Quand EDF, Coca Cola, Ikea et consorts prônent le zéro déchet

Dans un rapport publié vendredi par un groupe d'entreprises européennes, 14 sociétés témoignent de leurs premiers pas vers un modèle économique plus circulaire, et de l'avantage compétitif qu'elles en retirent. Elles appellent l'Union européenne et ses Etats membres à soutenir davantage leurs efforts.
Giulietta Gamberini
La définition d'exigences minimales en matière d'écoconception, la mise en place de taxes spécifiques frappant les objets jetables et/ou d'une fiscalité encourageant la réparation, l'adoption de critères privilégiant l'économie circulaire dans les marchés publics voire la réduction de la taxation du travail au profit d'une taxation des ressources sont quelques-unes des mesures demandées par les entreprises interrogées.
La définition d'exigences minimales en matière d'écoconception, la mise en place de taxes spécifiques frappant les objets jetables et/ou d'une fiscalité encourageant la réparation, l'adoption de critères privilégiant l'économie circulaire dans les marchés publics voire la réduction de la taxation du travail au profit d'une taxation des ressources sont quelques-unes des mesures demandées par les entreprises interrogées. (Crédits : REUTERS/Charles Platiau)

Et si en matière d'économie circulaire les moteurs étaient les entreprises et les boulets, les politiques ? Un rapport (European industry in the 21st century: New models for resource productivitypublié ce vendredi 15 septembre à Helsinki par The Prince of Wales's Corporate Leaders Group (CLG), un groupe d'entreprises européennes engagées pour la transition bas carbone, le laisse penser. Quatorze sociétés telles que 3M, Coca-Cola European Partners, EDF Energy, IKEA Group, Philips Lighting etc. y prennent la parole non seulement pour détailler leurs avancées en matière de gestion des ressources, mais surtout pour demander à l'Union européenne et à ses Etats membres un coup de pouce et davantage de sévérité.

Un modèle économique revu de fond en comble

Dans tous ces grands groupes aux activités variées l'engagement en matière d'économie circulaire est désormais une réalité imposée par des contraintes économiques, ressort-il en premier lieu du rapport. La nécessité de répondre aux demandes d'une population croissante dans un contexte d'épuisement des ressources naturelles, de faire face à l'impact du changement climatique sur leurs chaînes d'approvisionnement, et de rester compétitives malgré des législations environnementales de plus en plus contraignantes, poussent nombre d'entreprises à revoir de fond en comble leurs modèles économiques, afin de réduire externalités et gaspillages.

Les matières recyclées et/ou biosourcées entrent ainsi dans la composition des produits, les gaspillages sont bannis, la durabilité redevient un critère guidant la conception des articles, l'offre de services finit même par remplacer celle d'objets. Encore, certaines sociétés "investissent dans des 'symbioses industrielles'": comme l'entreprise espagnole du BTP et de l'énergie Acciona, dont les sous-produits issus des renouvelables, traditionnellement considérés comme des déchets, "sont maintenant vendus comme additifs d'engrais, ce qui chaque année évite d'envoyer 27.000 tonnes de produits à la décharge et permet d'économiser 1,4 million de dollars", lit-on dans le rapport.

Opportunités et obstacles

La transition vers l'économie circulaire se révèle en effet rapidement représenter aussi une opportunité, témoignent les 14 sociétés interrogées. La Commission européenne a notamment calculé qu'en s'engageant dans la prévention des déchets, l'éco-conception, la réutilisation etc. les entreprises européennes pourraient économiser quelque 600 milliards d'euros, en réduisant en même temps leurs émissions de gaz à effet de serre annuelles de 2-4%, rappelle le CLG. Sans compter les avantages en termes de réputation, fidélisation des clients, voire développement technologique et compétitivité. Mais malgré ce potentiel économique, les politiques des Etats membres et de l'Union européenne ne soutiennent pas assez cette transition, se plaignent les sources de l'étude.

Le passage du modèle de l'économie linéaire adopté depuis la Révolution industrielle à celui de l'économie circulaire rencontre en effet encore nombre d'obstacles. Les consommateurs se montrent souvent méfiants face aux notions de déchets, les standards sanitaires et législatifs de production restent complexes et rigides alors que les produits recyclés souffrent de la baisse du prix des matières premières vierges.  La nécessité de revoir l'ensemble de la chaîne de valeur et des processus de production se heurte en outre souvent à l'inertie de l'industrie. L'impulsion législative s'avère donc fondamentale afin de valoriser les efforts des entreprises qui s'engagent dans le changement.

Trop de recyclage, peu de prévention

"Toutes les sociétés ont recommandé une meilleure harmonisation des règles de l'Union européenne concernant la définition des 'déchets', leur traitement et éventuelle réutilisation, ainsi que des politiques de 'fin de vie' de mise en décharge et incinération plus sophistiquées, afin de promouvoir la création de valeur pour un meilleur fonctionnement du marché des matériaux secondaires", relève ainsi le CLG.

La définition d'exigences minimales en matière d'écoconception, la mise en place de taxes spécifiques frappant les objets jetables et/ou d'une fiscalité encourageant la réparation, l'adoption de critères privilégiant l'économie circulaire dans les marchés publics voire la réduction de la taxation du travail au profit d'une taxation des ressources sont autant d'autres mesures demandées par les entreprises interrogées, "afin de stimuler des solutions minimisant la production de déchets".

En ce sens, l'accent mis par le Paquet économie circulaire de l'Union européenne, en cours d'élaboration depuis plus de trois ans, sur le recyclage au mépris de la prévention des déchets est critiqué : "70% des politiques d'économie circulaire portent aujourd'hui sur la fin de vie, quelque 15% sur les ressources et le 15% restant sur la conception. Or, idéalement, la responsabilité laissée aux décisions de fin de vie ne devrait pas dépasser 5%", souligne le directeur de la stratégie de développement durable du groupe Interserve, Mat Roberts. L'élaboration d'une "nouvelle stratégie industrielle européenne", appelée de leurs vœux en février 2017 par les ministres en charge de l'Industrie français, allemand, italien, espagnol et allemand, pourrait alors selon le CLG être l'occasion de changer de cap, et d'entraîner davantage d'entreprises dans l'aventure de l'économie circulaire.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 18/09/2017 à 16:16
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l'Economie circulaire la dernière invention pour éviter de se poser la vraie question à savoir: la surproduction d'un système qui ne vit que par la croissance! confère l'excellent livre sur le sujet de Monsieur Montsaintgeon: l'homo détritus.

à écrit le 16/09/2017 à 15:34
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Complètement d'accord avec les arguments développés mais il reste des actes ! Revenons déjà à la consigne pour toutes les boissons vendues ! Je reviens de Belgique où l'eau , les jus de fruits , la bière ( évidemment) sont venus très majoritairemen...

le 17/09/2017 à 20:02
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J'ai connu quand j'étais enfant les consignes des bouteilles en verre . Le vin , l'eau minéral et les sodas dont la bouteille Coca cola était une œuvre d'art pour l'époque ... La cause était économique , le recyclage du verre était inexistant et le ...

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