Eni veut s'imposer sur le marché résidentiel de l’électricité

La filiale française de l’énergéticien italien, déjà présente sur le gaz, va vendre de l’électricité aux particuliers, tout en fustigeant la main mise d’opérateurs historiques protégés par l’Etat, sur un marché en principe libéralisé depuis dix ans.
Dominique Pialot
Eni lance une offre en électricité destinée aux particuliers.

Prenez garde au chien. Celui qui crache du feu, a six pattes et qui figure sur le logo de l'énergéticien italien Eni. C'est ainsi que Daniel Fava, le directeur général d'Eni Gaz & Power France, conclut la conférence de presse annonçant son entrée sur le marché résidentiel de l'électricité. L'offre, assortie de divers services tels que des prix bloqués à la baisse ou encore un bonus pour qui choisit Eni à la fois pour le gaz  et l'électricité, sera lancée le 29 mars. Mais l'énergéticien, qui compte déjà 700 000 clients gaz, ce qui en fait le deuxième fournisseur du marché français derrière Engie, en a déjà séduit 30.000, dont 1500 entreprises.

Deux millions de clients en 2020

Eni vise un million de clients français d'ici la fin 2017 et deux millions en 2020 (répartis à 50% dans le gaz et 50% dans l'électricité). Dans le même temps, son chiffre d'affaires devrait être doublé de 1,1 à 2,2 milliards d'euros. Outre des offres compétitives en termes de tarifs (qui demeurent le principal critère de choix pour les consommateurs), Eni mise, pour ce faire, sur ses 1000 commerciaux déployés sur le terrain et sur les franchises qu'il s'apprête à lancer pour démarcher les TPE.

Avec 37 millions de compteurs, le marché de l'électricité présente un potentiel nettement plus important que celui du gaz (11 millions) et représente donc un formidable relais de croissance. D'autant plus qu'il reste encore très faiblement libéralisé, comme l'ont souligné à maintes reprises les dirigeants d'Eni. Ainsi, 10 ans après l'ouverture du marché, sur 10 millions de clients résidentiels, 86% pensent que les prix de l'énergie ont augmenté, mais seulement 10% ont fait la démarche de comparer les offres et de changer de fournisseur.

C'est pourquoi c'est avant tout après l'Etat français et les opérateurs historiques dont il reste actionnaire majoritaire qu'aboie le chien d'Eni, dont les dirigeants misent avec impatience sur « la dépolitisation du marché énergétique français. »

Une libéralisation du marché « pas comme les autres »

« La libéralisation du marché français ne se déroule pas comme les autres, témoigne Naïma Idir, directrice des affaires réglementaires. Les prix du gaz ont augmenté de 65% en 10 ans et ceux de l'électricité de 35%. Les consommateurs ont de plus en plus conscience du poids que cela représente dans leur budget mais, rien ne se passe », déplore-t-elle, avant de se lancer dans un réquisitoire contre le record d'instabilité réglementaire qui a marqué l'année 2016. De la réforme du stockage ( parvenue à un consensus après deux ans de concertation, avant d'être abandonnée sans autre forme de procès), à la naissance du marché de capacité après un an de silence et les attaques de la Commission européenne, en passant par les modalités des certificats d'économie d'énergie (CEE), Naïma Idir fustige une instabilité « qui favorise la volatilité des coûts pour les fournisseurs et fausse la concurrence. » Une volatilité directement répercutée sur la facture des consommateurs, sur laquelle l'énergie stricto sensu ne représente plus qu'un tiers du montant.

A cette instabilité s'ajoute, de son point de vue, une « absence de communication institutionnelle et un accès difficile aux données clients qui génère des coûts d'acquisition importants », autant d'illustrations de la main-mise des opérateurs historiques sur le marché, symbolisée par la récente condamnation d'Engie, contraint à une amende de 100 millions d'euros pour abus de position dominante.

Prudence avant l'élection présidentielle

Eni mise néanmoins sur la perspective d'une fin prochaine des tarifs réglementés, qui pourrait se révéler un accélérateur de l'ouverture. C'est pour cette raison d'ailleurs que c'est un objet d'opposition constante entre la France, qui s'y oppose au motif qu'ils limitent la précarité énergétique, et la Commission européenne, qui y voit précisément un frein à la concurrence...

En attendant cette dépolitisation du marché français, Eni attend prudemment la prochaine élection présidentielle avant d'envisager d'investir dans de nouveaux moyens de production dans l'Hexagone. Soulignant les positions radicalement différentes entre les candidats sur le paysage énergétique des années à venir, Daniel Fava rappelle que, dans un contexte de consommation électrique plate, un maintien, voire un accroissement des capacités nucléaires, ajouté à un développement massif des renouvelables, aboutirait à une situation de surproduction défavorable à tout investissement dans un actif de production.

Dominique Pialot

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Commentaires 6
à écrit le 12/04/2018 à 13:34
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J'ai fais l'erreur de prendre un contrat ENI pour une courte durée. Je l'ai résilié au bout de 9 mois. Par contre impossible de le solder. Il semblerais que la facturation ne soit faite que tous les ans. Donc leur système informatique est incapable d...

à écrit le 29/03/2017 à 14:34
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"1000 commerciaux déployés sur le terrain" En plus,ils viennent par deux, j'ai eu l'occasion d'avoir à faire à eux .Deux jeunes d'une vingtaine d'années ,un homme et une femme qui se sont fait passer pour la mairie et qui voulait savoir mon mode d...

à écrit le 29/03/2017 à 13:01
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Eni c’est surtout la pétrochimie,le gaz et depuis peu les énergies renouvelables. EniPower, en terme de production d’électricité est tout de même loin de EDF et d'Engie et produit surtout à partir de des centrales au gaz. Sachant qu’en 2015 l’Italie ...

à écrit le 29/03/2017 à 10:23
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Si le PS numérisé façon Macron l'emporte , l'étatisme n'est pas près de s’arrêter et les consommateurs attendront encore longtemps de voir la facture énergétique diminuer.

à écrit le 29/03/2017 à 8:42
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Si ces prétentions sont exactes, cela veut dire qu'il y a des problèmes français sur ce marché.

à écrit le 28/03/2017 à 19:42
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Je ne connais pas leur tarif pour l'électricité (suis chez Dire***) vs EDF mais pour le gaz, le représentant qui était passé est parti 'dépité', je ne consomme pas assez de gaz pour être éligible, et pourtant je me chauffe avec (à 18°C). Quand on co...

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