La biotech lyonnaise Adocia adopte une nouvelle stratégie pour changer de dimension

La société spécialisée dans le développement d'insulines nouvelle génération développera désormais ses molécules en phase clinique très avancés. Une stratégie onéreuse et risquée, mal reçue en Bourse, mais qui peut s'avérer payante.
Jean-Yves Paillé
Adocia est valorisée à plus de 300 millions d'euros en Bourse.
Adocia est valorisée à plus de 300 millions d'euros en Bourse. (Crédits : DR)

Gagner en maturité et se diriger vers un développement très avancé de ses molécules. Telle est la nouvelle ligne annoncée par la biotech lyonnaise Adocia, jeudi 19 janvier. La société biopharmaceutique promet désormais de pousser la R et D de ses traitements "jusqu'aux essais cliniques de phase III" (dernière étape avant un lancement sur le marché de ses produits).

La société, spécialisée dans le développement de nouvelles formulations de protéines thérapeutiques dédiées à l'amélioration du traitement du diabète, ne compte pas lancer elle-même ses produits thérapeutiques le marché, comme prévoit de le faire par exemple DBV Technologies. Mais Adocia juge qu'aller plus loin dans les essais cliniques lui permettrait de vendre plus facilement et plus cher les licences de ses produits à de gros industriels de la santé.

Une stratégie risquée

Le choix stratégique de la société montre sa volonté de grandir et de se diriger vers un modèle économique plus ambitieux. Adocia compte ainsi prendre à sa charge des coûts plus élevés induits par des essais avancés plus coûteux, en raison du nombre de patients notamment : 20 à 100 pour les essais de phase I, plusieurs centaines de personnes pour la phase II, 300 à 3.000 pour la phase III. Mais aussi en raison de la durée des essais : quelques mois en phase d'essais précoces et jusqu'à plusieurs années pour la dernière étape. Selon l'Assistant secretary for planning and evaluation (ASPE), un organisme rattaché au Département américain de la santé, une phase I coûterait quelques millions d'euros en moyenne, une phase II plus de 10 millions d'euros et une phase III jusqu'à plusieurs dizaines de millions d'euros.

C'est donc un pari risqué, car un échec à un stade clinique plus avancé coûterait très cher à Adocia, mais une réussite lui rapporterait beaucoup, et lui permettrait de mettre en avant des produits thérapeutiques quasiment prêt à être lancés sur le marché.

Pour tenir cette nouvelle stratégie, Adocia prévoit de réaliser une levée de fonds "par voie de placement privé". Elle dispose actuellement de 58 millions d'euros de trésorerie.

Besoin de passer par le capital-risque

La nouvelle stratégie d'Adocia ne convainc pas les investisseurs pour le moment. La société, valorisée à plus de 300 millions d'euros en Bourse, plongeait de plus de 10%, jeudi en début d'après-midi.

En sanctionnant Adocia en Bourse, les investisseurs estiment que le pari sera difficile à tenir. Il faut dire que si aujourd'hui les biotechs parviennent à trouver des fonds d'amorçages auprès de BPI France, notamment, elles éprouvent des difficultés à attirer le capital-risque pour aller plus loin dans les essais cliniques. Sur les 1,6 milliard d'euros levés en 2015 (deux fois plus qu'en 2014), seuls 14% du cash proviennent d'investissements en capital-risque. "A partir de la phase III, cela coûte trop cher", relevait Maryvonne Hiance, présidente de France Biotech et également vice-présidente de la biotech OSE Immunotherapeutics, lors d'une conférence de presse fin 2016.

Des partenariats de poids

Pour espérer convaincre et lever des fonds, Adocia peut toutefois s'appuyer sur ses récents succès. Notamment son partenariat avec Eli Lilly, géant pharmaceutique américain spécialisé dans le diabète. En 2014, Adocia lui avait cédé une de ses technologies, l'insuline BioChaperone avec à la clef plus de 500 millions de dollars de recettes potentielles pour la biotech lyonnaise. Elle a actuellement reçu 60 millions de dollars du laboratoire américain Eli Lilly.

Autre succès : Adocia est à l'origine du développement d'insuline glargine dernière génération pour Novo Nordisk, ayant contribué à la fabrication du Victoza.

Par ailleurs, la société lyonnaise travaille sur trois autres projets qui devraient entrer en étude clinique cette année. L'un d'un pourrait changer la vie des diabétiques en donnant lieu à la création d'un pancréas artificiel. Il s'agit d'"un système automatique qui présenterait une sécurité accrue contre le risque d'hypoglycémie et un meilleur contrôle de la glycémie pour les patients". Les produits d'Adocia figureront peut-être un jour figurer parmi les produits nouvelle génération attendus sur le marché dans quelques années...

Jean-Yves Paillé

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