Christophe de Margerie, l'essence du devoir

Le PDG de Total, décédé dans la nuit de lundi à mardi à 63 ans dans un accident d'avion en Russie, était un bâtisseur, mais aussi un patron atypique et provocateur, dont la truculence ne laissait personne indifférent. Si on le connaît surtout par son parcours remarquable à la tête de la première entreprise française par les bénéfices, et deuxième par la capitalisation boursière, qui était vraiment l'homme derrière Christophe de Margerie ?
Michel Cabirol
Le PDG de Total Christophe de Margerie est décédé dans la nuit de lundi à mardi à 63 ans dans un accident d'avion en Russie

Tant et tant de louanges... Vivant, Christophe de Margerie, le PDG de Total, aurait été quand même "vachement emmerdé" par ce déferlement de bons sentiments à son égard, parfois de la part de personnes qu'il avait, pour certaines, beaucoup agacées... En quelque sorte, des hommages et intérêts, aurait-il pu sourire. Car cet homme - l'un des patrons les plus puissants de France, à la tête du plus grand groupe français -, était à la fois d'une pudeur et d'une humanité extrême et un véritable agent provocateur.

Il savait jouer bien sûr de ces provocations, et souvent avec délice : ses moustaches pouvaient alors en frémir, et ce n'est pas par hasard qu'on le surnommait "Big Moustache". "Mon rêve, ce serait de payer plus d'impôts en France", avait-il par exemple asséné, frondeur, en début d'année devant les députés remontés contre Total alors que le pétrolier ne paie pas d'impôt en France en raison de ses activités déficitaires sur le sol hexagonal. Des provocations certes, mais jamais inutiles. "À chaque fois qu'un sujet émerge, on fait systématiquement une nouvelle loi. Merde, plus de lois ! On en crève !, s'emportait le patron de Total en novembre 2013. Contentons-nous d'utiliser les lois actuelles et de les faire appliquer. Tout le monde sera alors plus confiant."

Discuter avec tout le monde

Il aimait également avant tout avoir un bon contradicteur en face de lui. Et peu importe son statut social. Il était autant capable de s'enflammer avec sincérité - et sans aucun enjeu - devant des étudiants en école de journalisme étonnés de discuter le "bout de gras" avec ce patron si puissant, que de dire haut et fort, comme très peu de grands patrons le font, ce qu'il pensait de décisions de femmes et d'hommes politiques qu'il trouvait illogiques. "En France, le vrai problème, c'est l'État. 55 % du PIB est dans les mains de l'État qui, au passage, a du mal à le gérer, et on ne s'occupe pas de l'entreprise, on est encore à papa-maman, à demander à l'État qu'il s'occupe de nous !", avait-il expliqué en juillet 2013 aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence.

Le ministre des Finances, Michel Sapin, résume parfaitement le franc-parler et le style de Christophe de Margerie. "C'était vraiment un grand chef d'entreprise, mais, en même temps, c'était un grand personnage, je dirais presque une grande gueule, une capacité à dire fort, sans craindre de gêner, ce qu'il pensait à ceux à qui il parlait, quels que soient ceux à qui il parlait, chefs d'Etat, chefs d'entreprise ou responsables politiques français avec qui il savait parler franchement." Christophe de Margerie n'était donc pas de ceux qui sont forts avec les faibles, et faibles avec les puissants.

Un esprit libre, agitateur d'idées

Il aimait beaucoup aussi les journaux et les journalistes qu'il ne fuyait pas. Au contraire, ils aimaient débattre avec eux. "Les chefs d'entreprise ne communiquent pas suffisamment, constatait-il dans une interview accordée en mai à La Tribune. Ils n'expliquent pas assez. Difficile, après, de se plaindre quand on laisse les autres parler à sa place." Une proximité avec les journalistes qui lui a été parfois reprochée en interne, et qui faisait redoubler de vigilance les femmes et les hommes de la communication de Total qui l'entouraient pour le protéger de sa truculence légendaire - et qui lui étaient dévoués comme rarement avec un patron de cette envergure. Car, ce qu'il n'aimait pas du tout, mais vraiment pas, c'était l'approximation. "Un mot est un mot", rappelait-il souvent. Et de poursuivre : "Je corrige, je suis obligé."

Résumer Christophe de Margerie à ses bons mots serait lui faire injure. Car ce patron de Total, apprécié par les salariés de son groupe - cela va en surprendre plus d'un -, était avant tout un formidable agitateur d'idées, et ce, sans aucun tabou. Un esprit libre. Comme en témoigne ce qu'il avait déclaré en janvier lors du forum de Davos : "Ne le prenez pas comme une provocation, je pense que l'Europe devrait être reconsidérée comme un pays émergent", avait-il estimé devant la presse.

L'essence du devoir

Christophe de Margerie était arrivé en 2006 à la tête de Total, en tant que directeur général, dans un contexte terni par les ennuis judiciaires. Peu après sa nomination, il passe ainsi plus de 24 heures en garde à vue, menotté, sans ceinture et sans lunettes, dans le cadre d'une affaire de corruption avec l'Iran. Il s'est fait le défenseur inlassable, auprès de l'opinion et des politiques, d'une entreprise aussi puissante que contestée, et dont l'image a été assombrie au fil des ans par une succession de catastrophes et d'affaires : du naufrage de l'Erika, en 1999, à l'explosion de l'usine AZF, en 2001, en passant par l'affaire "pétrole contre nourriture" en Irak et des investissements très controversés en Birmanie.

Il assumait tout ce passé avec un certain panache. Et on peut dire ce qu'on veut de cet amateur de très bon scotch, mais il avait le sens du devoir (et même son essence...). Devoir envers Total, son entreprise (il est mort lundi soir en mission en Russie pour le compte du groupe), et à l'égard de son pays, la France qu'il aimait profondément.

Issu d'une grande famille, ce petit-fils de Pierre Taittinger, le fondateur du champagne éponyme, avait une certaine vision de la France. "Le patriotisme consiste à aimer son pays, à ne pas dire à tout bout de champ que la France est un pays de nuls, parce que ce n'est pas vrai, avait-il expliqué à La Tribune. Cela consiste à s'atteler aux choses à faire plutôt qu'à celles qui ne marchent pas. Voyez le monde politique, les partis entre eux, voire à l'intérieur de chaque parti, quelle image de patriotisme donnent-ils ? Vous croyez que le pays peut marcher ainsi ? Moi, je défends le gouvernement parce que c'est le gouvernement français, c'est tout. Pourquoi ? Parce que j'aimerais bien qu'il gagne, car s'il perd c'est la France qui perd ; pas parce qu'il est de gauche ou de droite".

Michel Cabirol

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Commentaires 44
à écrit le 23/10/2014 à 11:44
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les propos les plus scabreux ont été proférés par des élus d'extréme gauche et mélanchon qui l'avait trainé dansla boue avec ses propos haineux contre les entreprises doit se réjouir, lui le grand bourgeois qui vit dix fois mieux que nous aves ses 30...

le 23/10/2014 à 11:56
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je suis effectivement scandalisé par les propos totalement déplacés de certains élus gauchistes surtout vis à vis de la famille en ce moment, sachant que ce président était très apprécié par le personnel, ce qui évidemment est insupportable à ces idé...

à écrit le 23/10/2014 à 11:44
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les propos les plus scabreux ont été proférés par des élus d'extréme gauche et mélanchon qui l'avait trainé dansla boue avec ses propos haineux contre les entreprises doit se réjouir, lui le grand bourgeois qui vit dix fois mieux que nous aves ses 30...

à écrit le 23/10/2014 à 11:39
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conducteur de chasse neige ivre, stagiaire à la tour de controle.. ça sent un peu trop le scénario classique à la poutine qui ne recule devant rien....surtout si on le laisse faire comme en crimée...il a signé un énorme accord sur le nucléaire avec l...

à écrit le 22/10/2014 à 16:04
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Un grand patron qui aime la France et qui ne fait de french basing

le 22/10/2014 à 18:46
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à vot' santé… hic !

à écrit le 22/10/2014 à 12:27
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VRAI OU FAUX "ACCIDENT"? DE MARGERIE A T IL ETE VICTIME DE SA VOLONTÉ MANIFESTE DE BRISER L'ENCERCLEMENT ECONOMIQUE DÉCRÉTÉ CONTRE LA RUSSIE PAR LE NOUVEL ORDRE MONDIAL SOUS LE PRÉTEXTE DU SOUTIEN QU'ELLE APPORTE A LA PARTIE RUSSOPHONE DE L'UKRAINE ...

le 22/10/2014 à 12:58
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ils étaient пьян tout simplement !

à écrit le 22/10/2014 à 11:59
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Il trouvait l'état envahissant,mais sans l'état il n'était rien:protection d e l'armée si besoin a l'étranger,protection contre la concurrence en France.C'est pas beau de cracher dans la soupe qu'on déguste tous les jours

le 22/10/2014 à 13:43
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Affligeant!

le 22/10/2014 à 17:35
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Ce n'est pas parceque l'état protège qu'il doit se comporter comme papa maman abusif.

à écrit le 22/10/2014 à 10:48
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la première entreprise française par les bénéfices, et deuxième par la capitalisation boursière,et la dernière au niveau de l'imposition...

le 22/10/2014 à 12:08
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A 10:48 si vous travaillez au lieu de donner votre avis sur l'imposition de TOTAL?

à écrit le 22/10/2014 à 10:23
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Christophe de Margerie, l'essence du devoir.... ordinaire ou super ?

à écrit le 21/10/2014 à 22:57
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Cet accident tragique du PDG de TOTAL semble invraisemblable... Ne s'agirait-il pas d'une mise en scène provoquée car il dérangeait ? Affaire à suivre...

le 22/10/2014 à 8:33
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Il faut poser la question à la CIA, par exemple. L'oseriez-vous ?

le 22/10/2014 à 11:17
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@@Ariane 777 ...ou au Mossad ... ou au MI6... ou au FSB. Mais la question ne se pose pas puisque le pétrole est l'un des rares produits dont l' enjeu stratégique serait de première importance...

le 22/10/2014 à 17:27
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Il s'agit d'un complot des extra-terrestres, la déneigeuse était conduite par un martien.

le 22/10/2014 à 18:47
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Hé, le parano, explique-moi en quoi le FSB aurait intérêt à tuer un ami de Poutine et de la Russie comme l'était Christophe de Margerie ? j'attends ta réponse.

à écrit le 21/10/2014 à 22:13
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pourrait on arrêter de dire que total est un groupe français! en effet selon le site web de total, son actionnariat est reparti comme suit : France : 28,3% Reste de l'europe : 31,4% amerique du nord : 30,9% reste du monde : 9,4% Total n'est que...

le 22/10/2014 à 22:01
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Vision simpliste pour un simplet consommateur de carburant

le 23/10/2014 à 11:51
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furax : au delà de l'agression gratuite par ds propos polémiques, pouvez vous apporter un élément de réponse contradictoire à ce constat factuel ? à Jp : concernant le tarif à la pompe, il est dû aux 80% de taxes prélevées par l'état, total comme d'...

à écrit le 21/10/2014 à 22:01
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on est peu de choses....argent ou pas !

à écrit le 21/10/2014 à 19:48
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Mon profond respect pour cet Homme, humain, entrepreneur, social, ( oui Mr Filoche qui êtes un moins que rien lamentable). Mes condoléances les plus sincères à l'équipage et à leurs familles.

le 22/10/2014 à 7:32
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Merci de nous éclairer sur les aspects particulièrement 'sociaux' de ce Monsieur.

à écrit le 21/10/2014 à 19:31
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Une grande perte pour son entreprise: salariés et actionnaires, pour la France, un grand chef d'entreprise. Son décès violent est-il du à un accident?

le 21/10/2014 à 20:45
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+ 1

à écrit le 21/10/2014 à 19:29
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Un accident tragique. Quant au Filoche, son manque de respect est un scandale et mérite une exclusion du PS. Dire qu'il représente une partie des socialistes ....

à écrit le 21/10/2014 à 18:51
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Fiiloche porte la voie duPS qui comme lui croit que la moitie des Français vole l'autre moitié

le 21/10/2014 à 21:20
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La raclure c'estFiloche. Il a la bave aux lèvres

le 22/10/2014 à 10:48
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La moitié des Français ne vole pas l'autre moitié, mais 20% certainement, et ce ne sont pas les moins riches. Je me fous que les riches soient riches, mais qu'ils paient ce qu'ils ont à payer pour contribuer au fonctionnement du pays qui leur a permi...

à écrit le 21/10/2014 à 18:25
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Ce cher Filochard, il ne sait pas que son État socialiste "vole les français"sur bien des points et que les compagnie pétrolières si elles font de gros profits, elles font aussi de gros investissements. Ce mec mérite un black out total dans les média...

à écrit le 21/10/2014 à 18:17
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Et les autres passagers de l'avion, personne n'en parle..........Ils ne comptent pas?????????????

le 21/10/2014 à 22:00
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..sont sûrement pas si riches! c'est ça la nature humaine, on ne prend en compte, que les "plus forts"...

le 22/10/2014 à 8:31
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eh oui hélas…. le nombre de civils, d'enfants et de femmes qui sont assassinés, mutilés et terrorisés quotidiennement en l'est de l'Ukraine, en Irak et en Syrie est très élevé, mais on n'en parle jamais. Il suffit que se soit un touriste ou un journa...

à écrit le 21/10/2014 à 17:51
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C'est un grand Monsieur qui s'en va. J'espère que son accident n'est pas le même que celui du général LECLERC en 1947, coïncidence troublante, il partait négocier avec la RUSSIE,

le 21/10/2014 à 18:30
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Et si les auteurs de l'accident avec le général Leclerc étaient les mêmes de l'accident avec Christophe de Margerie ?

le 27/10/2014 à 20:21
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Et les mêmes que celui de mattei président d'AGIP il y a 50 ans ??

à écrit le 21/10/2014 à 17:18
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La réalité de la vie est bien aussi le mort.. mais pas mourir de cette facon.. Paix à votre âme!

à écrit le 21/10/2014 à 17:05
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Le pauvre bonhomme, malgré tout ses millions, je n'envie pas du tout une telle vie : ennuyeuse et tragique. C'est triste.

le 21/10/2014 à 18:29
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Passionnante au contraire. Certainement plus que la petite vie de fonctionnaire qui doit être la vôtre. Il fait partie de ceux, peu nombreux, qui font gagner la France. Comparez avec Hollande

le 21/10/2014 à 20:56
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Après toute une journée de travail, M. de Margerie se prêtait pour retourner en France vers minuit (heure locale). A cette heure là il n'y a que ceux qui bossent véritablement pour rester encore à bord d'un avion pour faire face à quelques petites he...

à écrit le 21/10/2014 à 16:57
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Nous avons perdu un grand dirigent tres triste

à écrit le 21/10/2014 à 16:18
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il avait encore tellement de projets et puis plouf,on est bien peu de chose ,c'est un autre qui profitera de sa place.

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