Sous pression, les biotechs comptent de plus en plus sur la santé numérique

Les capitalisations boursières et les bénéfices des biotechs sont en baisse, leur chiffre d'affaires ne connait plus de croissance à deux chiffres. Ces dernières misent sur une amélioration maximale de l'efficience des dépenses consacrée à la R&D grâce au numérique et l’intelligence artificielle, selon une étude d'EY.
Jean-Yves Paillé
Les biotechs américaines et européennes ont dépensé 45,7 milliards de dollars en 2016 en R et D, soit 12% de plus qu'en 2015.

En 2016, le secteur des biotechnologies n'a pas renoué avec les performances au sommet de 2015. Le bénéfice net des biotechs américaines et européennes a plongé de 52% à 7,9 milliard de dollars, leur capitalisation boursière a reculé de 17%, et le chiffre d'affaires a augmenté de 7% "seulement" à 139,4 milliards de dollars, contre 13% en 2015, rapporte une étude du cabinet EY, publiée mardi 20 juin.

Pour le cabinet de conseil, cette performance en demi-teinte s'explique par la pression accrue des payeurs, aux Etats-Unis, qui cherchent à maîtriser leurs dépenses. Dans un tel contexte, les biotechs cherchent plus que jamais à rendre leurs investissements dans la R&D aussi efficients que possible. Dans ce domaine, les biotechs américaines et européennes ont dépensé 45,7 milliards de dollars en 2016 en R&D, soit 12% de plus qu'en 2015. "Toutes les biotechs cherchent à rationaliser leurs dépenses en R et D et le numérique est là pour les rendre plus efficientes", analyse Armelle Sérose, experte des sciences du vivant chez EY.

Le rapport indique un intérêt accru dans le numérique, sans préciser des dépenses dédiées, car difficiles à quantifier. Selon Armelle Sérose, la preuve de l'intérêt accru des biotechs pour le numérique se mesure avec "l'entrée de plus en plus d'acteurs de ces secteurs dans la santé qui proposent des solutions pour accompagner le développement des médicaments et des solutions médicales à destination des patients". Mais aussi "une multiplication des collaborations joint-venture entre biotechs et acteurs du numérique".

Et les biotechs ne comptent pas s'arrêter là : 70% d'entre elles prévoient de recourir aux fusions acquisitions pour développer leurs capacités dans le numérique dans les deux-trois années à venir, rapporte EY.

L'intelligence artificielle, un axe fort

L'intelligence artificiel est l'un des axes forts de ces biotechs. Avec des ordinateurs puissants et des algorithmes, les données sont analysées pour découvrir de nouveaux modèles, en clair des médicaments plus viables, plus efficients.  Avec en fonds, une sécurisation du cloud et du partage des données renforcée, qui encourage les biotechs à accélérer dans le numérique.

Cette accélération du numérique permet aussi de remettre au goût du jour des molécules découvertes il y a parfois plusieurs dizaines d'années, et tombées en désuétude. "Des essais cliniques n'ayant pas démontré le bénéfice d'une molécule sur une large population pourront être réitérés avec succès sur une population ciblée permettant de délivrer une autorisation de mise sur le marché dans un contexte médical plus ciblé", avance Armelle Sérose.

Par exemple, Benevolent AI, une société de technologie britannique qui propose son système d'intelligence artificielle pour mieux cibler les différentes maladies avec les molécules, propose également relancer des molécules découvertes il y a de nombreuses années pour les utiliser pour de nouvelles indications. Des biotechs se sont également lancées dans le "recyclage de molécules", à l'instar de l'entreprise française Pharnext. Elle recourt à cette stratégie afin de lancer des traitements contre la maladie de Charcot et la maladie d'Alzheimer. La société a d'ailleurs elle-même développé Pleotherapy, une plateforme de médecine prédictive, dont le fonctionnement se base sur des algorithmes analysant les effets potentiels d'associations de molécules.

Réduire les dépenses dédiées aux essais cliniques, enjeu majeur

Après la découverte des molécules, viennent les essais cliniques, qui représentent la part d'investissements la plus importante dans la R et D pour les biotechs. Le numérique est primordial pour mieux sélectionner les patients selon leur profil génomique et ce qu'on appelle les biomarqueurs (molécule ou cellule dont la présence ou la quantité abondante signifie un statut physiologique). Ces derniers permettent de déterminer à quel traitement un patient répond le mieux.

C'est aussi un plus pour éviter un taux d'échec très important, qui dépasse les 90%, pour les essais cliniques allant de la phase I à III, selon une étude de BIO (Biotechnology innovation organization), une association professionnelle de biotechnologies. C'est également une manière de réduire fortement les coûts des essais cliniques - plus d'un milliard de dollar en moyenne, selon les industriels du médicament-, en diminuant le nombre de patients, puisque ces derniers sont mieux ciblés par le traitement.

Des biotechs ont annoncé récemment des investissements pour améliorer l'efficience de leurs molécules, comme Blackthorn Therapeutics qui s'est associété en juin à la société de technologie Mindstrong Health qui analyse des bipmarqueurs du cerveau pouvant indiquer une pathologie. La biotech espère ainsi faire avancer son traitement contre les désordres neurologiques. Celui-c est actuellement en phase II.

Les biotechs recourant au numérique "s'adressent de plus en plus tôt aux autorités de santé"

En parallèle de cette accélération dans le numérique, les Agences européenne et américaines regardent de plus prêt la médecine personnalisée. Mais elles ne l'ont pas encore intégré officiellement dans les essais cliniques. Elles réfléchissent à un dépoussiérage des modèles d'essais cliniques. L'Agence européenne des médicaments a évoqué en mars lors d'un atelier l'importance de mener des réflexions pour adapter les essais cliniques et évaluer les médicaments en fonction de la médecine personnalisée. La FDA a quant elle publié un document guide pour les traitements personnalisés en vue d'essais cliniques. et un autre sur l'utilisation des données sur le génome des patients.

Même si elles n'ont pas intégré officiellement la médecine personnalisée dans les essais cliniques, les Agences s'adaptent, estime Armelle Sérose:

"Les biotechs s'adressent de plus en plus tôt aux autorités de santé pour les associer au développement de leurs solutions innovantes intégrant l'exploitation des big data et du numérique. Ces dernières travaillent de plus en plus en partenariat avec les biotechs pour faire évoluer la réglementation et l'adapter à ces solutions innovantes."

Jean-Yves Paillé

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