La mer, trésor français (9/14) : les algues, à la conquête de l'Ouest

[ Série d'été - Hebdo #178 "La mer, terre d'entrepreneurs" ] Consommées comme « légumes » en Asie depuis des siècles, les algues suscitent une attention croissante de la part des industriels occidentaux, notamment dans les secteurs agroalimentaire, cosmétique et pharmaceutique. En France, leur production ne parvient pas à satisfaire l'ensemble de la demande.
Giulietta Gamberini
Certains les appellent déjà « l'or vert ».

Certains les appellent déjà « l'or vert ». Ingrédient incontournable dans l'alimentation traditionnelle de nombreux pays asiatiques, les algues ont été, depuis quelques décennies, « découvertes » par l'Occident en raison de leur concentration en molécules aux propriétés intéressantes pour plusieurs secteurs industriels. Si leur apport dans la fabrication de gélifiants, stabilisants et épaississants pour les secteurs agroalimentaire, cosmétique et pharmaceutique est le premier à avoir été exploité, leur concentration en protéines, antioxydants, vitamines, tensio-actifs et autres nutriments en font des matières premières de plus en plus recherchées.

Une panacée pour l'industrie de demain

Les microalgues notamment, à savoir ces algues microscopiques qui évoluent du fond à la surface de l'eau, dont les plus connues sont la spiruline et la chlorelle, semblent pouvoir résoudre tous les défis de l'industrie de demain : de la production d'énergie propre - elles peuvent être transformées en biocarburant -, à la faim dans le monde - la FAO et l'Unicef s'y intéressent de près pour leurs propriétés nutritives comme d'enrichissement des sols agricoles. Leur culture étant intégralement biologique et permettant une séquestration du CO2, elles pourraient aussi contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.

Face à ce potentiel, la France s'y met donc aussi. Globalement, plus de 1 600 emplois sont consacrés à l'exploitation d'algues dans l'Hexagone, avec près de 80 entreprises en production et transformation, surtout en Bretagne, pour une valeur estimée à 424 millions d'euros, apprend-on sur le site du projet de recherche Idealg. La compétence française dans l'utilisation des extraits d'algues pour les produits cosmétiques est reconnue mondialement. Et deux entreprises américaines spécialisées dans l'extraction et la commercialisation de gélifiants, stabilisants et épaississants, Cargill et DuPont, sont notamment installées en Bretagne, où l'Agence régionale de développement et d'innovation a d'ailleurs identifié les algues comme une filière d'avenir.

Développer la culture de ces pépites naturelles

L'or vert stimule d'ailleurs la créativité de jeunes innovateurs, tels les fondateurs d'Algama, startup tout juste sélectionnée pour intégrer le premier incubateur parisien de la food-tech, Smart Food Paris. Elle espère faciliter l'accès à ces joyaux nutritifs que sont les microalgues, notamment dans les pays occidentaux où elles ne répondent pas au goût commun, en les intégrant à des produits de consommation courante comme l'eau ou les sauces. Dans la même veine disruptive, à Saint-Malo, une autre entreprise, Algopack, propose de substituer le plastique par une matière rigide fabriquée à 100 % à partir d'algues, compostable en fin de vie. Le groupe Olmix étudie pour sa part, depuis 2012, l'intégration des algues dans la nutrition et santé végétale, animale comme humaine.

Ainsi, bien que la consommation alimentaire d'algues en tant que « légumes » reste encore très marginale en France - alors qu'elle absorbe 75 % de la production mondiale -, la demande interne, venant pour trois quarts de l'industrie agroalimentaire et chimique, n'est pas satisfaite par l'offre. La France, qui, à l'échelle européenne, constitue pourtant le deuxième pays producteur après la Norvège, ne met sur le marché que 90 000 tonnes de macroalgues fraîches par an, contre quelque 14 millions au niveau mondial - venant surtout de Chine, Indonésie, Philippines, Corée et Japon.

L'équivalent de 55 000 tonnes d'algues fraîches supplémentaires doit donc être importé chaque année, principalement à partir du Chili et des Philippines, calcule Idealg. Un écart entre offre et demande dû essentiellement à la structure de la production française, dont la quasi-totalité est issue de la récolte de populations naturelles, alors que les algues cultivées ne représentent que quelques centaines de tonnes. Au niveau mondial, les proportions sont inversées : 90 % des algues sont issues de l'aquaculture. Ce qui a poussé la région Bretagne à prôner, dans le cadre du programme Breizh'Alg, de développer leur culture.

La recherche française en pointe sur la spiruline

Quant aux microalgues, la filière étant encore peu structurée, les chiffres restent peu fiables, souligne Alvyn Severien d'Algama, vice-président de l'association professionnelle du secteur, France Microalgues. Selon Idealg, la France est toutefois le seul pays européen, avec la Hongrie, à produire de la spiruline - qui vient à 50 % des ÉtatsUnis, et « la recherche française dans ce domaine est très développée », ajoute Alvyn Severien. Au niveau mondial, la production annuelle globale de ce produit de niche - estimée autour des 10 000 tonnes par an - ne cesse d'augmenter régulièrement depuis les années 1990.

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Commentaire 1
à écrit le 04/09/2016 à 11:22
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Avec le deuxième domaine maritime mondial, ses Chercheurs et ses Entrepreneurs, les côtes de Bretagne, la France devrait être l'un des premiers Pays producteurs d'Algues. Il est également difficile de comprendre pourquoi les saumons sont produits ...

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