Samsung a-t-il les moyens de devenir un leader dans l'industrie des médicaments ?

Le groupe coréen prévoit de lever 1,82 milliard d'euros en Bourse pour accélérer dans la production de biomédicaments et notamment de biosimilaires, des copies de médicaments générant des milliards d'euros de revenus annuels. Mais Samsung, qui veut devenir un leader dans ce secteur, fait face à des obstacles majeurs.
Jean-Yves Paillé
Samsung Bioepis a déjà soumis cinq biosimilaires à l'Agence européenne des médicaments.

Samsung, qui connait des difficultés avec son dernier smartphone, le Galaxy Note 7, et fait face à la concurrence des Huawei et autres Xiaomi, accélère dans ses activités moins traditionnelles, en particulier la santé.

Le groupe coréen a annoncé mardi 4 octobre qu'il compte lever 1,82 milliard d'euros avec l'introduction en Bourse de Samsung Biologics, sa filiale dédiée à la conception de biomédicaments. En parallèle, Samsung Electronics vendra 5,5 millions de ses titres. Si Samsung Biologics atteint son objectif, cette transaction représentera la troisième plus grande entrée en Bourse de l'histoire de la Corée du Sud. Et Samsung Biologics sera valorisé à plus de 8 milliards de dollars (7,15 milliards d'euros).

La plus grande usine de production de biomédicaments

Le géant coréen veut devenir le numéro 1 dans la fabrication de biomédicaments. En 2011, le groupe annonçait un investissement de 18 milliards d'euros dans la santé et l'énergie sur les dix ans à venir. Entre 2011 et 2015, le Coréen a injecté 2,74 milliards de dollars dans Samsung Biologics, alors que la société a fini légèrement dans le rouge l'année dernière avec une perte nette de 75,7 milliards de wons (67 millions de dollars), comme le rapporte l'AFP.

Le groupe a donc besoin d'argent frais pour accroître sa production de biomédicament. Outre de nouveaux investissements dans deux usines existantes, Samsung va ouvrir une troisième usine, annoncée comme la plus grande au monde dans la conception de biomédicaments. Celle-ci devrait être inaugurée au quatrième trimestre 2018.

Outre son partenariat avec Roche depuis 2013 pour fabriquer une partie des biomédicaments du Suisse, le groupe nourrit une autre ambition: il veut devenir un leader dans la vente de  biosimilaires (copies de médicaments issus des biotechnologies), avec Samsung Bioepis, un joint-venture association le Coréen à la biotech Biogen.

Des milliards de revenus potentiels

La filiale de Samsung développe aujourd'hui treize biosimilaires, dont six ont un potentiel de revenus énorme (plusieurs milliards d'euros de revenus annuels générés par les médicaments de marque). Ils concernent les trois domaines les plus investis par l'industrie pharmaceutique: l'immunologie, le diabète, et l'oncologie. Les usines du groupe coréen seront mobilisées dans la fabrication de ses molécules

Parmi ces molécules, Samsung développe notamment un biosimilaire de l'Herceptin, un anticancéreux de Roche ayant généré 5,9 milliards d'euros de revenus en 2015. Il a annoncé mardi 4 octobre avoir soumis cette copie à approbation pour le marché européen. Le brevet de l'Herceptin est tombé en 2014 en Europe et entrera dans le domaine public en 2019 aux Etats-Unis.

Le groupe coréen mise également sur un médicament avec les effets de l'Humira (une molécule contre la Polyarthrite rhumatoïde ou encore la maladie de Crohn, conçu par Abbvie et enregistrant plus de 14 milliards de dollars de revenus en 2015), Ou encore un biosimilaire de l'insuline glargine Lantus, produit phare de Sanofi avec 6,39 milliards d'euros de revenus l'année dernière, et déjà tombé dans le domaine public.

Au total, Samsung Bioepis a déjà soumis cinq biosimilaires à L'Agence européenne des médicaments pour un potentiel lancement sur le marché. Deux copies de médicaments contre l'arthrite rhumatoïde ont été approuvés pour le moment. Et outre-Atlantique, Samsung Bioepis a soumis en mai son biosimilaire du Remicade (médicament contre la polyarthrite rhumatoïde, produit par Janssen Biologics, dont le brevet est tombé l'année dernière) aux États-Unis.

Une concurrence et une résistance féroce dans les biosimilaires

Samsung, du fait de son arrivée récente sur ce marché, n'a pas la puissance de feu en R et D d'une biotech ou d'un laboratoire pharmaceutique. Il a ainsi choisi de prendre des risques mesurés sur le marché du médicament. Les biosimilaires ont le vent en poupe : les payeurs soutiennent activement leur développement, car ces copies de médicaments issus de biotechnologies génèreront des économies de poids pour les systèmes de santé européens et américains (110 milliards de dollars attendus en 2020, selon IMS Health).

Mais le pari reste risqué. Si le développement d'un médicament coûte un peu plus d'un milliard de dollars, un biosimilaire représente entre 100 et 200 millions de dollars de dépenses, soit jusqu'à 200 fois plus qu'un générique classique en raison de la complexité, selon Deloitte. Shire, par exemple, a abandonné deux biosimilaires pour se recentrer sur les maladies rares.

Par ailleurs, alors qu'ils ne génèrent que quelques milliards de dollars de revenus aujourd'hui, les ventes de biosimilaires atteindront les 246 milliards de dollars d'ici à 2020. Mais le marché américain devrait capter les 4/5e des revenus, selon IMS Health. Or Samsung est en retard pour l'approbation de biosimilaires outre-Atlantique. Il fait notamment face aux velléités des laboratoires qui souhaitent défendre leurs brevets. À l'instar d'Abbvie engagé dans plusieurs batailles judiciaires pour empêcher le lancement des son Humira, et ce jusqu'en 2022. Ou encore, Samsung est en retard en ce qui concerne l'approbation de son biosimilaire du Lantus. Eli Lilly l'a précédé depuis plusieurs mois en commercialisant l'Abasaglar outre-Atlantique.

Enfin, plus généralement, la concurrence est féroce dans le secteur. Les plus gros laboratoires pharmaceutiques se lancent dans les biosimilaires, à l'image de Novartis de Pfizer, ou d'Amgen. Et pour le seul biosimilaire de l'Humira, Samsung fait face à une douzaine de sociétés.

Jean-Yves Paillé

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