Rosneft-BP : tout comprendre au deal pétrolier de la décennie

En formant une alliance capitalistique avec le pétrolier d'Etat Rosneft, BP trouve enfin l'accès au pétrole de l'Arctique et renfloue ses caisses. Rosneft récupère de son côté le savoir-faire britannique et son réseau international, mais aussi une dette monumentale. Et devient le premier producteur mondial de pétrole
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Rosneft va donc débourser 42 milliards d?euros pour 100% TNK-BP, le troisième groupe pétrolier russe, qui était contrôlé jusqu?ici à parité par le britannique BP d?un côté et trois milliardaires russes regroupés dans le consortium AAR de l?autre. TNK-BP a été fondé en 2003 et est rapidement devenu l?un des groupes pétroliers privés russes les plus rentables, malgré de fréquents conflits d?orientation stratégique entre AAR et BP. Début 2011, le divorce prend une tournure irréversible quand BP choisit de s?allier ? déjà ? avec Rosneft pour explorer des gisements pétroliers arctiques. AAR fait échouer l?alliance, arguant que TNK-BP bataille avait priorité sur BP pour explorer l?Arctique avec Rosneft. Résultat : la paralysie stratégique au sommet de la société. Le milliardaire russe Mikhaïl Fridman déclare TNK-BP ingérable sur la base paritaire actuelle, Au début de l?été 2012, BP signifie son intention de vendre ses 50%. Très vite, Rosneft s'est imposé comme le seul acheteur.

L'issue d'une affaire complexe résumée ici en dix points :

 

1/ Une éminence grise incontournable de Poutine, Igor Setchine.  Le patron de Rosneft, a transformé ce qui était un tout petit pétrolier d?Etat en 2003 en un gigantesque groupe grâce à l?appui de son mentor Vladimir Poutine, dont il est le bras droit dans le secteur énergétique. Igor Setchine est réputé être le cerveau de « l?affaire Ioukos » qui a vu le groupe pétrolier de Mikhaïl Khodorkovski se faire phagocyter par Rosneft. Véritable éminence grise du Kremlin, Igor Setchine est souvent considéré comme la personnalité la plus influence de Russie après Vladimir Poutine

2/ Un nouveau leader mondial. Rosneft va devenir le premier groupe pétrolier mondial coté en terme de production avec 4,5 millions de barils par jour, loin devant les actuels leaders mondiaux Petrochina (2,4 mln b/j) et ExxonMobil (2,3 mln b/j). Rosneft est déjà leader mondial en terme de réserves de pétrole parmi les sociétés cotées en bourse.

3/ Rosneft fait d?une pierre trois coups importants dans cette transaction. Il acquiert une domination écrasante de la production domestique (presque la moitié des volumes russes de brut), un accès au savoir-faire de BP en matière d?exploration et d?exploitation offshore. Et surtout, grâce à son actionnaire stratégique BP, une stature internationale, alors que le groupe russe cherche à acquérir des gisements en Afrique et en Amérique Latine.

4/ BP reste en Russie. En scellant une alliance capitalistique avec Rosneft, le groupe britannique table sur un accès privilégié aux gisements de la zone Arctique, dont seuls les groupes d?Etat russes Rosneft et Gazprom détiennent les clés.

5/ Un deal qui demeure complex... Si AAR récupère 28 milliards de dollars en liquide, BP ne va de son côté recevoir « que » 17 milliards de dollars en liquide et monter à hauteur de 19,75% de Rosneft (en comptant les 1,25% déjà entre ses mains). La part de l?Etat russe dans Rosneft tombera de 75% à 55,25%.

6/ ...et déséquilibré. Les milliardaires d?AAR récupèrent 2 milliards de dollars de plus que BP alors qu?ils détiennent chacun 50% de TNK-BP. Toutefois, si l?accord de BP a déjà été validé par Vladimir Poutine, le régulateur russe n?a pas encore donné son feu vert pour la transaction avec AAR, et les milliardaires ne sont pas en position de force vis-à-vis d?Igor Setchine. Loin de là.

7/ Un financement aux contours flous. Rosneft affirme financer l?acquisition de TNK-BP grâce à ses propres ressources, ainsi qu?à travers des crédits bancaires. On sait que Rosneft table sur un crédit de 15 milliards de dollars.

 

8/ Un rebond en Bourse? Beaucoup d?experts prédisent un placement boursier d?une partie de TNK-BP ou de Rosneft lui-même pour réduire l?endettement du nouveau géant.

9/ La bataille politique n'est peut-être pas finie. L?aile libérale du gouvernement pourrait mettre des bâtons dans les roues d?Igor Setchine. Le vice-premier ministre en charge de l?énergie Arcadi Dvorkovitch s?est dans le passé prononcé contre l?acquisition d?un pétrolier privé par Rosneft.

10/ En attendant la privatisation? L?Etat pourrait encore réduire sa participation dans Rosneft jusqu?à 50% plus une action, afin de réaliser son programme de privatisations.


 

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Commentaires 2
à écrit le 23/10/2012 à 9:43
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Un lecteur pourrait-il m'expliquer ce qu'est un "deal" ? Je ne trouve pas ce mot dans un dictionnaire de la langue française. N'y aurait-il pas une traduction ?

le 23/10/2012 à 19:05
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Un accord, me semble-t-il.

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