Comment la moquette peut réparer la planète

Le fabricant américain de moquettes Interface lance « Climate take back », un programme visant à restaurer la nature, retirer du CO2 de l’atmosphère et inverser le changement climatique, à laquelle il espère rallier d’autres entreprises.
Dominique Pialot
Interface Net effect

L'objectif adopté à Paris lors de la COP21 en décembre ne pourra être atteint sans pistes pour multiplier les émissions négatives de gaz à effet de serre. Les puits de carbone naturels que sont les forêts et les océans de suffiront pas à atteindre la « neutralité carbone » indispensable à partir de 2050 pour limiter la hausse des températures à +2°C.

Mais on ne s'attendait pas à ce que la solution provienne d'une entreprise, de surcroît étrangère au secteur des cleantech. C'est pourtant ce que propose Interface. Depuis la « Mission zero » élaborée dès 1994 par son fondateur, le visionnaire Ray Anderson décédé en 2011, le fabricant de revêtements de sols d'Atlanta accumule les exploits en termes environnementaux.

Déjà une forte limitation de l'impact environnemental

L'objectif de « Mission zero » était d'atteindre la neutralité environnementale à l'horizon 2020. Depuis 1996, l'entreprise a réduit sa consommation d'énergie (ramenée au mètre carré fabriqué) de 45%, ses émissions de CO2 de 92% (98% en Europe), ses déchets envoyés en décharge de 91% (100% en Europe)...Son usine européenne de Scherpenzeel (Pays-bas) est alimentée à 100% aux énergies renouvelables, et bénéficie d'une alimentation en eau en boucle fermée.

En termes d'innovation sur les produits et  le modèle économique, Interface a expérimenté de grands succès, à l'instar de sa gamme Entropy qui, grâce à ses motifs irréguliers inspirés de la forêt, permet de ne remplacer que les dalles usées plutôt que l'intégralité du sol ; mais aussi des échecs, comme cette initiative pionnière de l'économie de fonctionnalité, consistant à louer plutôt que vendre ses sols, et n'a pas séduit ses clients. Sa déclinaison du développement durable ne s'est pas limitée à l'environnement, mais englobe aussi des volets plus sociaux, comme le programme Net-Works consistant à récupérer des filets de pêche usagés auprès des communautés de pêcheurs.

En bonne voie pour atteindre les objectifs de sa "Mission Zero", la nouvelle équipe dirigeante d'Interface a trouvé une façon de ré-itérer l'ambition affichée en son temps par Ray Anderson.

Renverser le changement climatique

Avec « Climate take back », il n'est plus seulement question de neutraliser l'impact de l'entreprise sur l'environnement, mais de donner corps à l'idée de « restauration » déjà présente en filigrane dans « Mission Zero ». Il s'agit d'avoir une action positive sur la planète. Ce qui consiste, par exemple, à transformer ses sites de production en « usines » fournissant les  mêmes écoservices  (stockage et purification d'eau, séquestration de carbone, régulation de la température, habitat naturel), que le lieu aurait fourni en l'absence de l'usine. Retirer du CO2 de l'atmosphère afin d'inverser le changement climatique est l'une des ambitions les plus marquantes du programme. « On voit apparaître plusieurs technologies de rupture permettant d'absorber le CO2 », remarque Rob Boogaard, évoquant notamment la transformation du CO2 en roche actuellement expérimentée en Islande. Le PDG d'Interface pour la zone EMAI détaille les quatre piliers sur lesquels repose la stratégie "Climate take back" : "Live zero", le succès du programme "Zero waste" ayant démontré que "zéro" (énergie fossile, déchet, etc.) était possible ;  « Love carbon », pour promouvoir la revalorisation du CO2, indispensable à toute vie sur terre, tout en en réduisant le taux dans l'atmosphère ; « Let nature cool », visant à imiter les process naturels selon les principes du biomimétisme, ce qui doit lui permettre de refroidir.

Prendre la tête d'un mouvement plus global

« Lead industry re-revolution », le dernier pilier, indique qu'Interface entend prendre la tête d'un mouvement global d'entreprises, à commencer par ses propres fournisseurs et clients, prêtes à lui emboîter le pas dans cette « mission » ambitieuse. A cet effet, ses dirigeants tiendront à l'automne une série de conférences aux Etats-Unis, en Europe et en Asie pour rallier les volontaires. Pas question pendant ce temps d'abandonner la « Mission zero », dont le succès attendu en 2020 constituera au contraire un point d'étape important sur cette longue route de réparation de la planète.

Malgré le caractère à priori utopiste de l'initiative, le parcours d'Interface jusqu'à ce jour incite à tout le moins à la suivre de près. En effet, depuis plus de 20 ans, l'entreprise a accompli de spectaculaires progrès environnementaux tout en poursuivant un développement économique solide.

Dominique Pialot

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