Oslo montre l'exemple en cessant d'investir dans le charbon

La décision de la ville d'Oslo, dont le fonds de pension vient de cesser d'investir dans le charbon, crée un précédent. Londres ou New-York ne sont pas forcément prêtes à suivre cette tendance.
Ce n'est pas à Oslo qu'est né le mouvement de désinvestissement, mais dans les terres reculées de l'EID.
Ce n'est pas à Oslo qu'est né le mouvement de désinvestissement, mais dans les terres reculées de l'EID. (Crédits : CC Mariano Mantel (via Flickr))

Quand la ville d'Oslo se débarrassera des investissements dans le charbon qui font partie de son fonds de pension, en avril, elle créera un précédent : elle sera la première capitale au monde à tirer un trait sur ce combustible fossile hautement polluant. Parmi les zones urbaines ayant décidé de franchir ce cap ambitieux ces dernières semaines, la ville d'Oslo est certainement celle qui a le plus de visibilité.

En Australie, deux municipalités ont déjà suivi cette voie : Leichardt, une banlieue de Sydney, a décidé de se débarrasser entièrement de ses investissements dans le charbon d'ici trois ans, et la ville de Byron Bay, a annoncé récemment sa décision de cesser tout investissement engendrant des émissions de CO2. D'autres villes plus petites, notamment aux États-Unis, se sont jointes au mouvement de façons diverses. De son côté, l'autorité du grand Londres a adopté une motion demandant au maire d'approuver la suppression des investissements liés à tous les combustibles fossiles du fonds de pension de la ville. La liste des villes ayant décidé le désinvestir devrait continuer à s'allonger.

Cependant, quel est le poids réel de la décision de la ville d'Oslo, étant donné que la caisse de retraite norvégienne, le géant GPFG, continue d'investir dans les combustibles fossiles ? Le mouvement de désinvestissement des municipalités est-il aussi irrésistible qu'il n'y parait ? Pourrait-il atteindre des villes plus importantes, comme Londres ?

Erik Lae Solberg, adjoint du maire d'Oslo et responsable des finances, reconnait que la décision de la ville de vendre ses parts dans l'industrie du charbon, qui pèsent 40 millions de couronnes (4,6 millions d'euros), ne représente pas grand-chose. Cette décision envoie cependant un signal clair, assure-t-il : Oslo ne veut pas contribuer à l'industrie du combustible fossile le plus polluant et souhaite réduire son empreinte carbone.

Les villes, responsables de 70 % des émissions de carbone

« Nous savons que le charbon est probablement la source d'énergie la plus dangereuse », souligne Erik Lae Solberg. « On a dit que les villes représentaient environ 70 % des émissions de carbone à l'échelle mondiale. Donc, clairement, les villes sont en grande partie responsables du changement climatique. »

En 2011, le conseil d'Oslo a décidé de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % d'ici 2030, et de devenir climatiquement neutre d'ici à 2050. Pour ce faire, un large éventail de mesures a été proposé. Celles-ci vont de la mise en service de 258 stations de rechargement pour voitures électriques au recyclage des déchets ménagers en carburant pour les transports en commun.

Pour la Norvège, grand producteur de pétrole (et plus modeste producteur de charbon), qui dirige ses revenus pétroliers excédentaires vers ses fonds de pension, ce mouvement écologique est un casse-tête. Jusqu'à présent, le gouvernement a résisté aux demandes du Parlement, qui souhaite que GPFG cesse d'investir dans les combustibles fossiles. Véritable tirelire du pays, GPFG est le plus grand fonds de pension souverain au monde. Il représente la bagatelle de 786,5 milliards d'euros. Un comité choisi par le gouvernement a conseillé que le fonds ne désinvestisse pas des carburants fossiles, mais mette plutôt en place une nouvelle norme écologique et examine les investissements au cas par cas.

Selon les conclusions de ce comité, parues en décembre, « la production d'énergie constitue une base importante de notre société, et les combustibles fossiles, tant le pétrole que le charbon, continuera de faire partie de notre portefeuille dans les décennies à venir. La question n'est pas de savoir si ces entreprises auront des investisseurs, mais si ces investisseurs seront de 'bons' investisseurs d'un point de vue financier et éthique. »

Selon les estimations de l'organisation de défense de l'environnement norvégienne Future in Our Hands, les investissements dans le charbon du fonds de pension s'élèveraient à 76 milliards d'euros. NBIM, le gestionnaire du fonds, assure que ce montant ne reflète pas la réalité et a récemment déclaré que le fonds avait renoncé à investir dans 49 sociétés en 2014 à cause de leur modèle d'entreprise non durables. Ces sociétés étaient pour la plupart des entreprises d'extraction d'or et de charbon.

Un mouvement qui s'étend

Pourtant, ce ne sont pas les grandes villes norvégiennes qui ont été à l'avant-garde du mouvement de désinvestissement. En effet, ce mouvement trouve ses racines norvégiennes dans la petite communauté de Eid, 6 000 habitants. Le maire, Alfred Bjørlo, a abordé le sujet il y a plus de deux ans avec le gestionnaire de sa caisse de retraite, après avoir pris conscience de cas similaires aux États-Unis.

« Vers la fin de 2012, j'ai lu un peu par hasard le projet du maire de Seattle d'exclure les investissements dans le charbon », explique-t-il. « Je me suis dit que si une ville comme Seattle pouvait le faire, c'était tout à fait possible en Norvège. »

Seattle est en effet la première ville américaine à se joindre à la campagne de désinvestissement Fossil Free, menée par l'organisation 350.org. En décembre 2012, le maire, Mike McGinn, a annoncé que Seattle n'investirait plus un centime de son cours de trésorerie opérationnel, de 1,4 milliards de dollars, dans les entreprises d'énergies fossiles, et chercherait à éliminer ces investissements des portfolios de son fonds de pension, de 1,9 milliards de dollars, et de son régime de rémunération différée, de 700 millions de dollars.

Reste à savoir si les grandes villes du monde entier suivront cet exemple. Rien n'est moins sûr. Au bureau du maire de Londres, on assure que l'appel à désinvestir les 2,7 milliards d'euros du GLA Group Investment Syndicate et à demander au président de la caisse de retraite londonienne, qui pèse 6,5 milliards d'euros, à faire de même, est à l'étude.

« Le maire prend le changement climatique très au sérieux », a déclaré l'un de ses porte-paroles, qui ajoute que l'administration de Boris Johnson estime qu'un retrait soudain des investissements dans les énergies fossiles pourrait causer « une grande distorsion de l'économie mondiale, sans même parler des conséquences pour les plans de retraite de millions de résidents britanniques ». Selon le porte-parole, il faut se montrer réaliste : il doit y avoir « un retrait progressif des énergies fossiles, et non un abandon brutal ».

Danielle Paffard, activiste de la campagne de désinvestissement Fossil Free au Royaume-Uni, est loin d'être optimiste quant aux intentions de Boris Johnson. Toutefois, elle espère que le désinvestissement devienne l'un des principaux enjeux des élections municipales de l'année prochaine. D'ici là, Fossil Free entend se concentrer sur d'autres villes européennes, comme Amsterdam, Berlin et Stockholm.

Amy Miller, qui milite pour Fossil Fuel aux États-Unis, souligne les progrès obtenus : dans le Massachusetts, la campagne vient de recevoir le soutien du Great Barrington Select Board, un important organisme local ; le conseil de la ville de Minneapolis s'exprimera sur le sujet la semaine prochaine ; et le mouvement gagne du terrain à Washington DC et New York. Il serait « décisif » de s'assurer le soutien du fonds de pension de New York, sa ville natale, par exemple, souligne Amy Miller.

Quant à savoir si New York sera plus encline à désinvestir que Londres, la question reste entière, admet la militante.  Les hommes politiques locaux demeurent inquiets quant au possible impact financier d'un désinvestissement. « Ils préfèrent continuer d'investir et exercer leur influence via un engagement actif », explique-t-elle. « Mais cela ne fonctionne pas. Est-ce qu'ils demandent [aux entreprises] de laisser 80 % [des réserves d'énergies fossiles] sous terre ? »

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Commentaires 3
à écrit le 26/04/2015 à 21:39
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Espérons que les politiques comprennent rapidement l'urgence qu'il y a a lutter contre les energies fossiles si l'on veut que l'humanité ne disparaisse pas. D'autant qu'elles sont de moins en moins rentables.

à écrit le 05/04/2015 à 18:24
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Avec Tartuffe aux manettes (la principale ressource de la Norvège, après l'abandon de la chasse à la baleine, est la production d'hydrocarbures qui a permis la création du plus gros fonds souverain du monde), vers quelle billevesée politiquement corr...

à écrit le 02/04/2015 à 17:24
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Quelques décennies de retard.

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