Essence, gazole : à qui profite la hausse ?

La hausse du baril et la baisse de l'euro poussent les prix des carburants à la pompe à des niveaux proches de leurs records historiques. Le groupe pétrolier français a enregistré l'année dernière un bénéfice net en hausse de 32% . Avec la TVA, l'État, lui, profite de la hausse du brut.
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D'un côté, des prix des carburants proches de leurs records historiques, de l'autre, un groupe pétrolier qui affiche des bénéfices qui devraient dépasser les 10 milliards d'euros pour 2010. Pour Total, qui publie ses résultats annuels vendredi, le scénario est connu, c'est "l'hallali"...

Les paramètres de la hausse sont pourtant connus et hors de portée de la major française. Le prix du baril de brent, produit en mer du Nord, tutoie actuellement les 100 dollars. La baisse de l'euro par rapport au dollar renchérit les achats de brut, libellés dans la monnaie américaine. Conséquence : malgré un baril très éloigné de son record absolu de 147 dollars atteint en juillet 2008, le sans-plomb 95 se vendait mi-janvier dans les pompes françaises à seulement trois centimes de son record historique, à 1,46 euro le litre. Le gazole (80 % des volumes vendus en France), à près de 1,30 euro le litre, n'avait plus été aussi cher depuis octobre 2008, mais restait sensiblement en deçà de son record historique de fin mai 2008, de 1,45 euro. "Si l'on prend une personne qui effectue 50 km/jour en moyenne pour se rendre à son travail en consommant 7 litres de SP95 aux 100 km, son seul budget carburant atteindra 150 euros tous les mois, (soit) 10 % du revenu médian", calcule l'association de défenses des consommateurs CLCV.

Qui profite de la situation ? Les pétroliers bien sûr, avec leur amont, en extrayant et en vendant leurs hydrocarbures à des prix liés à ceux des marchés. Mais la situation est nettement moins rose dans l'aval pétrolier. Le raffinage européen se débat avec des problèmes structurels de surcapacités et de marges faibles qui dépendent peu de la valeur absolue du baril (schématiquement, les marges reflètent la différence entre le prix d'achat du brut et les ventes de produits raffinés). En France, les distributeurs sont plutôt moins gourmands que dans le reste de l'Europe, conséquence du poids de la grande distribution. Selon le ministère de l'Écologie, les marges de transport-distribution se situaient en 2010 à 9 centimes d'euro par litre de gazole (contre une moyenne de 11 centimes en Europe).

Mais un autre acteur profite de cette situation : l'État. Les taxes représentent 50 % d'un litre de gazole vendu 1,284 euro, plus pour l'essence. La TIPP, le gros morceau de ces taxes, n'est pas liée au prix du brut, et ses recettes (25 milliards d'euros environ par an) ont baissé ces trois dernières années, conséquence de la baisse de la consommation d'essence. Mais la TVA, qui s'ajoute à la TIPP, augmente mécaniquement avec la hausse des carburants. En 2007, l'État avait collecté 8,6 milliards d'euros de TVA sur les hydrocarbures. En 2008, année de tous les records, les recettes atteignaient 10,25 milliards.

Les raffineries, parents pauvres de l'industrie pétrolière

Les bénéfices annoncés ce vendredi par Total seront en hausse sensible mais, une fois de plus, le raffinage devrait peser sur ces résultats. L'an dernier, on s'en souvient, le groupe pétrolier avait mis politiques et syndicats en émoi en confirmant vouloir fermer sa raffinerie de Dunkerque. Une fermeture, finalement autorisée en octobre après des mois de bagarre judiciaire et de grèves, qui devait aider à réduire les surcapacités du raffinage européen. Tout comme celles programmées sur le Vieux Continent par d'autres raffineurs : à Reichstett, en Alsace, par le suisse Petroplus ; à Cremona, en Italie, par le libyen Tamoil ; ou à Hambourg, en Allemagne, par l'anglo-néerlandais Shell.

Un an plus tard, néanmoins, les industriels du pétrole tirent à nouveau la sonnette d'alarme. Ils continuent d'évoquer de fortes surcapacités qui laminent leurs marges. Le prérapport sur l'industrie du raffinage, issu de la table ronde organisée l'an dernier par le gouvernement, chiffre à deux ou trois, sur un total de onze, le nombre de raffineries françaises susceptibles de fermer dans les dix à vingt ans à venir.

Un cri d'alarme difficile à comprendre pour les automobilistes qui voient grimper un peu plus la facture chaque fois qu'ils font le plein. En un an, pourtant, les prix du pétrole se sont fortement redressés, de 22 % en 2010 pour le baril de brent de la mer du Nord et encore de 9 % en janvier. Or, en 2008, l'envolée du prix du baril s'était accompagnée d'une hausse substantielle des marges brutes de raffinage, portées en Europe à 39 euros la tonne, contre 32 euros l'année précédente et 12 à 17 euros sur la période 1995-1999. Avec la crise, ces marges sont tombées à 15 euros la tonne en 2009. L'an dernier, selon les chiffres dévoilés voilà une semaine par l'Union française des industries pétrolières (Ufip), elles se sont un peu redressées, à 21 euros par tonne en moyenne. Mais en janvier 2011, elles ont lourdement rechuté, à 5 euros par tonne !

Comment expliquer ce yo-yo incompréhensible ? Il faut d'abord revenir à la définition de ces fameuses marges. Les pétroliers la calculent en faisant la différence entre les prix de vente des divers produits issus d'une tonne de brut raffiné (essence, gazole, fioul, kérosène) et le coût d'achat de cette même tonne de pétrole. Si les produits raffinés se vendent mal, une hausse du baril en dollars n'entraîne donc pas forcément une amélioration des marges.

En Europe, l'envolée actuelle du baril se conjugue à celle de l'euro vis-à-vis du dollar et l'augmentation des prix à la pompe qui en résulte subit souvent un petit effet retard. Même si l'automobiliste a souvent l'impression du contraire ! De plus, les produits issus des raffineries françaises sont mal adaptés à la consommation du pays. En 2010, l'Hexagone a produit 16,9 millions de tonnes de gazole, selon l'Ufip, mais les Français en ont consommé le double ! Pour l'essence, c'est l'inverse. La production française atteint 12,8 millions de tonnes, pour une consommation de 8,2 millions seulement. Qui plus est, le seul produit pétrolier dont la consommation a progressé l'an dernier est justement le gazole (+ 2,1 %), alors que tous les autres ont reculé, de 6,2 % pour le super, de 4,5 % pour le carburant d'avion et de 5,3 % pour le fioul domestique. Enfin les pétroliers peinent un peu plus désormais à exporter leurs surplus. Avant la crise, les États-Unis, beaucoup moins adeptes du diesel que l'Europe, achetaient notre essence excédentaire et nous expédiaient leur gazole. Mais ils ont appris, depuis, à économiser le carburant.

L'inadaptation de nos raffineries à la « diesélisation » de notre parc automobile, soulignée depuis des années par les experts, s'aggrave donc. Et les pétroliers rechignent à investir pour modifier leurs raffineries afin de rééquilibrer leurs productions. Surtout, répètent-ils ces derniers temps, avec des marges tombées à 5 euros la tonne et des contraintes environnementales de plus en plus coûteuses.

La spirale infernale est donc enclenchée : le manque d'investissements dans les années fastes a rendu les usines françaises inadaptées et fait chuter leur rentabilité. Avec ces marges riquiqui, les pétroliers préfèrent arrêter leurs raffineries. D'autant que des sites flambant neufs vont bientôt démarrer dans nombre de pays d'Asie ou des pourtours de la Méditerranée. Dans des pays où la consommation pétrolière explose. Mais à une portée de navire seulement de nos côtes.

Le biodiesel au colza n'est pas rentable

En incorporer ou pas ? Pour les groupes pétroliers, la question du biodiesel tourne aujourd'hui au casse-tête dans l'opaque filière du biodiesel. « Mieux vaut éviter, même avec les avantages fiscaux et en payant l'amende. Cela n'est pas rentable : le Diester est trois fois plus cher ! » assure un acteur de la filière. L'objectif gouvernemental d'incorporation de 7 % de biodiesel, ou Diester, au diesel classique, n'a déjà pas été atteint en 2010 alors que le colza était bon marché : le biodiesel a représenté 6,43 % du diesel vendu. Certains se seront donc acquittés d'une amende. Et en 2011, l'amende calculée en fonction des volumes vendus par les pétroliers, selon une formule complexe, n'est pas dissuasive.

Principal ingrédient du carburant vert puisque l'Europe en impose 40 % dans tout litre de biodiesel, le colza s'est envolé ces derniers temps alors que le gazole grimpait doucement. Sur le marché à terme du Nyse Liffe, le colza a touché en janvier un plus-haut historique, soit 519,50 euros par tonne. La raison de cet envol renvoie à la sécheresse en Russie : la production de colza en Ukraine et en Russie a été fortement endommagée, et la récolte a également été décevante en Europe centrale. Le colza européen, dont 60 % sont aujourd'hui mis dans les réservoirs des voitures, ne suffit plus à satisfaire aux objectifs d'incorporation. « On va importer 500.000 tonnes d'Australie et, encore, cela ne suffira pas à terminer la campagne », assure un trader de céréales.

Les producteurs de Diester, dont le principal est Sofiprotéol en France, ont donc des marges très réduites. Et tentent d'optimiser leurs coûts en ayant recours à d'autres ingrédients. « Le colza est tellement cher qu'on incorpore d'autres huiles, dont des graisses animales, ou du soja raffiné qui est plus accessible avec le recul du dollar », assure le président du courtier en huiles Baillon-Intercor, Antoine de Gasquet. Si la logique économique ne plaide pas en faveur du Diester, les grands pétroliers, pour des questions d'image, devraient continuer à l'incorporer.

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Commentaires 11
à écrit le 01/03/2011 à 19:22
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trop facile les parisien qui dise pas grave que ca augmente on n a cas prendre le bus et on pollus moins c est l essentiel. vous etes des hypocrites qui ne pensait qu a vous car nous les campagnard qui habitons en province on n a pas le choix appart ...

à écrit le 26/02/2011 à 12:15
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L 'etat ne sera pas si gagnant? car si je prend mon cas. Au 1er juin,si mon budget carburant ( travail,sortie ) est entamé. Annulation des vacances cet été tout simplement.

à écrit le 26/02/2011 à 9:54
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à propos des bio carburants : Certains experts nous prédisent une nouvelle crise alimentaire sur Terre pour bientôt. Aurons-nous assez de productions agricoles pour nourrir tout le monde ? Alors est-il logique de monopoliser tout cet espace pour prod...

à écrit le 26/02/2011 à 9:11
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Spéculation pétrolière Le marché papier comprend deux marchés : le marché des futures et le marché des OTC (des gré à gré, en anglais: Over The Counter). Sur ce marché "s'échangent des intentions d'achat ou de vente futures à un prix immédiatement...

le 18/04/2011 à 19:28
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Très docte mais pas bien nouveau ! le probleme se pose de façon beaucoup plus prosaïque; tout le monde se déplace et il n'y a pas d'alternative au pétrole. C'est donc tellement facile de faire monter le marché, c'est presque un squeeze ! Que la voit...

à écrit le 26/02/2011 à 9:07
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A chaque chose malheur est bon ! Cette période de grande révolution dans le monde, et ses conséquences matérielles sur nos vies, c'est une nouvelle alerte. Il faut saisir l'occasion de pour penser sérieusement à une nouvelle organisation de la vie su...

le 01/03/2011 à 19:27
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faisons un reve je viens a paris et tu prend ma place a la campagne . tu amene les enfants a l ecole a pied (8 km) le pain (5 km) et tu vas travaillé 36 km et apres tu me reecrit en disant faisons un reves qu on arrete de taxe les pauvre petit franca...

à écrit le 25/02/2011 à 21:05
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il faut faire quelque chose parce que a ce tarif du prix de l essence avec ( les taxe ) vive la france les vaches a lait ses nous vous tout ceux qui on besoin de leur voiture (a quand la revolte tous dans les rue bougez ou grevez en silencelo!!!!!...

le 17/03/2012 à 20:25
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et toi fait la greve en silence tu est le premier a ouvrir ta gueule

à écrit le 25/02/2011 à 19:02
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Si l'Etat s'en mettait moins dans les poches, le prix de l'essence ne serait pas à 1,50 ? le litre! Le prinicpal bénéficiare des hausses du pétrole brut, c'est l'Etat! En bref du vol institutionnel.

à écrit le 25/02/2011 à 16:43
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Super 98 : 1.519 Leclerc Châteaudun Super 98 : 1.51 Intermarché Châteaudun Il n'y pas d'entente parait-il ? Je n'ose pas donner le prix chez Total.

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