C'est un démonstrateur capable de produire 100 tonnes d'isobutène par an que Gloabl Bioenergies (GBE) inaugure le 11 mai à Leuna, une ville de l'ex-RDA, située à proximité de Leipzig. Cette entreprise, créée en 2008, a mis au point un procédé qui, grâce à des bactéries, transforme le glucose en cette molécule présente dans le pétrole, utilisée dans la fabrication de plastiques, solvants, cosmétiques, chewing-gums et carburants. « C'est un marché qui pèse 15 millions de tonnes, pour un chiffre d'affaires de 15 à 30 milliards d'euros selon le cours du pétrole », précise Marc Delcourt, co-fondateur et PDG de GBE.
Pas de limite d'incorporation aux carburants conventionnels
Le démonstrateur de Leuna, étape intermédiaire entre le labo où le procédé a été mis au point, et l'usine de taille industrielle 500 fois plus grande, a vocation à valider les performances, fabriquer des volumes réservés aux tests de divers partenaires et tester le procédé dans toutes les configurations possibles. Les retours d'expérience de cette installation, qui a nécessité un investissement de 10,8 millions d'euros, doivent permettre de lever les quelque 115 millions nécessaires pour construire l'usine prévue sur un site de Cristal Union, à Pomacle (Marne) ou Arcis-sur-Aube (Aube). La coopérative sucrière française, qui possède 5% du capital de l'entreprise cotée en Bourse depuis 2011, est d'autant plus intéressée par l'avenir du procédé développé par GBE, que le marché de la betterave sucrière, confronté à la fin des quotas sucriers, opère sur des marchés saturés (sucre, alcool et biocarburant). Techniquement, l'éthanol issu de la betterave ne peut être incorporé à l'essence à plus de 10%. A l'inverse, celui fabriqué à partir de l'isobutène végétal ne connaît pas de limite. GBE a déjà passé des accords avec Audi pour le carburant, avec le leader du caoutchouc Arlanxeo ou encore avec L'Oréal pour un composant des cosmétiques. « Ce sont d'abord des marques à forte identité client qui ont un intérêt à mettre en avant l'origine végétale de leurs composants », souligne Marc Delcourt. Cette première usine devrait être consacrée à parts égales à la production de carburants et de matériaux.
Financement européen pour une deuxième génération
Le 9 mai, GBE en partenariat avec les chimistes Clariant (ex-Sandoz) et Ineos (ex-BP), a obtenu un financement européen de 9,8 M€ dans le cadre du programme Horizon 2020. Le projet (qui correspond à un investissement total de 16,4 millions) consiste à développer une filière de deuxième génération. L'isobutène ne serait plus fabriqué à partir de sucre issu de denrées agricoles (betterave, maïs ou blé), mais de paille. Une première usine pourrait voir le jour d'ici quatre ans. Cette deuxième filière présente plusieurs avantages. Les biocarburants dits « de deuxième génération » sont moins en butte que ceux de la première aux revirements réglementaires. Ainsi, la Commission européenne envisage d'abaisser leur objectif d'incorporation de 10% en 2020 à 3,8% en 2030. Un projet contre lequel la filière française, qui a investi quelque 2 milliards dans la première génération, est vent debout. En outre, l'isobutène « de deuxième génération » présente une meilleure équation économique. Or, le coût du procédé est aujourd'hui un frein alors que le cours du baril de pétrole a été divisé par deux depuis l'été 2014 pour s'établir autour de 50$, alors que le modèle économique de GBE, comme celui de tous les acteurs de la chimie verte positionnés sur les carburants, est fondé sur un baril plus proche des 100$. Dans ce contexte, viser de front le marché des matériaux, fût-il de niche, et celui des carburants est à n'en pas douter la meilleure stratégie. En attendant une remontée des cours du pétrole qui finira bien par se produire, avec des conséquences variables selon le calendrier...
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