Vers des rationnements de médicaments au Royaume-Uni

Par Jean-Yves Paillé  |   |  596  mots
Le déficit du système de santé britannique pourrait ,grimper à 30 milliards de livres d'ici à 2020.
20% des nouveaux médicaments, dont des anticancéreux, pourraient être accessible moins rapidement aux patients, suite à une règle de contrainte budgétaire fixée par la NHS. Le système d'Assurance maladie britannique est en proie à d'importantes difficultés financières.

Les Britanniques vont-ils connaître de plus en plus de difficultés pour accéder aux nouveaux traitements ? C'est ce qu'estime une analyse conduite par l'industrie pharmaceutique et la National Institute For Health and Care Excellence (NICE), l'agence chargée de fixer le prix du médicament, une institution rattachée au gouvernement britannique. Le rapport explique que 20% des nouveaux médicaments nouvellement approuvés au Royaume-Uni pourraient être rationnés, soit une douzaine de médicaments par an, selon le Times, qui a eu accès à l'étude.

En effet, la NHS (l'Assurance maladie britannique), aura la possibilité à partir d'avril d'accroître le délais pour rendre disponibles les médicaments récemment approuvés, dont le coût annuel global dépasse les 20 millions de livres (23 millions d'euros) pour le système de santé. L'institution pourra imposer de nouvelles restrictions sur l'éligibilité des patients aux nouveaux traitements, afin de mieux contrôler ses budgets.  En clair, les patients feraient face à des délais plus importants pour accéder à certains anticancéreux, antidiabétiques, ou encore des traitements contre l'asthme. Parmi les molécules visés, des médicaments vendus par Roche, Johnson & Johnson, ou encore Merck & Co.

Le rationnement n'est pas une première : la NHS a déjà restreint l'accès des traitements contre l'hépatite C chronique à 10.000 patients par an, alors qu'environ 160.000 britanniques en souffrent. Mais avec ces nouvelles règles, cette politique pourrait se démocratiser.

Des associations alarmistes

Les acteurs des institutions et associations de lutte contre le cancer sont montées aux créneaux suite à ces annonces. Phillip Anderson, membre du Prostate Cancer UK, n'y va pas par quatre chemin et évoque une "catastrophe" et un risque pour les patients gravement malades de devoir attendre des traitements importants. Delyth Morgan, à la tête de Breast Cancer Now, voit des mesures qui entraineront de graves "problèmes dans l'accès aux médicaments contre le cancer au Royaume-Uni".

Le lobby pharmaceutique local s'inquiète également : "un cap de 20 millions de livres par médicament est irréaliste", s'est exclamé Mike Thompson chef de l'ABPI.

Dans son plan, la NHS veut rassurer et promet de ne pas mener de politique à l'aveugle. Elle précise se donner le droit de négocier avec les laboratoires pour des médicaments qui dépassent les 20 millions de livres en coût global annuel et assure que ce n'est "pas nécessairement" le montant maximum que la NHS dépenserait par médicament en un an, comme le rapporte le site spécialisé Fierce Pharma.

Quel avenir pour la NHS ?

Pour le moment, Theresa May n'a ni évoqué de coupes, ni de rallonge budgétaire pour l'Assurance maladie britannique. Elle a toutefois admis que la "NHS est sous pression financière". Mais elle a également  estimé en janvier que, contrairement à d'autres budgets, celui de la NHS s'est vu octroyer "plus d'argent qu'il n'en demandait" pour son plan quinquennal, soit 10 milliards de livres au lieu de 8 de dépenses additionnelles, pour  2014-15 à 2020-21, après plusieurs années de coupes budgétaires. Simon Stevens lui a rétorqué que les 10 milliards de livres étaient valables pour six ans et non cinq.

Ce dernier se plaint régulièrement d'une institution sérieusement sous-financée. Il faut dire que le déficit de la NHS a grimpé ces dernières années, faisant face à une "hausse de la demande et des coupes budgétaires". Une double pression susceptible de faire grimper le déficit du système de santé britannique à 30 milliards de livres d'ici à 2020.