuronale et qui pourrait être à l'origine de la maladie d'Alzheimer.

Cette stratégie thérapeutique intéresse AbbVie, Bristol-Myers Squibb ou encore Merck & Co (ces derniers ont des traitements candidats en phase I). Autre piste: détecter la maladie très tôt avec l'amélioration des diagnostics, et le développement des immunothérapies pourrait amener dans les années à venir à l'émergence d'une médecine de précision, expliquait à la Tribune Arnaud Laferté, expert EY Sciences du vivant.

Mais, il n'est pas certains que cela suffise à dissiper les inquiétudes de nombreux scientifiques déplorant les nombreux abandons ou ralentissement des recherches dans cette maladie qui touche plus de 30 millions de personnes dans le monde (47,5 millions de personnes dans le monde sont atteintes de démences, et la maladie d'Alzheimer est impliquée dans 60 à 70% des cas).

Jean-Yves Paillé

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 25/11/2016 à 14:32
Signaler
Les dépots amyloides sont produit par des bactéries. C'est connu pour la syphilis depuis près d'un siècle. Cela a été formellement démontré par Miklossy : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15894409 La plaque d'Alzheimer est composé de biofilm b...

à écrit le 25/11/2016 à 12:33
Signaler
Les médicaments focalisés sur Alzheimer commercialisés en france sont aussi inutiles que dangereux. Ils n'aident en rien la personne atteinte, ne sont que des placebos sans la moindre efficacité et sont ultra-toxiques, entraînant entre autres des gra...

le 25/11/2016 à 23:48
Signaler
N allez-vous pas trop loin dans vos propos? Peut-etre faites-vous partie des antis vaccins .........qui ont sauve des centaines de millions de gens

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.