Le lobby pharmaceutique brandit la menace d'un accès moins rapide aux nouveaux médicaments

Le Leem craint qu'un article du PLFSS 2017 remette en cause le système des autorisations temporaires d'utilisation (ATU), un mécanisme permettant à des traitements d'être disponibles plus précocement, ce qui représente un enjeu financier important pour les laboratoires pharmaceutiques. Le lobby a lancé une plateforme politique destinée à influencer les candidats à la présidentielle 2017.
Jean-Yves Paillé
La France risque de "décrocher du concert des nations innovantes", juge Jérôme Bouyer, président de la commission des affaires scientifiques du syndicat professionnel, et patron d'Abbvie France.

Très actif ces derniers mois, en vue de l'élection présidentielle 2017, le Leem (principal lobby pharmaceutique français) monte une nouvelle fois au créneau. Avec dans son panier ses sempiternelles inquiétudes sur le déclassement du secteur pharmaceutique en France par rapport aux autres puissances européennes et mondiales. Mais cette fois-ci, le Leem formule également des propositions à l'attention des candidats à la présidence de la République. Le lobby pharmaceutique a annoncé le lancement d'une plateforme politique, lundi 12 décembre, lors d'une conférence de presse, dévoilant un "pacte de mandature" qu'il soumettra à chaque candidat.

Un plafond qui ne passe pas

La plateforme comprend trois axe majeurs : renforcer la cohérence entre les objectifs de politique industrielle et les politiques de régulation, "réconcilier la maîtrise des dépenses de santé et l'attractivité industrielle" et rendre les médicaments accessibles sur le marché plus rapidement et plus efficacement.

Ce dernier enjeu est partiellement remis en cause par une mesure inscrite dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (le PLFSS 2017 a été adopté en lecture définitive par l'Assemblée nationale il y a une semaine), juge le Leem. Jérôme Bouyer, président de la commission des affaires scientifiques du syndicat professionnel, mais également patron d'Abbvie France, s'attaque à l'article 51. Ce dernier fixe un plafond de l'indemnité à 10.000 euros par an et par patient pour les médicaments bénéficiant d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU). En clair, le laboratoire doit payer la différence au-delà de cette somme, excepté "si le chiffre d'affaires hors taxe du médicament est inférieur à 30 millions d'euros" en France.

Cela "poussera les laboratoires à faire des rabais" et "défie" le mécanisme de l'ATU, déplore Jérôme Bouyer Ils estime qu'avec ce plafond et les "longs" délais français pour l'accès aux marché des médicaments (408 jours, contre 180 jours fixés par les directives européennes, avance le Leem) la France risque de "décrocher du concert des nations innovantes" et "voir les patients privés d'un accès précoce aux innovations thérapeutiques".

Plusieurs dizaines de milliers d'euros de coûts par patients

Pour rappel, lorsqu'un médicament bénéficie d'une ATU, il est mis sur le marché avant que son prix soit fixé par le Comité économique des produits de santé (CEPS). Le prix est fixé par le laboratoire. Ce dernier doit ensuite rembourser la différence des prix fixés au moment de l'ATU pour chaque patient, lorsque son médicament obtient une Autorisation de mise sur le marché. Le statut d'ATU peut durer 7 mois pour un médicament.

On a pu voir qu'avec l'arrivée des nouveaux anticancéreux ou d'autres médicaments dits "innovants", le coût par patient et par an pouvait s'élever à plusieurs dizaines de milliers d'euros par patient et par an. Exemple marquant : le Sovaldi, un traitement curatif de l'hépatite C, dont le prix a été fixé à 56.000 euros en 2014, pour être baissé à 41.000 euros à la fin de l'ATU.

L'accès rapide au marché, un mantra des labos

Le Leem explique implicitement que les labos pharmaceutiques pourraient se désintéresser des ATU, à cause d'un prix qui serait jugé trop bas. Le médicament arriverait ainsi plus tard sur le marché. Ce qui est loin d'arranger les affaires des entreprises du médicament.

L'accès rapide des médicaments au marché est l'un des principaux chevaux de bataille des labos pharmaceutiques. Plus un médicament arrive tôt sur le marché, plus l'exclusivité de ce dernier (grâce à la protection du brevet) est longue et, plus largement, induit des ventes plus importantes.

Elargir les autorisations temporaires d'utilisation des médicaments

Le Leem réclame des "réformes structurelles" pour que le scénario noir qu'il dépeint n'arrive pas. Notamment; "un recentrage des systèmes d'ATU et de RTU sur leur objectif d'accès sécurisé aux nouvelles indications non encore validée par une AMM". La Fédération des entreprises du médicament demande ainsi en pointillé l'élargissement du dispositif d'Autorisation temporaire d'utilisation à plus de nouveaux médicaments.

Et pour certains médicaments qui ne sont réglementairement pas concernés par les ATU, ils réclament de nouveaux mécanismes afin de pouvoir les proposer plus précocement. Pour renforcer l'utilisation précoce de ces nouveaux médicament, le Leem préconise enfin une anticipation de leur arrivée, et un accompagnement lors de leur mise sur le marché pour "piloter les adaptations nécessaires de l'organisation des soins".

A la question : "Quel candidat porte le mieux ces desiderata de l'industrie des médicament ?", le lobby préfère ne pas répondre. "Il est facile de voir quel homme politique est le plus proche de nos revendication", souffle Patrick Errard, président de la Fédération des entreprises du médicament, renvoyant vers un comparateur de programmes crée par l'organisation.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 2
à écrit le 08/08/2017 à 18:38
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Il s'agit de l'article 97 et non 51.

à écrit le 13/12/2016 à 9:21
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""Il est facile de voir quel homme politique est le plus proche de nos revendication"," Démocratie ? Non hypocrisie.

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