"L'Arabie Saoudite n'a pas intérêt à voir le prix du pétrole monter"

Un prix du baril trop élevé inciterait les consommateurs à se détourner du pétrole au profit d'autres énergies. La crise en Irak n'est donc pas favorable à l'Arabie Saoudite, explique Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques Énergétiques, et directeur de la rédaction de Pétrole et Gaz Arabes.
Si on quitte la zone de prix optimale située entre 90 et 110 dollars le baril, l'Arabie Saoudite se réserve la possibilité d'intervenir pour stabiliser les prix, explique Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques Énergétiques, et directeur de la rédaction de Pétrole et Gaz Arabes. (Photo : Reuters)

L'avancée du mouvement djihadiste État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) dans le nord du pays inquiète fortement le marché pétrolier. Le Brent de la mer du Nord évoluait en effet à des niveaux proches de 115 dollars le baril vendredi matin. Dans le même temps, l'Arabie Saoudite a tenu à rassurer les investisseurs en promettant de compenser la production irakienne si celle-ci faisait défaut, afin d'endiguer la hausse des prix de l'or noir. Mais certains observateurs pensent que ces prix élevés sont dans l'intérêt du royaume. Ce n'est pas le cas de Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques Énergétiques, et directeur de la rédaction de Pétrole et Gaz Arabe, pour qui l'Arabie Saoudite est crédible.

L'Arabie Saoudite a annoncé qu'elle pourrait augmenter sa production pétrolière pour compenser un éventuel manque irakien et limiter la hausse du prix du baril. Mais en tant que pays producteur, cette hausse ne lui est-elle pas favorable ?

Il est vrai que l'on pourrait penser que la hausse profite aux pays producteurs, qu'ils soient membres de l'Opep ou pas. Mais ce serait n'avoir qu'une vision à court terme. A long terme, l'Arabie Saoudite n'a pas intérêt à une hausse des prix. Pour elle, des prix trop élevés signifient certes des recettes supplémentaires. Mais ils risquent aussi d'inciter les consommateurs à se détourner du pétrole pour s'intéresser aux énergies alternatives devenues de fait plus compétitives.

Pourtant des prix trop bas risquent de réduire sa manne d'autant…

Les Saoudiens disent qu'un baril à 100 dollars est idéal. Disons qu'ils sont satisfaits dans une fourchette allant de 90 à 110 dollars le baril. L'idée est de trouver un niveau qui sert les intérêts commun des pays producteurs, des compagnies pétrolières et des consommateurs. A 100 dollars, le niveau de rémunération est suffisamment important pour les pays producteurs, ainsi que pour les compagnies pétrolières qui peuvent dés lors envisager d'investir pour augmenter l'extraction. Si on quitte cette zone entre 90 et 100 dollars le baril, les Saoudiens se réservent le droit d'intervenir en augmentant ou en réduisant la production.

A-t-on une idée de quand elle pourrait intervenir ?

Déjà, ce n'est pas parce que l'Arabie Saoudite a dit qu'elle envisageait d'intervenir qu'elle va le faire. Sur le marché pétrolier, le verbe a son importance. L'Arabie Saoudite est considérée comme crédible, elle est écoutée par les pétroliers. Elle veut garder un effet de surprise et ne dira donc jamais à partir de quel prix du baril elle compte intervenir. Ce qui est sûr c'est que pour l'instant, les combats ont lieu au nord et au centre de l'Irak. La production est au sud et 100% des exportations passent par le golfe Persique. La hausse des prix n'est liée qu'à la crainte des investisseurs, et il s'agit juste pour le moment de les rassurer.

L'Arabie Saoudite est-elle capable de passer des paroles aux actes ?

Sans aucun doute. Elle est le seul pays producteur au monde qui maintient volontairement des capacités de production disponibles pour être en mesure de peser sur l'offre mondiale, et donc sur les prix. C'est d'ailleurs une stratégie très coûteuse. Les Saoudiens peuvent ainsi réagir dans un délai très court, de l'ordre de quelques semaines. Ils ont montré qu'ils en étaient capables chaque fois que l'équilibre des prix était menacé. C'est un secret d'État, mais on estime cette capacité inutilisée a plus de 2 millions de barils par jour.

>> Lire aussi Irak : Faut-il craindre un choc pétrolier ?

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Commentaires 2
à écrit le 01/07/2014 à 18:07
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De toutes façons, le prix du pétrole ne peut que grimper. La demande restera soutenue dans le monde, les réserves s'épuisent et ce ne sont pas les gaz et pétroles de schistes, ni l'extraction de plus en profonde dans les océans qui vont contribuer à ...

à écrit le 20/06/2014 à 15:22
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Les anglais ont intérêt à voir le prix du pétrole monter pour sauver leur économie, les américains aussi par certains côtés. Les anglais n'ont plus que 7/8 ans de ressources pétrolières, 15 si l'on compte les actifs de la Norvège qu'ils ont négociés....

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