A-t-on atteint le "pic pétrolier" ?

À l'image du géant pétrolier Royal Dutch Shell et de son rival BP, les compagnies pétrolières sont en train de revoir à la baisse leurs estimations des cours pétroliers pour l'avenir, un mouvement encouragé par la crise liée au Covid-19, qui a fait chuter la demande en or noir. Peut-on, pour autant, parler de tendance de fond ?
Photo d'illustration. Pour 2020, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) table sur une demande pétrolière en chute historique de 8,1 millions de barils par jour (mbj).
Photo d'illustration. Pour 2020, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) table sur une demande pétrolière en chute historique de 8,1 millions de barils par jour (mbj). (Crédits : Reuters)

La chute des cours du pétrole avec la crise du Covid-19 oblige les entreprises du secteur à revoir la valeur de leur actifs, alors que chefs d'entreprises et experts se demandent désormais si la demande n'a pas entamé un déclin irréversible.

Le géant pétrolier Royal Dutch Shell vient de massivement dévaluer la valeur de ses actifs - par exemple des champs pétroliers en Amérique du Nord ou au Brésil -  à cause de l'impact du coronavirus sur la demande et des changements durables du marché, deux semaines après une mesure similaire prise par son rival BP.

Des dizaines de milliards de dollars ont ainsi été virtuellement effacés de leurs comptes.

"Ce processus va continuer, et nous nous attendons à d'autres grosses dépréciations à travers le secteur", estime Angus Rodger, du cabinet spécialisé Wood Mackenzie.

"Il faut se méfier de ces annonces", tempère toutefois Moez Ajmi, du cabinet EY: "en temps de crise, on en profite souvent pour 'nettoyer' son portefeuille d'actifs".

Quoi qu'il en soit, les compagnies pétrolières sont en train de revoir à la baisse leurs estimations des cours pétroliers pour l'avenir.

La crise sanitaire du Covid-19 s'est traduite par une chute de la demande avec le ralentissement de l'activité économique et en particulier la quasi mise à l'arrêt du transport aérien.

Pour 2020, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) table ainsi sur une demande pétrolière en chute historique de 8,1 millions de barils par jour (mbj).

Pour l'an prochain, elle anticipe un rebond inédit de 5,7 mbj, mais avec une demande toujours inférieure au niveau de 2019 en raison des incertitudes dans le secteur aérien.

Lire aussi : Pétrole: le rebond de la demande en 2021 sera limité par les difficultés du secteur aérien

Pic pétrolier?

Chefs d'entreprise, experts et défenseurs de l'environnement se demandent maintenant si la demande va vraiment rebondir ces prochaines années, ou si elle a déjà passé son pic, l'an dernier.

Cette notion de pic pétrolier ("peak oil" en anglais) est débattue depuis des années. Pendant longtemps, les experts ont cherché à déterminer le moment où les réserves mondiales de pétrole commenceraient à décliner. Aujourd'hui ils s'interrogent surtout sur le moment où c'est la demande qui commencera à basculer.

"Je ne sais pas comment tout cela va se passer", avouait en mai le nouveau directeur général de BP, Bernard Looney, en pleine pandémie, alors que les cols blancs recouraient massivement au télétravail et que les avions étaient cloués au sol.

"Est-ce que ça pourrait être le pic pétrolier? Peut-être. Je ne l'exclurais pas", admettait-il interrogé par le Financial Times.

Michael Bradshaw, professeur à la Warwick Business School, souligne que les défenseurs de l'environnement et du climat sont en train de pousser pour une relance sous forme de "new deal" vert pour encourager la sobriété, les renouvelables, le véhicule électrique ou l'essor de l'hydrogène vert.

Lire aussi : La France veut produire un "hydrogène propre" à partir du nucléaire, avec l'Allemagne

"S'ils gagnent, la demande pour le pétrole pourrait ne jamais revenir au niveau du pic d'avant Covid-19", juge-t-il.

"Par exemple, il n'est pas garanti que le secteur du transport se remette pleinement. Après la pandémie, nous pourrions avoir une attitude différente concernant les vols internationaux ou le fait d'aller physiquement au travail", pointe-t-il.

"Science-fiction"

Mais pour d'autres experts, le changement de paradigme n'est pas pour tout de suite.

"Beaucoup de gens ont dit, y compris des dirigeants de grandes entreprises, qu'avec les changements de mode de vie, le télétravail et d'autres choses, la demande pétrolière pourrait avoir atteint son pic et décliner. Je ne suis pas d'accord avec ça", répond Fatih Birol, le directeur exécutif de l'AIE.

"Les téléconférences à elles seules ne vont pas nous aider à atteindre nos objectifs énergétiques et climatiques", estime-t-il.

Certains secteurs dépendent ainsi encore massivement du pétrole, comme les transports à près de 94%.

"Imaginer une baisse 'définitive' de la demande pétrolière relève selon moi de la science-fiction", abonde Moez Ajmi, qui imagine plutôt un rebond ces prochaines années avec des États surtout pressés de redresser leurs industries fragilisées.

"Il faudra du temps pour que les énergies fossiles, qui représentent encore aujourd'hui environ 80% de l'énergie primaire mondiale, en viennent à être réellement concurrencées par les autres sources d'énergies renouvelables", estime-t-il.

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Commentaires 3
à écrit le 02/07/2020 à 18:27
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Il faut plutôt dire que le pic pétrolier à 40 dollars est atteint.Ensuite, nous aurons un pic à 50, puis 60. Il y aura toujours du pétrole dans le siècle prochain, mais à quel prix, voila comment il faut raisonner.

à écrit le 02/07/2020 à 13:00
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Tout rentrera dans l'ordre la pandemie maitrisee et les cours du petrole s'envoleront, pas besoin d'etre devin.

à écrit le 02/07/2020 à 11:12
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"Là où quelque chose ne va pas quelque chose est trop gros" Kohr Le lobby pétrolier était devenu bien trop puissant, la preuve étant ce cours influencé non pas par l'offre et la demande mais seulement par la spéculation de ses acteurs, cela fait ...

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