Cela est peu connu, mais EDF est depuis dix ans ans présent dans le gaz, notamment grâce au rachat de l'Italien Edison. Et Marc Benayoun, qui dirige le pôle Italie et gaz, veut accompagner tous les pays dans lesquels le gaz joue un rôle dans la transition énergétique. Ce qui représente un vaste marché, puisque les centrales à gaz, très flexibles et deux fois moins émettrices de CO2 que le charbon, sont présentées depuis des années comme l'énergie par excellence de la transition énergétique. Dans un de ses rapports, l'AIE avait même annoncé un «âge d'or du gaz».
Mais aux yeux d'EDF, cela ne sera pas le cas en France, où c'est le nucléaire qui accompagnera l'essor des énergies renouvelables.
Le nucléaire moins compétitif que les renouvelables, mais plus que le gaz
EDF a été le premier des grands acteurs de l'énergie conventionnelle à investir dans les énergies renouvelables, avec le rachat en deux temps - 75% en 2000 puis 100% en 2011 - de SIIF Energies, déjà fondée par Pâris Mouratoglou qui vient de céder 23% de sa nouvelle affaire, Eren RE, à Total. Aujourd'hui dirigée par Antoine Cahuzac, EDF Énergies nouvelles, leader européen du secteur très dynamique à l'international, prévoit de doubler ses capacités installées à 50 gigawatts d'ici à 2030. Mais l'opérateur historique a longtemps douté de la compétitivité de ces énergies vertes. Force lui est de constater aujourd'hui qu'elle est advenue plus rapidement qu'attendu. En janvier encore, Xavier Ursat, le patron du nouveau nucléaire - qui doit tirer parti des retours d'expériences des EPR actuellement en construction et venir remplacer le parc français actuel avec des réacteurs plus faciles et moins coûteux à construire - se fixait pour objectif « Qu'il coûte moins cher en euros par kilowattheure que la moins chère des énergies renouvelables installée au même endroit à cette époque-là. »
Ce n'est plus vraiment le même son de cloche. Désormais, dans la continuité de la COP21 dont la France entretient la flamme, et alors qu'Emmanuel Macron a décidé de tenir un mini sommet climat le 12 décembre prochain à Paris, c'est haro sur les énergies fossiles.
« On ne peut pas opposer le nucléaire aux renouvelables. L'objectif est d'abord de produire une électricité décarbonée, sans recourir aux énergies fossiles », a expliqué Jean-Bernard Lévy, le président d'EDF dans une rencontre avec la presse le 19 septembre.
Et d'affirmer la compétitivité du nouveau nucléaire face à des énergies fossiles assujetties à une taxe carbone, que le groupe souhaite voir établie à 30 euros la tonne.
Flexibilité insoupçonnée du parc nucléaire français
Mais il ne suffit pas d'être décarboné pour être un bon complément des énergies renouvelables intermittentes. « Comparer le prix de l'électricité d'origine renouvelable et celle d'origine nucléaire revient à comparer des choses qui ne sont pas comparables, en particulier en termes de disponibilités, a ainsi souligné Antoine Cahuzac. Au mieux en Europe, les éoliennes produisent à pleine puissance 25% du temps et les installations photovoltaïques 14% », a-t-il rappelé.
Longtemps le nucléaire est apparu comme l'énergie de base par excellence, capable de fournir en permanence une électricité abondante et de qualité, mais peu adaptée à un pilotage en temps réel. Pour démontrer que le nucléaire est le meilleur ami des renouvelables, Dominique Minière, le directeur du parc nucléaire, s'est donc livré à une explication détaillée de capacités de flexibilité jusqu'alors insoupçonnées, qui lui permettent d'abaisser sa production de 80% en seulement 30 minutes ! « Avec la montée en puissance des renouvelables nous avons développé la souplesse de fonctionnement des réacteurs de manière aussi à optimiser notre consommation de combustible », note Dominique Minière. Une possibilité qui a été intégrée dès la conception des centrales. Ce « savoir-faire unique au monde », suscite l'intérêt d'acteurs étrangers. Notamment des Chinois, auxquels EDF a cédé la technologie il y a deux ans.
L'évolution des coûts du stockage : la grande inconnue
Bien sûr, cette compétitivité du nucléaire repose largement sur l'absence de solution de stockage à prix compétitif, notamment de stockage massif de longue durée, particulièrement inter-saisonnier. Les STEP (stations de transfert d'énergie par pompage) représentent la seule solution compétitive à l'heure actuelle. Or, si les coûts du stockage devaient suivre la même courbe que ceux du solaire photovoltaïque, par exemple, qui ont été divisés par 10 en 10 ans, cela changerait la donne. Si le patron d'EDF assure qu'on ne voit à l'horizon aucune rupture technologique capable de générer une telle baisse des coûts, l'on ne peut exclure, comme cela s'est produit sur les énergies renouvelables, que les choses évoluent très rapidement, plus rapidement en tous cas que le temps de construire de nouveaux EPR optimisés.
EDF bien décidée à faire valoir son intérêt d'entreprise
Mais cela reste bel et bien l'objectif de l'opérateur, qui a profité de cette rencontre avec la presse pour donner le ton, à quelques semaines des travaux concernant la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour les périodes 2019-2023 puis 2024-2028, qui doivent notamment fixer l'objectif d'évolution la part de la production nucléaire dans le "mix énergétique" français.
"Cette PPE doit faire de toute évidence l'objet d'un travail de préparation de la part du nouveau gouvernement", a indiqué Jean-Bernard Lévy. "EDF aura certainement l'occasion de faire valoir à la fois la reconnaissance des missions d'intérêt général qui sont les siennes sur l'équilibre production/consommation dans le cadre des textes en vigueur et également de faire valoir son intérêt d'entreprise", a-t-il ajouté. "Nous sommes un très grand opérateur et l'Etat, j'en suis persuadé, aura à coeur de concilier les intérêts du système électrique, de la régulation, de la transition énergétique et également ses intérêts d'actionnaire d'EDF".
Autant dire que la partie n'est pas gagnée pour Nicolas Hulot, qui avait évoqué (tout comme la Cour des Comptes avant lui) l'hypothèse de 17 à 20 réacteurs fermés pour atteindre les 50% du mix électrique fixés par la loi à l'horizon 2025.
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