Attaqué de toutes parts, Gazprom se rebiffe

Le géant d'Etat du gaz russe accuse la commission européenne de « faire pression pour baisser les prix ». Il s'en prend aussi aux producteurs indépendants russes en limitant leur accès à ses gazoducs
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Le ton n'a pas changé. Le numéro un mondial du gaz, dont 49% du capital appartiennent à des actionnaires privés, se place fermement sous l'aile du Kremlin pour déclarer que « les actions de la commission européenne envers Gazprom ne sont que des pressions dans le but d'obliger le groupe à baisser ses tarifs gaziers ». A l'occasion d'une conférence de presse mardi, le porte-parole de Gazprom Sergueï Kouprianov a affirmé qu'au cours de l'année dernière, la Commission Européenne n'a entrepris aucune négociation sur le sujet de la monopolisation. Dans la foulée, il a précisé que désormais, les rabais envers les compagnies gazières européennes ne se feront qu'avec l'accord de l'Etat russe.

Sociétés d'Etat stratégiques

Vladimir Poutine a signé mardi un oukaze obligeant les « sociétés d'Etat stratégiques » à soumettre leurs décision à l'exécutif russe en cas de différends avec des Etats ou des organisations étrangères ». Plusieurs gros clients européens de Gazprom (ENI, E.ON, GDF Suez entre autres) ont obtenu des rabais du géant russe ces derniers mois, tandis que d'autres clients menacent le groupe russe de poursuites devant des tribunaux d'arbitrage.

 

Amende potentielle de 10 milliards d'euros

La Commission Européenne a lancé une enquête début septembre contre Gazprom, qu'elle suspecte d'utiliser sa position dominante pour constituer un monopole dans la plupart des pays d'Europe centrale et de l'est. Bruxelles estime que Gazprom entrave la concurrence et enfreint la législation anti-monopole européenne. Avec à la clé une amende potentielle de 10 milliards d'euros.

 

Furieux, Gazprom réplique que ces gestes poussent le groupe à revoir sa stratégie à long terme et à rediriger ses priorités d'exportation vers l'Orient. Sergueï Kouprianov a déclaré que la direction de Gazprom pourrait bientôt prendre une décision pour accélérer le développement de gisements gaziers dans l'Extrême-Orient, à destination de ses clients asiatiques.

 

Trop grande dépendance envers l'Europe

Cette rhétorique n'est pas nouvelle. Gazprom, qui réalise 75% de ses bénéfices sur les exportations vers l'Occident, veut se défaire de sa trop grande dépendance envers l'Europe. Mais si les exportations de gaz naturel liquéfié vers le Japon ont déjà commencé, les deux projets de gazoducs vers la Chine n'ont pas avancé depuis une décennie. Pékin ne veut pas payer son gaz russe plus de 200 dollars les mille m3, tandis que Moscou ne veut pas vendre en dessous de 300 dollars. Les européens, eux, payent plus de 350 dollars.

 

Concurrence future du gaz de schiste américain

Or, la concurrence future du gaz de schiste américain, très bon marché, va globalement affaiblir la position de Gazprom dans les prochaines années. Comme si cela ne suffisait pas, Gazprom se trouve également sur la défensive au niveau domestique, alors que des groupes gaziers indépendants comme Novatek ou Itera grignotent ses parts de marché. Le géant d'Etat, qui conserve à la fois le monopole de l'exportation de gaz russe et celui du transport par gazoduc, a voulu frapper un grand coup lundi en annonçant qu'il cessait d'acheter du gaz aux producteurs indépendants « à cause d'une demande domestique instable ». Selon Gregori Birg, analyste chez Investcafe, les conséquences pour Novatek sont potentiellement terribles, car elles pourraient obliger le deuxième groupe gazier russe (dans lequel Total détient 15% du capital) à diminuer sa production d'un quart, avec à la clé un manque à gagner de 200 millions de dollars d'ici la fin de l'année. Novatek dispose toutefois d'appuis au sommet de l'Etat grâce à un actionnaire très proche de Vladimir Poutine. Gazprom choisit de crier de plus en plus fort, croyant masquer ainsi des ressources qui s'épuisent.


 

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Commentaire 1
à écrit le 18/02/2013 à 20:00
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Aussi longtemps que le gaz et le pétrole se trouvent dans le sous-sol russe Gazprom n'a rien à craindre. Les demandeurs ne peuvent pas imposer leur volonté; d'autant plus que l'état russe prend les décisions. J'ai toujours penser que l'on allait paye...

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