Elon Musk, industriel visionnaire ou financier opportuniste ?

L’offre publique d’échange (OPE) de Tesla sur Elon Musk à 2,8 milliards de dollars est diversement appréciée par les analystes, qui soupçonnent un tour de passe-passe financier là où d’autres voient une stratégie avisée.
Dominique Pialot
SolarCity affiche actuellement une perte de 25 millions de dollars et une dette de 3 milliards de dollars.

Ces derniers temps, le charismatique fondateur de Tesla défraie surtout la chronique avec ses voitures électriques hors de prix et son projet de « mega-factory » destinée à produire quelque 500 000 batteries lithium-ion par an. Côté bolides, le sud-africain installé en Californie peaufine la Tesla Model 3, premier modèle grand public dont il est en passe d'engranger 500 000 commandes et qui doit sortir en 2018. Quant à l'usine géante implantée dans le Nevada, elle doit être inaugurée le mois prochain.

Un leader du marché solaire résidentiel

Mais on sait moins qu'Elon Musk est également co-fondateur (avec ses cousins Lyndon et Peter Rive) de SolarCity, dont il est encore le président du Conseil d'Administration et premier actionnaire avec 22% du capital. Distributeur de panneaux solaires, la start-up est devenue en 10 ans l'un des leaders du marché résidentiel américain, avec un tiers du marché. Son modèle économique original a beaucoup fait pour démocratiser l'accès au solaire, car il permettait aux particuliers de s'équiper de panneaux solaires sans débourser un cent. L'entreprise se remboursait dans la durée grâce à l'abonnement mensuel payé par ses clients, inférieur à leur facture d'électricité antérieures.

Cependant, devant les difficultés à atteindre l'équilibre financier, que l'entreprise n'entrevoit pas avant 2020, ce modèle, jugé trop complexe dans un marche toujours plus concurrentiel, a été abandonné au profit de la vente pure et simple de panneaux. Par ailleurs, l'entreprise s'est récemment diversifiée vers les centrales au sol et le stockage. SolarCity affiche actuellement une perte de 25 millions de dollars et une dette de 3 milliards de dollars. Son cours de Bourse a perdu 60% depuis le début de l'année, sous l'effet notamment de la faillite de son concurrent SunEdison, en partie liée à une OPA ratée.

Des modes de financement « innovants »

Pour justifier cette opération, Musk évoque la perspective de devenir « la seule compagnie au monde intégrée verticalement en offrant une solution d'énergie propre de bout en bout », depuis les panneaux jusqu'aux voitures électriques en passant par les batteries, qu'elles soient utilisées à des fins résidentielles ou pour équiper les voitures. Il a également rappelé que seule une petite proportion des clients de Tesla, quoiqu'intéressés par les solaire, étaient actuellement équipés de panneaux. Regrouper toutes les activités sous la seule marque Tesla permettrait de pallier cette lacune. Musk propose un échange d'actions pour un montant de 2,86 milliards de dollars, qui valorise l'entreprise à 2,7 milliards de dollars, soit de 21% à 30% de plus que son cours de clôture.

La Bourse a sanctionné Tesla en faisant plonger le cours de 30% tandis que SolarCity grimpait de 14%. C'est que les investisseurs restent sceptiques devant l'innovation dont fait preuve Elon Musk lorsqu'elle s'applique au financement de ses activités. Ainsi, c'est le fabricant de lanceurs Space X (dont Elon Musk est aussi le Pdg et le principal actionnaire), qui détient le plus d'obligations SolarCity, à l'origine destinées aux investisseurs individuels. Elon Musk s'est également endetté personnellement à hauteur de 475 millions de dollars pour acheter de nouvelles actions SolarCity et Tesla, un prêt garanti par 2,51 milliards de dollars d'actions des deux sociétés.

Emmener SolarCity à l'international

En outre, ils préféreraient qu'il se concentre sur les objectifs annoncés pour Tesla, la sortie de la Tesla 3 (anticipée de 2020 à 2018 au prix d'une augmentation de capital de 1,5 milliards de dollars), et la mise en service de la giga factory. A leurs yeux, en dehors du sauvetage financier de SolarCity, l'opération ne devrait pas radicalement modifier la coopération entre les deux entreprises, qui opéraient d'ores et déjà de concert sur le marché résidentiel.

D'autres voient dans cette offre publique d'échange une preuve des talents de visionnaire d'Elon Musk. Grâce à cette opération, il vise un réseau de distribution unique pour les voitures, les batteries les panneaux solaires. A la clé, une offre convergente des trois produits, mais aussi une rationalisation des coûts et l'opportunité pour SolarCity de suivre Tesla à l'international...

C'est maintenant aux actionnaires des deux entités de se prononcer ...

Dominique Pialot

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