C'est la ruée vers le premier élément du tableau de Mendeleiev. Les promesses française et européenne de soutenir massivement le développement de l'hydrogène décarbonée galvanisent les états-majors des géants de l'énergie qui semblent engagés dans une course à l'échalote. A peine quelques jours après que Total et Engie ont confirmé la signature d'un accord pour la construction d'une unité de production d'H2 « vert » au sein de la bioraffinerie de La Mède, Air Liquide avance ses pions à son tour pour ne pas se laisser distancer par son rival.
Un investissement stratégique
Par un communiqué publié le 20 janvier, le groupe indique être entré à hauteur de 40% au capital d'H2V Normandy, filiale d'H2V Product : une jeune société détenue par l'homme d'affaires caennais, Alain Samson, via sa holding Samfi Invest déjà détentrice de plusieurs parcs éoliens et photovoltaïques. Le montant de l'investissement d'Air Liquide n'est pas révélé mais il est qualifié de « stratégique » par François Jackow, directeur général adjoint et membre du Comex qui parle d'un « engagement sur le long terme ».
Pour autant, la nouvelle ne constitue pas à proprement parler une surprise. En embuscade depuis un moment, le géant français du gaz industriel affichait volontiers sa proximité et sa convergence de vue avec l'entreprise d'Alain Samson sans pour autant passer à l'acte en mode sonnant et trébuchant.
« Sur un territoire béni des dieux »
L'arrivée de ce nouveau partenaire dans le jeu devrait permettre de sécuriser le projet d'H2V de construire un complexe d'électrolyseurs d'une capacité pouvant atteindre 200 MW d'hydrogène renouvelable et bas carbone. L'usine devrait prendre place au sein de la zone industrielle de Port Jérôme en Seine Maritime, à un jet de pierre de la raffinerie Exxon Mobil pour laquelle le groupe de Benoît Potier exploite déjà une unité de production d'hydrogène « gris » équipée d'un dispositif de captage de CO2.
Pour Régis Saadi, directeur des affaires publiques d'Air Liquide France, la localisation choisie par H2V est idéale. « Nous sommes au cœur d'une terre d'énergies et sur ce territoire béni des dieux de la vallée de Seine normande qui a tout pour devenir un eldorado de l'hydrogène grâce à ses ports, à son fleuve et à son tissu industriel ».
Le verrou sautera à Bercy et à Bruxelles
Bien qu'il ait déjà passé le stade du débat public, l'aboutissement de ce projet reste toutefois suspendu à la mise en place des mécanismes de soutien promis par l'UE et à Paris par Bercy. Pas exactement un point de détail.Trois à quatre fois plus cher que son équivalent produit à partir du reformage du gaz, le tarif d'achat de l'H2 bas carbone reste rédhibitoire dans l'état actuel du marché.
Air Liquide comme d'ailleurs Engie attendent donc avec une certaine impatience de connaître le montant et les conditions d'octroi des compensations qui seront proposées par l'Etat. L'issue dépendra aussi d'une future directive européenne qui pourrait contraindre les industriels de la chimie et du raffinage à « verdir » leur approvisionnement en hydrogène. « Nous devrions être fixés d'ici la fin de l'année » croit savoir Régis Saadi. Le conseil national de l'hydrogène qui vient d'être installé devrait permettre d'en débattre.
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