Électricité : comment la Belgique va aider la France à éviter les coupures cet hiver

Vendredi, les gestionnaires de réseau de transport d’électricité français et belge ont inauguré le renforcement d’une ligne électrique reliant les deux pays depuis les années 1970. Alors qu’une crise d’approvisionnement sans précédent menace l’Hexagone, l’événement revêt un caractère tout particulier. Car la France compte sur des livraisons d’électricité de la part de ses voisins afin de passer l’hiver sans coupure, étant donné que son parc nucléaire n'est pas au rendez-vous.
Marine Godelier
(Crédits : Reuters)

Dans la commune belge de Tournai, près de la frontière avec la France, l'ambiance était à la fête ce vendredi. A l'intérieur d'un chapiteau dressé sous une ligne à haute tension, les responsables de la gestion du réseau électrique des deux pays, RTE et Elia, affichaient un visage détendu. Lequel tranchait avec les mauvaises nouvelles annoncées ces derniers jours, après la circulaire envoyée aux préfets par Elisabeth Borne afin d'organiser des coupures tournantes en cas de manque d'électrons cet hiver.

Il faut dire que l'événement ne pouvait tomber à un meilleur moment. Car sous ce chapiteau se tenait une inauguration toute particulière, au vu du contexte : celle du renforcement de l'interconnexion électrique entre la Belgique et la France, enfin achevée après quatre ans de travaux. Une aubaine pour l'Hexagone, qui compte plus que jamais sur ses voisins pour lui envoyer du courant dans les prochains mois, alors qu'il fonce tout droit vers un déficit de production lié notamment à l'arrêt d'une bonne partie de son parc nucléaire.

« Cette nouvelle infrastructure va contribuer à la sécurité d'approvisionnement de la France cet hiver. Même si ce n'est pas un ''game changer'', c'est un élément très important », a expliqué le président du directoire de RTE, Xavier Piechaczyk.

Augmentation de la capacité de 3 à 6 GW

L'électricité acheminée ne proviendra d'ailleurs pas que des moyens de production belges : étant donné que le réseau européen forme une toile complexe, le courant issu des centrales allemandes, luxembourgeoises ou encore hollandaises pourra également y transiter, afin d'arriver jusqu'en France en cas de besoin.

Concrètement, sur une distance de 40 kilomètres (entre Avelgem en Belgique et Avelin en France), les conducteurs à haute tension ont été remplacés par d'autres, plus performants. Ce qui a permis d'augmenter la capacité de fourniture d'électricité que pourra supporter ladite ligne, en passant de 3 à 6 gigawatts (GW) - soit l'équivalent de la consommation de 6 millions de foyers. En tout, l'opération plafonne ainsi les capacités totales d'interconnexion de la France à 15 GW, c'est-à-dire plus de 15 fois la puissance d'une centrale nucléaire, afin d'éviter de se heurter à des congestions aux frontières sur les réseaux lors des pointes de demande.

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Cependant, le fait que l'inauguration tombe au moment-même où la France s'apprête à traverser une crise d'approvisionnement sans précédent n'est liée qu'à un heureux concours de circonstances. De fait, le premier accord entre RTE et son homologue belge Elia pour développer l'interconnexion date de 2011, et les travaux ont débuté dès l'année 2018. Mais « avec ce qu'il se passe, on a tout fait pour tenir les délais, en dépit de tous les imprévus liés au Covid », glisse à La Tribune Laurent Campat-Lampin, délégué de RTE dans les Hauts-de-France. Les coûts ont, eux aussi, été tenus, et se sont élevés à 90 millions d'euros financés à parts égales par RTE et Elia.

Stratégie de développement des échanges

Ces nouvelles capacités d'échange entre l'Hexagone et son voisin belge s'inscrivent dans une stratégie plus globale de développement des interconnexions électriques entre les pays d'Europe. Car au-delà de la crise énergétique actuelle, l'idée serait de permettre un plus grand déploiement des énergies renouvelables intermittentes, comme l'éolien et le solaire photovoltaïque. En effet, leur production dépend des conditions météorologiques, et n'est donc ni pilotable ni totalement prévisible - contrairement à celle issue des énergies fossiles. Dans ces conditions, les pays souffrant temporairement d'un déficit de production éolienne à cause d'un manque de vent, par exemple, devront s'appuyer sur d'autres pays où le vent souffle à ce moment pour continuer d'assurer l'offre.

« C'est le meilleur moyen, et le moins cher, pour optimiser le réseau », a ainsi plaidé vendredi Xavier Piechazcyk. Cela n'en reste pas moins un « grand défi », a-t-il souligné, alors que la France vise un doublement de ses capacités d'échange en 2035 (30 GW), avant d'atteindre 40 GW en 2050.

Début 2021, une nouvelle interconnexion entre la France et l'Angleterre a ainsi vu le jour, d'une puissance de 1 GW. Par ailleurs, un projet baptisé Golfe de Gascogne vise quant à lui à créer une interconnexion électrique entre la France et l'Espagne, pour porter la capacité d'échange entre les deux pays de 2,8 à 5 GW. Et le mouvement s'accélère : il y a quelques jours, RTE a annoncé avoir signé un accord pour construire la première liaison électrique entre la France et l'Irlande, prévue dès 2026. Autant de projets qui devraient contribuer à la sécurité d'approvisionnement des pays européens, en vertu d'une « solidarité absolue », espère Xavier Piechazcyk.

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Marine Godelier

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Commentaires 15
à écrit le 05/12/2022 à 0:13
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nucleaire = energie intermittente kkkk

à écrit le 04/12/2022 à 11:33
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J'adhère one hundred per cent avec vos remarques. En effet si les gens travaillaient plus dur, avec une durée d'au moins 42 heures par semaine et jusqu'à 65 ans au grand minimum, il n'y aurait pas de pensions inférieures à 1200€ ce qui serait Byzance

à écrit le 04/12/2022 à 11:32
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A votre pertinente intervention, j'ajouterais que si les pauvres ne se goinfraient pas de cochonneries sucrées et grasses, ils seraient moins gros, trouveraient du travail auquel ils pourraient se rendre en marchant au lieu d'être avachis dans leur 4...

à écrit le 04/12/2022 à 11:32
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Ecore une fois un commentaire pertinent de votre part. En effet si les chinois étaient des nord-coréens les choses ne se passeraient pas de la même façon. Et ils ne sont pas non plus des japonais ce qui peut expliquer certaines choses que vous avez b...

à écrit le 04/12/2022 à 11:31
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Vous pensez que le chinois de base se projette dans l’avenir? Internet et la TV étrangère ouvrent une fenêtre sur la vraie vie,ailleurs,pour ceux qui peuvent les regarder.Pour la grande majorité,c’est travaille,obéit et tait-toi.Les limites à cette s...

à écrit le 04/12/2022 à 9:52
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Petit à petit, la France rejoint le cercle tiers mondiste....La faute à qui?

à écrit le 02/12/2022 à 23:05
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Il n'y aura aucune coupure de courant au fin fond du Laos, du Cambodge, du Vietnam ou de la Thailande, pays n'utilisant aucune ampoule led à économie d'énergie avec une nuit à 18H du soir 365 jour par an

le 03/12/2022 à 12:48
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C'est faux, je vis entre la Thaïlande et Laos, les 2 pays utilisent ces ampoules LED absolument partout

à écrit le 02/12/2022 à 20:14
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Les belges n’auront pas assez d’électricité...

le 04/12/2022 à 17:41
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Surtout que Doel 3 a été arrêté définitivement en septembre et que Tihange 2 doit l'être le 1er février 2023.

à écrit le 02/12/2022 à 20:12
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J'aime bien les belges, leur état d'esprit , c'est les français d'avant mitterand et la sinistrose qui en a découlé quelques décennies après.

le 06/12/2022 à 4:16
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LOL l'électricité belge est ultra chère !! Tu crois ils font ça par gentillesse ?? Mais non, c'est pour se faire un max de fric sur notre dos avec leur électricité ultra chère !

à écrit le 02/12/2022 à 19:49
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Ah oui, détendus... Nos élites sont toujours très détendus pour ne pas anticiper les problèmes et faire des chèques à nos partenaires étrangers... De biens mauvaises habitudes en perspective... Si l'on regarde bien, la France perd ses excédents les u...

le 03/12/2022 à 4:07
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La France n'a jamais été un pays connu pour ses exportations. Le déficit de la balance commerciale est un mal chronique conséquence d'un pays vivant au dessus de ses moyens. Mais devenir importateur net d'électricité ,on ne l'avait pas vu venir , l...

le 03/12/2022 à 11:21
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Tout cela est juste. Alors que nous devrions fêter Austerlitz, nous en sommes au Waterloo de l'électricité française. Cet "accord" avec la Belgique est là pour nous le confirmer. Avec les prix les plus chers du monde et la puissance nucléaire disponi...

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