Interdiction de la publicité lumineuse la nuit : « Un nouveau texte, mais qui ne change rien »

Si le ministère de la Transition écologique a promis pour septembre un décret destiné à rendre obligatoire l'extinction de la publicité lumineuse de 1 heure à 6 heure du matin, ce nouveau texte ne satisfait pas l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturnes (ANPCEN) qui regrette son manque d'ambition. D'autant que le décret est en de nombreux points similaire à un précédent pris en... 2012 et peu appliqué.
Coline Vazquez
Grâce à un nouveau décret, le ministère de la Transition écologique entend « harmoniser les règles d'extinction des publicités lumineuses, que la commune soit couverte ou non par un règlement local de publicité ».
Grâce à un nouveau décret, le ministère de la Transition écologique entend « harmoniser les règles d'extinction des publicités lumineuses, que la commune soit couverte ou non par un règlement local de publicité ». (Crédits : Reuters)

Alors que le pays pourrait manquer d'énergie l'hiver prochain, toute économie est bonne à prendre. En particulier la nuit. Le 24 juillet la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait annoncé dans le Journal du Dimanche deux décrets, l'un concernant l'interdiction de maintenir les portes ouvertes dans les commerces lorsqu'ils diffusent de la climatisation ou du chauffage, et l'autre contre la publicité lumineuse.

Celui-ci entend « généraliser l'interdiction des publicités lumineuses quelle que soit la taille de la ville entre 1h et 6h du matin, sauf rares exceptions comme les gares et les aéroports », avait assuré la ministre le mois dernier. Il « vise à harmoniser les règles d'extinction des publicités lumineuses, que la commune soit couverte ou non par un règlement local de publicité », a complété le ministère, indiquant que « les contours seront précisés » lors de la publication du décret. Elle devait avoir lieu "dans les prochains jours" après les propos de la ministre en juillet, mais le ministère a finalement annoncé, lundi, que les deux textes seraient prêts d'ici « la fin de l'été », soit d'ici le 21 septembre.

"Aucune évolution"

Ce décret a toutefois des airs de déjà vu. Car l'obligation est déjà en vigueur depuis... 2012. Un décret de l'époque stipule que « les publicités lumineuses devront être éteintes la nuit, entre une heure et six heures du matin, sauf pour les aéroports et les unités urbaines de plus de 800.000 habitants, pour lesquelles les maires édicteront les règles applicables. Les enseignes lumineuses suivront les mêmes règles ». Or, il est peu appliqué, dénonce l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturnes (ANPCEN) qui milite depuis vingt ans contre la pollution lumineuse. « Il faut qu'il y ait des contrôles et des sanctions » pour les enseignes et publicités lumineuses qui ne respectent toujours pas le décret depuis dix ans, plaide Anne-Marie Ducroux, porte-parole de l'association. Au-delà, l'ANPCEN s'étonne que, depuis le premier texte en 2012, « aucun chiffre sur les économies d'énergie réalisées grâce à cette mesure n'ait été communiqué, qu'aucun suivi n'ait été réalisé ». Seuls changements néanmoins dans le texte à venir : toutes les villes, quelle que soit leur taille, seront concernées et les contrevenants s'exposeront à une amende de 5e classe pouvant aller jusqu'à 1.500 euros par publicité ou par enseigne non-éteinte, selon le ministère de la Transition énergétique, contre 750 euros actuellement.

L'association regrette également que le nouveau texte ne soit pas plus ambitieux que le premier, vieux de dix ans. « Si les déclarations de la ministre seraient à clarifier, ce que l'on sait, c'est qu'elle ne va pas changer les horaires. C'est un nouveau texte réglementaire, mais qui n'apporte aucune évolution », déplore Anne-Marie Ducroux qui plaide au moins pour « une extinction dès la fin d'activité ou à 22 heures au lieu d'une heure du matin ».

Des bienfaits pour les être humains, la biodiversité et le porte-monnaie

Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), il est difficile de quantifier l'économie qui sera réalisée par cette mesure, indiquant ne pas avoir de chiffres à ce sujet. Elle met toutefois en avant les bénéfices qui en découleront, notamment pour la biodiversité. « La publicité lumineuse, la nuit, attire les insectes. C'est d'autant plus problématique lorsque cela se produit dans des zones où l'éclairage public est éteint la nuit », explique Bruno Lafitte, expert éclairage et data center pour l'Ademe, qui met également en avant le gain pour les habitants de ne plus subir de pollution lumineuse pendant la nuit.

L'ANPCEN défend, elle aussi, « une approche plus globale qui permettrait de réduire l'impact sur le vivant, tant pour les êtres humains que la biodiversité, l'impact budgétaire et énergétique et l'impact climatique ». Mais, pour y parvenir, le décret semble encore insuffisant. « Pourquoi ne pas inclure des mesures de sobriété pour l'éclairage public, les chantiers éclairés la nuit, les parkings ou encore les parcs et jardins. Il faut s'attaquer à toutes les sources, si l'on veut vraiment un plan de sobriété énergétique et lumineux ambitieux », plaide la porte-parole de l'association.

Une prise de conscience dans les communes et parmi la population

D'autant que, du côté des habitants, les mesures en faveur d'une réduction de l'éclairage la nuit ont fait leur chemin. Ainsi, selon un sondage OpinionWay pour l'APCEN réalisé en 2018, 79% des Français se disaient favorables à la réduction de la durée d'éclairement des éclairages publics en milieu de nuit (hors événements particuliers et fêtes de fin d'année), contre seulement 48% en 2012. 82% étaient également favorables à la réduction de durée d'éclairement pour les éclairages privés. Un sentiment renforcé par les confinements successifs ces deux dernières années, assure Anne-Marie Ducroux : « Les confinements ont fait prendre conscience aux gens qu'il était aberrant de voir des rues éclairées alors que personne n'avait le droit de sortir de chez soi ».

Même au sein des communes, l'APCEN, qui mène un travail de terrain pour sensibiliser les collectivités locales à la question de la sobriété lumineuse, constate une prise de conscience associée à des mesures concrètes. L'association a créé en 2009 un concours permettant d'obtenir le label national Villes et Villages Étoilés. Actuellement, 722 communes sont labellisées de 1 à 5 étoiles, signifiant qu'elles ont opté pour une extinction complète ou partielle de l'éclairage public, aucune mise en lumière du patrimoine naturel ou encore une non-utilisation de la lumière blanche néfaste pour l'environnement... Et selon l'ANPCEN, les villes labellisées éclairent 34 % de moins que la moyenne nationale.

« En matière d'économie d'énergie, la première chose que veulent faire les maires c'est souvent de jouer sur l'éclairage public, confirme Bruno Lafitte. D'autant que cela touche tout le monde et que cela se voit tout de suite, en particulier financièrement. » Si l'expert de l'Ademe reconnaît que le précédent décret concernant la publicité lumineuse n'est pas assez appliqué, il préfère « mettre l'accent sur la prise de conscience et la pression de la part de la population » et « le gros effort pédagogique à faire ». « Quand on était en 2012, c'était à ce moment-là qu'il fallait faire de la pédagogie, pas dix ans plus tard », souffle, de son côté, Anne-Marie Ducroux.

 (Avec AFP)

Coline Vazquez

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Commentaires 11
à écrit le 25/08/2022 à 17:57
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couper l' eclairage public la nuit bien joue pour la cambriole alors que de plus en plus l'eclairage est a led donc faible consommation les nuits bien noires quel bonheur pour le cambrioleur et egalement pour l'insecurite nous voila revenu ...

à écrit le 24/08/2022 à 19:45
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Linky permet-il à mon fournisseur de couper mon électricité à distance ? Oui. Avec Linky, le gestionnaire de réseau Enedis a la possibilité de couper la distribution d'électricité d'un abonné à distance .Il n'a donc plus besoin d'envoyer un agent sur...

à écrit le 24/08/2022 à 15:43
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Fin de l'éclairage public, c'est le retour au Moyen Âge, dormez braves gens.

à écrit le 24/08/2022 à 14:27
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Il faudrait peut-être demander de chiffrer l’impact carbone de toute cette paperasse? Plus sérieusement, tout cela est très révélateur de la conception côté public et élus de ce que sont les entreprises (incapables de réfléchir, à la traine, voire à ...

à écrit le 24/08/2022 à 14:13
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Le 19°C chez soi a déjà été décidé lors du choc pétrolier, c'est acquis, enfin devrait, non ?? Les gens paient la facture c'est l'essentiel, si on veut 22°C on paie plus cher, c'est le principe. L'extinction nocturne (1h c'est pas tard ?) ça a déjà ...

le 24/08/2022 à 16:56
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@Photo73, le concept "Tout pour ma gueule, je peux payer" est intéressant mais même en payant, tu finiras par subir les coupures comme tout le monde.

à écrit le 24/08/2022 à 13:46
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« Un nouveau texte, mais qui ne change rien » C'est le "en même temps" : Je ponds un texte et en même temps ,il ne change rien

à écrit le 24/08/2022 à 12:51
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Quelle que soit la décision prise, il y aura toujours des associations ne représentant qu’elles mêmes qui exprimeront haut et fort leur mécontentement …… alors, autant ne rien faire et n’émettre que des recommandations !! De toutes façons l’utilisati...

à écrit le 24/08/2022 à 10:27
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Il faut simplement interdire la publicité qui est un des moteurs du consumérisme, de la pollution, de la mal bouffe et du gaspillage. Qui osera le faire ?

à écrit le 24/08/2022 à 10:23
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Comme toujours en France manquant de préparation ,d'anticipation ,de vision et d'intelligence : on interdit et on va y mettre une chappe de lois empêchant toute créativité ou initiative citoyenne . Un aspect du problème a été occulté : la sécurité ...

à écrit le 24/08/2022 à 8:22
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Lumineuse ou autre, la publicité avec les réseaux dits "sociaux" sont une engeance, une source de pollution, de gaspillage d'énergie, de talents. Un coût évidemment supporté par le consommateur final.

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