Canibal : quand communication et recyclage se donnent la main

Réduire le volume de leurs ordures tout en fédérant les collaborateurs autour de leurs politiques de responsabilités sociales et environnementales: c'est le double résultat que promet aux entreprises la start-up Canibal grâce à ses machines dédiées à la récupération des bouteilles, canettes et autres gobelets.
Giulietta Gamberini
Les machines de Canibal permettent de trier à la source et de compacter immédiatement ces déchets nomades et légers. Récupérés par le fabricant, ils sont ensuite recyclés par des sous-traitants et revendus directement aux acheteurs de matières plastiques.

Rendre recyclable un produit de grande consommation jusqu'à présent destiné à la décharge ou à l'incinérateur, tout en aidant les entreprises à rassembler leurs collaborateurs autour de leurs politiques de responsabilité sociale et environnementale (RSE): tel est le double objectif poursuivi par Canibal, start-up française qui fabrique des machines dédiées à la récupération des emballages de boissons. Installées dans les sièges sociaux à côté des traditionnels distributeurs de café et en-cas, ces bornes récupèrent bouteilles, canettes et gobelets. Interactives, elles interpellent l'utilisateur en lui adressant des messages dédiés et en déclenchant un jeu.

 Une nouvelle filière pour les gobelets en plastique

"Des 1.000 milliards d'emballages de boissons consommés chaque année hors domicile dans le monde, seulement 5% sont recyclés", souligne le PDG de Canibal, Benoît Paget, qui a donc voulu contribuer à la recherche de solutions pour adresser ce gisement. Les gobelets en plastique, qui atteignent le nombre de 500 milliards au monde et de 4 milliards en France, ne sont par ailleurs encore recyclés, pour des raisons en partie techniques mais aussi logistiques et économiques. "Pourtant, ce sont les déchets types qui finissent à la mer", regrette-il.

Les machines de Canibal permettent ainsi de trier à la source et de compacter immédiatement ces déchets nomades et légers. Récupérés par le fabricant, ils sont ensuite recyclés par des sous-traitants et revendus directement aux acheteurs de matières plastiques. "En ce qui concerne particulièrement les gobelets, nous avons ainsi mis sur pieds une véritable nouvelle filière", souligne Benoît Paget.

 Quelque 140 bornes en service

Les entreprises qui louent les bornes profitent de la globalité de ce service, réduisant ainsi le volume de leurs ordures et étant assurées de la traçabilité des déchets confiés au cycle court géré par Canibal. Surtout, elles peuvent profiter du moment du geste de tri, rendu ludique et digital, pour partager avec leurs collaborateurs leurs politiques RSE, où le développement durable occupe une place de plus en plus importante. Elles peuvent alimenter à cette fin directement une plate-forme connectée au terminal.

"Le jeu unit et sensibilise bien plus que l'argent", estime Benoît Paget, qui pour cette raison a écarté le modèle de la consigne adopté par l'Allemagne pour les emballages des boissons, s'inspirant plutôt du succès de l'opération Les Bouchons d'amour. Une soixantaine de sociétés, dont 15 faisant partie du CAC40, ainsi que quelques gares et universités, ont d'ailleurs déjà installé quelque 140 bornes Canibal dans leurs sièges sociaux ou espaces publics.

 Du déchet au produit fini

Canibal fait valoir des effets allant bien au-delà de la récupération des emballages de boissons. Dans le palace parisien Le Meurice, qui a installé cette année une borne, les collaborateurs ont par exemple fini par se mettre aussi au recyclage du papier et du carton, affirme la directrice des ressources humaines de l'hôtel, Malaurie Forets. Dans un restaurant McDonald, la mise en place d'une seule machine a permis non seulement de réduire de 40% le volume des déchets, mais a également participé à la valorisation des personnels affectés au vidage des poubelles, qui devenaient  aux yeux des clients des ambassadeurs de la politique de développement durable de l'entreprise, raconte Benoît Paget.

Canibal tente d'ailleurs de pousser encore plus loin sa pédagogie autour de la valeur des déchets. Après avoir développé en 2015 son matériau issu du recyclage des gobelets, Caniplac -utilisé par exemple pour isoler les couloirs de l'une des écoles ayant installé ses machines-, la start-up a lancé en mai 2016 une nouvelle gamme de produits "100% recyclés". "Les utilisateurs voient ainsi concrètement ce que deviennent leurs déchets collectés", explique le PDG de l'entreprise, qui affirme avoir déjà établi des contacts visant à la production de filaments pour imprimantes 3D voire, à la fin du processus, de prothèses.

 Une machine 100% made in France

Depuis sa création officielle en 2009 par Benoît Paget avec Stéphane Marrapodi, -dans le sillage d'un projet de fin d'études de deux élèves de l'EM Lyon né en 2002-, la start-up mise en effet sur la recherche et le développement. Plus de cinq ans ont été nécessaires afin de mettre au point des machines réellement fonctionnelles, dont l'assemblage est désormais sous-traité au cluster Dieppe Meca Energies, et notamment à Toshiba.

"Dotée d'un algorithme de reconnaissance des emballages, d'un système breveté de compactage vertical et de récupération des liquides, d'un écran et d'un logiciel interactif, notre machine est unique au monde et 100% 'made in France"', souligne Benoit Paget. Sa conception, bien plus complexe que prévu, a demandé une levée de fonds quasiment tous les ans, pour un montant total de 9 millions d'euros: "Chaque machine vaut quasiment le prix d'une voiture", explique le PDG de Canibal.

Les espaces publics en ligne de mire

La dernière levée de fonds date de l'été dernier, et a permis de récolter 1,2 million d'euros -contre 1 million attendu, grâce à son son partenaire financier historique Financières Fonds Privés mais aussi -pour 20%- à l'engagement des particuliers via la plateforme de crowdfunding SmartAngels. Elle doit permettre à Canibal -qui en 2015 affichait un chiffre d'affaires de 1 million d'euro, et espère avoir atteint 1,8 million en 2016- d'industrialiser la production de ses bornes. L'objectif est également de commencer à vendre à un marché plus large que celui des entreprises françaises.

"Nous visons notamment l'espace public: par exemple gares, aéroports et food courts, mais aussi universités et écoles", précise Benoît Paget, qui explique: "La machine sera alors financée par des marques qui pourront afficher leurs messages sur les écrans". Car au-delà d'être devenu un chapitre incontournable des politiques RSE, le développement durable représente désormais un enjeu de plus en plus sensible de réputation...

 Les Etats-Unis et le Japon convoités

Dans cette perspective, Canibal convoite notamment deux marchés. Le premier est celui de l'Amérique du Nord, où la consommation nomade règne -230.000 milliards de gobelets sont utilisés chaque année aux Etats-Unis, contre 8 milliards en France-, les centres commerciaux jouent le rôle de nos centres-villes et, surtout, "l'affichage urbain est moins oligopolistique", explique Benoît Paget. Le deuxième est le marché japonais, où la culture tant de la distribution automatique que du jeu est très développée, et où Canibal espère profiter du soutien de son partenaire Toshiba. La start-up, qui compte 18 salariés, estime à cette fin devoir lever encore environ 2,5 millions d'euros, afin d'atteindre la taille critique d'une centaine de bornes lui permettant de vendre des campagnes d'affichage... et de s'associer rapidement à une sociétés de régie publicitaire.

Mais face à la solidité du fléau des déchets, Benoît Paget n'a pas peur: "au niveau mondial, la consommation de boissons nomades ne semble pas diminuer, bien au contraire..." En France d'ailleurs, l'interdiction de la vaisselle jetable, issue de la loi de transition énergétique, n'entrera en vigueur qu'en 2020.

Giulietta Gamberini

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