Matières premières : la chute des cours aura des répercussions positives d’ici "deux à trois ans"

Les "commodities" représentent 30% du commerce international et sont un enjeu stratégique et vital pour les pays producteurs. Si la baisse des cours de la plupart des matières premières amorcée cette année devrait profiter à l’économie mondiale, elle pourrait toutefois provoquer certains dégâts collatéraux.
En Australie par exemple, le cours du minerai de fer a perdu 30% de sa valeur alors qu'il représente le premier poste d'exportation du pays, grevant ainsi les recettes de l'Etat.

Une embellie pour les pays consommateurs - et développés -, une baisse d'oxygène pour les producteurs. Si les conséquences de la chute des prix des matières premières n'est pas du goût de toutes les économies, son effet favorable devrait néanmoins se faire sentir à l'échelle mondiale "d'ici deux à trois ans". C'est l'estimation de Jean-François Lambert, responsable mondial du pôle matières premières d'HSBC. En attendant, les premières répercussions peuvent être brutales pour les États fournisseurs.

  • Le dollar et la production de pétrole, causes principales

Depuis le pic atteint en 2011, en particulier pour les métaux, les prix des matières premières baissent en effet en dent-de-scie pour se diriger vers les niveaux d'avant la crise financière de 2008. Une dépréciation qui s'explique par trois raisons principales rappelle Vincent Ganne, analyste technique chez DailyFX dans son dernier compte rendu : d'abord une hausse du dollar sur le marché des changes, ensuite un cycle de la demande sur un plus bas depuis 5 ans, enfin l'absence de contrainte de l'offre dans le cas du pétrole - l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ayant fait le choix de maintenir sa production à 30 millions de barils -.

  •  Des enjeux géopolitiques

Dans le secteur pétrolier, laisser filer les prix peut être une véritable arme "de guerre économique", souligne Jean-François Lambert. "La pression qu'impose l'Arabie Saoudite, via l'Opep sur le secteur, lui permet de s'affirmer face aux États-Unis et de couper l'herbe sous le pied à des pays en voie de normalisation comme l'Iran", estime-t-il. Pour le banquier, la chute du prix du pétrole devrait d'ailleurs, sinon se poursuivre, du moins connaître de nouveaux soubresauts :

"Je ne crois pas que l'on va revenir à 100 dollars. Il va falloir du temps pour que l'équilibre se reforme. (...) Le problème aujourd'hui, c'est que la digue a cédé, le marché pétrolier cherche son seuil. Il est donc très nerveux et aspire à plus de baisse".

L'une des conséquences notable de cette "guerre économique" se fait d'ailleurs sentir en Russie, où le rouble a plongé de 30% entre lundi et mardi notamment à cause de l'or noir qui représente 70% de ses exportations et 50% de ses recettes. Pour l'économie russe, la chute des prix est un mal qui vient s'ajouter aux sanctions internationales.

  • Une production agricole abondante

Si le secteur de l'énergie, pétrole en tête, a accusé la chute la plus drastique, pour avoisiner les prix de 2009, dans les matières premières agricoles les cours sont également au plus bas. Ils ont même plongé depuis le printemps, selon les analyses d'HSBC. Le soja a perdu un tiers de sa valeur (de 1,5 dollar à moins de 1 dollar le boisseau), le maïs un cinquième, tout comme le blé, et le coton a chuté pratiquement des deux tiers de sa valeur entre mai et novembre 2014.

Les récoltes opulentes de l'année, permises par des conditions météorologiques favorables, ont initié cette tendance à la baisse des prix. Le même cas de figure s'est produit dans les cultures dites industrielles -comme la betterave ou la pomme de terre- , avec des rendements élevés constatés. "L'anticipation sur les approvisionnements et la production importante ont provoqué cette dépréciation", confirme Jean-François Lambert.

  • Moins de demande pour le minerai de fer

Le minerai de fer connait actuellement les mêmes difficultés, mais pour différentes raisons. La chute des prix n'a pas seulement pour origine un accroissement de la production, mais également une baisse de la demande. En Australie, par exemple, le minerai de fer s'est déprécié de 30% cette année alors qu'il représente le premier poste d'exportation du pays, grevant ainsi les recettes de l'État. Son plus gros client, la Chine, a réduit sa demande alors que les mines tournent à plein régime.

Selon la société d'étude Cyclope, spécialisée dans l'analyse des marchés mondiaux des matières premières, les producteurs de minerai de fer continuent leur fuite en avant : "au troisième trimestre 2014, BHP a produit en Australie un record de 62 millions de tonnes soit +15 % en un an". Le gouvernement australien a ainsi revu lundi 15 décembre à la hausse son déficit budgétaire 2014-2015, à 40,4 milliards dollars australiens au lieu de 29,8 milliards.

  • Des prévisions qui restent positives

Malgré ces conséquences parfois difficiles à encaisser pour les pays producteurs, Jean-François Lambert reste optimiste :

"Il faut remettre les choses en perspective: l'économie mondiale croît aujourd'hui et ce sont les vieilles économies, l'Europe, les États-Unis ainsi que la Chine qui sont le moteur de la croissance mondiale et qui créent de la valeur : 930 milliards de dollars en 2014 !"

Pour ce responsable chez HSBC, les pays consommateurs de matières premières dont les prix ont baissé vont ainsi voir leur capacité concurrentielle augmenter. "Si les matières premières se stabilisent autour de 30% de moins par rapport à l'an passé, cela augmentera considérablement leur compétitivité".

Dans ces conditions, la chute actuelle des prix du pétrole et des matières premières pourrait permettre à l'économie de la zone euro de repartir "plus vite qu'on ne le croit" et l'éloigner du risque de déflation.

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Commentaires 7
à écrit le 18/12/2014 à 15:43
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C'est surtout la Chine qui en profite car il n'y a plus d'usines ni production en Europe occidentale... Pas forcément bon pour la zone euro qui s'installe ainsi plus en déflation.

à écrit le 18/12/2014 à 11:07
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Il semble que la production de pétrole soit excédentaire de 1%. Elle décroît, à part les USA, dont le coût de production est élevé et devrait conduire à une rechute. L’AIE a exhorté les compagnies pétrolières à ne pas cesser l’exploration- exploita...

le 18/12/2014 à 11:47
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à plutôt court terme, lorsqu'on parle d'exploration exploitation c'est plutôt dix ans.

à écrit le 18/12/2014 à 10:25
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La chute des cours des produits de base n'auront aucune des répercussions positives sauf pour les spéculateurs faisant "des réserves"!

à écrit le 18/12/2014 à 9:24
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Ça permettra aux socialistes de continuer d'abreuver leur clientèle d'argent public. Le secteur privé aura quelques gains mais la concurrence étrangère en aura plus car elle n'a pas à financer d'état voyou. La France continuera son déclin relativemen...

le 18/12/2014 à 10:17
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Sauf si on est $arkozydolâtre, je ne vois pas qui raisonnablement pourrait voter $arkozy de Nagy Bocsa en 2017, pas plus que Le Pen. Reste effectivement Hollande, qui, malgré un bashing éhonté ne fait pas pire que Sarkozy de Nagy Bocsa. Et la conjon...

le 18/12/2014 à 10:56
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votre antisarkosysme viscéral vous fait raconter n'importe quoi

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