La Russie plein gaz sur l'Europe

Entré en service mardi, le gazoduc sous-marin reliant la Russie à l'Allemagne fournira à terme 55 milliards de mètres cubes de gaz par an à l'Union européenne. De quoi relancer les craintes qui pèsent sur l'indépendance énergétique de l'Europe vis-à-vis de la Russie.
La Tribune Infographie/BHEDOUIN

Loin des atermoiements sur la crise de la dette, l'Europe s'offrait une parenthèse mardi, au nord de l'Allemagne. L'endroit aurait pu rester inconnu du grand public si la petite ville de Lubmin n'était pas depuis ce jour-là le lieu d'arrivée d'un gazoduc unique en son genre : Nord Stream. Le gazoduc sous-marin le plus long du monde. À l'autre bout des 1.224 kilomètres, qui traversent la mer Baltique, Vyborg, ville d'acheminement du gaz russe et dorénavant l'un des deux points stratégiques de la nouvelle union énergétique entre la Russie et l'Europe.

Pour l'événement, Lubmin est vite sortie de l'anonymat. L'inauguration s'est faite en grande pompe. Angela Merkel, Dmitri Medvedev, François Fillon mais également Mark Rutte, le Premier ministre des Pays-Bas, ou encore Günther Oettinger, le commissaire européen à l'Énergie, ont fait le déplacement. Rien d'étonnant à cela. Le projet est collectif à l'image de l'actionnariat du consortium. Si la part du lion revient au géant russe Gazprom qui en détient 51 %, les groupes européens ne sont pas en reste avec les allemands E.ON (15,5 %) et Wintershall (15,5 %), le hollandais Gasunie (9 %) et GDF Suez (9 %). Leur intérêt est de taille. Lorsque la seconde tranche, à savoir un autre gazoduc identique courant en parallèle du premier, sera achevée au second semestre 2012, ce sont en tout 55 milliards de mètres cubes de gaz qui transiteront chaque année par cette nouvelle artère énergétique.

Une capacité importante qui doit répondre aux besoins croissants de l'Union européenne en matière de gaz. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la demande en gaz naturel, qui était de 536 milliards de mètres cubes en 2008, devrait atteindre 587 milliards en 2020 et 636 milliards en 2035. Des projections qui ne vont pas sans poser des questions sur l'indépendance énergétique de l'Europe, quand on sait, par ailleurs, qu'à cet horizon ses propres ressources essentiellement contenues en mer du Nord auront considérablement décru. En soi, Nord Stream a pour ambition d'assurer la sécurité énergétique européenne. Cela afin d'éviter un épisode similaire à celui de janvier 2009, quand l'Ukraine, en conflit ouvert avec la Russie, avait fermé le robinet gazier, plongeant l'Europe de l'Est dans le chaos en plein hiver. Mais il met surtout en lumière la dépendance grandissante de l'Europe vis-à-vis de son voisin russe. Ce pays compte actuellement pour 33 % des importations européennes de gaz naturel et est promis à peser toujours plus dans le panier énergétique européen. Surtout à l'heure où Gazprom entend mettre en place South Stream, un autre gazoduc passant cette fois par la mer Noire. Cette posture ne va pas sans soulever certaines questions. Soulignant que « la Russie joue un rôle stratégique pour l'approvisionnement énergétique de l'Union européenne », François Fillon précisait à Lubmin qu'inversement l'Europe est « le débouché énergétique majeur » de ce pays. Une façon de dire que chacun se tient réciproquement par ses intérêts.

 

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