Risque climatique : les sociétés américaines cotées en Bourse se voilent la face

Alors que quasiment toutes les grosses entreprises sont concernées par ce danger, peu d'entre elles le reconnaissent. Cet écart était pointé par un rapport publié en décembre et discuté lundi au siège new-yorkais de Standard&Poor's. Il risque de mettre les entreprises à la merci du marché.
Nombre de sociétés, travaillant notamment en dehors du secteur énergétique, manquent de l'expertise nécessaire pour évaluer le risque climatique, transversal et en partie imprévisible.

Certes, le danger est selon les cas plus ou moins direct. Mais globalement, l'exposition au risque climatique concerne la quasi-totalité (93%) des sociétés américaines cotées en Bourse, à savoir 33.800 milliards de dollars de capitalisation boursière, rappelle mercredi 13 juillet un article de Forbes, citant des chiffres issu du rapport publié en décembre dernier par le Sustainability Accounting Standards Board (SASB, présidé par Michael Bloomberg).

"Puisque ce risque est systémique et incorporé à travers l'ensemble du portefeuille, les investisseurs ne peuvent pas l'éviter en diversifiant", lisait-on dans le même rapport.

Pourtant, seul un petit nombre de ces sociétés (12%) a jusqu'à présent signalé ce risque à ses investisseurs, pointait encore le SASB: un constat qui était au centre des discussions d'un groupe d'experts réunis lundi au siège new-yorkais de Standard&Poor's par la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD, groupe de travail sur les divulgations financières liées au climat, lui aussi présidé par Michael Bloomberg).

Les majors du pétrole dans le déni

Les raisons de ce fossé entre risque et prise de conscience sont de différentes sortes, analysent les experts invités. Certains dirigeants sont sans doute dans le déni. C'est le cas notamment des majors américains des énergies fossiles, qui continuent souvent à prédire un futur rose à la demande de pétrole. Michael Wilkins, directeur général du département de recherche sur les risques environnementaux et climatiques à S&P Global, observait lundi selon Forbes:

"Je ne sais pas bien dans quelle planète ils vivent puisque clairement une révolution des renouvelables de deuxième voire troisième génération est en cours en ce moment".

Une chute de la demande d'énergies fossiles est par ailleurs le revers inévitable de la médaille de l'objectif, reconnu par l'Accord de Paris signé en décembre, de limiter le réchauffement climatique à 2°C. Mark Lewis, directeur du département de recherche sur les services publics européens chez Barclays, observe, citant une étude publiée par la banque en décembre:

"Pendant les prochains 25 ans l'industrie mondiale des énergies fossiles devrait selon nous perdre 33.000 milliards de dollars de revenus, par rapport à un scénario 'business as usual'".

Et la grande partie de ces pertes impacterait le pétrole.

Un manque d'expertise sur l'évaluation du risque

D'autres sociétés, notamment celles travaillant en dehors du secteur énergétique, manquent en revanche tout simplement de l'expertise nécessaire pour évaluer le risque climatique, transversal et en partie imprévisible. Une partie de ce "danger" viendrait d'ailleurs de la transition énergétique et de ses effets sur les recettes, les actifs, les coûts, le cash-flow, en fonction des diverses limites fixées aux émissions ou des prix attribués au carbone.

Il n'empêche que les investisseurs doivent s'y préparer, estiment les experts, et ont besoin à cette fin d'informations de la part des sociétés: en matière d'émissions de gaz à effet de serre, d'évaluation et de stratégies de gestion de ces risques. Si les entreprises ne reconnaissent pas et anticipent pas ce risque, le marché le fera de toute façon à leur place, estime Mark Lewis, qui prévient: elles seront alors à sa merci.

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