"Nous serons les premiers à commercialiser une moto électrique performante" G. Staedelin, Harley-Davidson

Gérard Staedelin, le directeur général de Harley-Davidson France, détaille pour "La Tribune" la stratégie qui a permis au constructeur de se démarquer de la concurrence.
" Chez Harley-Davidson, les femmes sont historiquement très présentes. Il suffit de jeter un œil aux vielles cartes postales américaines des années 30 pour s'en rendre compte. Actuellement, ce sont des femmes qui dirigent les ressources humaines, le marketing et la fabrication au niveau mondial "; explique Gérard Staedelin, le directeur général d'Harley-Davidson France.

LA TRIBUNE - Comment se porte Harley-Davidson ?

GERARD STAEDELIN - En dépit d'un léger recul des ventes, l'entreprise a dégagé un résultat net de 692 millions de dollars en 2016, sur un chiffre d'affaires consolidé de 6 milliards de dollars. C'est plutôt pas mal pour une entreprise qui ne compte que 6.000 personnes dans ses effectifs à travers le monde.

Que représentent les ventes aux Etats-Unis ?

Les Etats-Unis représentent 62% des ventes totales de la marque. Sur le marché des grosses cylindrées, supérieures à 600 cm3, notre marque représente 52% des ventes. Notre concurrent direct ne "pèse" que 10% des ventes aux Etats-Unis.

Et en France ?

Sur ce marché des grosses cylindrées, Harley-Davidson représente environ 10% des ventes.

Ce marché est une niche.

C'est exact. Chaque année, plus de 50 millions de deux-roues sont fabriqués dans le monde. Les marchés américain et européen sont spécifiques. Dans le reste du monde, ce sont essentiellement des petites cylindrées, d'environ 125 cm3 qui sont produites et vendues.

Quelles sont les clés du succès de Harley-Davidson ?

Elles sont multiples. Commençons par son histoire. L'entreprise va fêter ses 115 ans. Elle a bien évidemment connu des hauts et des bas. Sans jeu de mots, des virages heureux ou malheureux ont été pris. Mais son histoire ne s'est jamais arrêtée. La marque est une légende qui vit, qui se réinvente - ce n'est pas un mythe ou un souvenir.

L'entreprise a connu une crise profonde dans les années 1970, marquée par la concurrence asiatique.

C'est exact. Harley-Davidson a souffert pendant cette période car elle n'était pas aiguillonnée par la concurrence. Elle s'est endormie sur ses lauriers.

Comment le constructeur a-t-il rebondi?

La remise à plat a été totale. Globale. L'outil de production a été modernisé. L'innovation est devenue le maître-mot, que ce soit sur le plan technique, organisationnel, financier, dans le marketing ou la communication. Un exemple : nous avons été les premiers à créer des communautés de clients, des chapitres du HOG [Harley-Davidson Owners Group, Club des propriétaires de Harley-Davidson, Ndlr] au sein des concessions. Actuellement, 1 million de personnes appartient à un des chapitres du HOG. Cette méthode fait école désormais. D'autres constructeurs de motos s'en inspirent pour relancer leurs ventes.

La marque est également la seule à s'adresser aux femmes !

Parmi les acquéreurs de motos de grosses cylindrées, seuls 5% à 6% sont des femmes. Ce pourcentage s'élève à 10% chez nous, soit 4 points de plus qu'il y a cinq ans. C'est encore trop peu.

Comment avez-vous réussi à séduire la gent féminine ?

Nous avons repensé notre communication. Nous avons mis sur le marché des modèles plus faciles à piloter qui s'adaptent aussi bien à la morphologie des hommes qu'à celle des femmes. Nous pouvons faire mieux, à condition également que le permis moto soit retouché.

C'est-à-dire ?

Je n'ai pas de recette miracle. Mais, d'après les exemples que j'ai près de moi, l'enseignement n'est pas vraiment adapté. Faire grimper une femme sur une moto de 200 kilos dès sa première heure d'apprentissage me semble être une aberration. Peut-être faudrait-il que l'enseignement soit plus progressif.

Je tiens à préciser que cette volonté de s'adresser davantage aux femmes n'est pas motivée par des intérêts commerciaux. Chez Harley-Davidson, les femmes sont historiquement très présentes. Il suffit de jeter un œil aux vielles cartes postales américaines des années 1930 pour s'en rendre compte. Actuellement, ce sont des femmes qui dirigent les ressources humaines, le marketing et la fabrication au niveau mondial.

Le développement international s'est également accéléré...

Effectivement. Jusque dans les années 1990, la marque s'est développée en Europe, selon le bon vouloir d'un importateur, puis d'une filiale, basée à Francfort, en Allemagne. Depuis, les ouvertures de têtes de pont, puis de filiales à international se sont multipliées. Après avoir débarqué à Windsor, au Royaume-Uni, nous avons ouvert des filiales en Espagne, en Italie, en Suisse... La filiale française a vu le jour en 1996.

Harley-Davidson se lance également à la conquête des pays émergents ?

Bien entendu. Toutes les routes du monde nous sont ouvertes. Notre potentiel est énorme en Inde, par exemple. Dans ce pays en pleine croissance, s'offrir une moto est une première étape avant de pouvoir acquérir une voiture. Forts de nos premiers succès commerciaux, nous avons décidé d'y ouvrir un site de production où nous produisons 18 des 34 modèles de notre gamme.

Ces modèles sont-ils ensuite exportés aux Etats-Unis ou en Europe ?

Non. Ils sont produits pour le marché local. Seule exception, la Street produite en Inde, commercialisée en Inde, mais aussi exportée vers différents pays.

Avez-vous été tenté par une aventure en Chine ?

Qui ne le serait pas ?

Le succès est au rendez-vous ?

Nous avons ouvert une première concession à Shanghai, en 2006. Aujourd'hui, il en existe une vingtaine. Les choses avancent doucement. Le marché chinois est assez difficile à conquérir.

Pour quelles raisons ?

Harley-Davidson n'y est pas une marque très connue. Sur les 25 pays que j'ai visités pour représenter la marque, il n'y a qu'en Chine que j'ai dû expliquer à mes interlocuteurs ce que l'entreprise fabriquait. J'ai cru à une blague. Par ailleurs, immatriculer un véhicule est administrativement compliqué. Enfin, la réputation des motards est très mauvaise. Certains les associent à des criminels. La culture de la moto de forte cylindrée est à construire en Chine.

Harley-Davidson fabrique d'autres motos à l'étranger ?

C'est également le cas au Brésil, pour contourner les barrières douanières, très élevées.

Peut-on imaginer des Harley-Davidson "made in France" ?

Pour l'instant, c'est exclu. A la différence de l'Inde, l'Europe n'est pas si éloignée des Etats-Unis. Les infrastructures sont de qualité, le réseau de distribution également et les barrières douanières faibles. Avec un droit de douanes fixé à 6%, et compte tenu du volume actuel de ventes, il n'y aucune raison d'implanter un site de production en France ou ailleurs en Europe.

Toutes les motos qui roulent sur nos routes viennent donc de Milwaukee et de sa région ?

Tout à fait. Elles arrivent en bateau à Rotterdam, après trois ou quatre semaines de voyage.

Le "made in USA" est-il un élément qui explique le succès de la marque aux Etats-Unis ?

Bien entendu. Tous ceux qui se rendent aux Etats-Unis constatent très vite l'attachement des citoyens américains à leur drapeau. C'est incontestablement un argument commercial.

D'autres constructeurs américains se sont engouffrés dans la brèche, notamment Polaris, avec Indian. Harley-Davidson est menacée ?

La concurrence nous fait du bien, nous stimule.

Jusque dans les années 1960, la France comptait également beaucoup de constructeurs de motos.

La France est traditionnellement un pays qui compte dans ce secteur. Il est regrettable que ces belles histoires aient pris fin.

Vous évoquiez la mauvaise réputation des motards en Chine. Elle n'est pas si fameuse en Europe ou aux Etats-Unis. Comment parvenez-vous à convaincre les élus locaux d'accueillir les événements Harley-Davidson qui essaiment à travers l'Europe au printemps et en été ?

Certains sont très méfiants. Mais une fois qu'ils y ont goûté, ils insistent pour que l'on revienne. Lorsque le premier Morzine Harley Days a été organisé en 2006, il y avait le premier jour autant de gardes mobiles que de passionnés de motos. Ils ne sont pas restés longtemps car ils ont vite vu que l'ambiance était seulement festive. Par ailleurs, l'Euro Festival organisé par Harley-Davidson Europe chaque année à Grimaud est désormais le coup d'envoi de la saison touristique. Personne ne s'en plaint dans le golfe de Saint-Tropez.

Tout le monde y trouve son compte ?

Vous savez, sur une moto, la place est limitée. On ne peut pas voyager avec sa glacière ou son lit. Résultat, les motards consomment. Je pense qu'un événement Harley-Davidson est plus intéressant sur le plan commercial qu'une étape du Tour de France.

L'innovation est également un moteur, n'en déplaise à ceux qui estiment que toutes les Harley-Davidson se ressemblent ?

C'est effectivement un reproche que l'on nous fait parfois. Mais un œil averti distinguera très vites les modifications que nous apportons chaque année ou presque à nos modèles. L'innovation chez Harley-Davidson n'est pas un processus au cours duquel les ruptures sont violentes.

Le projet Live Wire est un contre-exemple !

Tout à fait. A moins qu'un de nos concurrents sorte une machine dans les prochains trimestres, nous serons les premiers à commercialiser une moto électrique performante.

Quand sera-t-elle disponible ?

Sa date de sortie est prévue avant 2020.

Pourtant, elle roule déjà !

Oui, et ceux qui l'on essayée ont été bluffés. Même ceux qui étaient les plus rétifs. Si nous avons décidé de la commercialiser à cette date, c'est pour bénéficier au maximum des innovations technologiques dans le domaine des batteries. L'histoire continue.

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Commentaires 3
à écrit le 09/06/2017 à 15:56
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C'est une bonne nouvelle car je n'en peu plus de ces motos pétaradantes à toute heure du jour et de la nuit !!! Ces engins font maintenant beaucoup plus de bruit qu'un bus dont pourtant un arrêt est situé sous la fenêtre.

à écrit le 09/06/2017 à 12:14
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une harley qui fait pas ' popo pop pop pop popo', c'est pas une harley

à écrit le 09/06/2017 à 11:04
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"C'est également le cas au Brésil, pour contourner les barrières douanières, très élevées." "Les infrastructures sont de qualité, le réseau de distribution également et les barrières douanières faibles." Donc le protectionnisme permet de cons...

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